Pourtant, je la haïssais du plus profond de mon être, là où était logé mon cœur.

Pour la première fois depuis le début de notre histoire, j'avais décidé de lui faire mal autant qu'elle me le faisait. Rendre chaque coup que Lucrèce me donnait, sans le savoir, en me soustrayant de sa vie. Je suis devenu spectateur de la furie de Connor, de loin, assis une bouteille à la main, que ce soit dans le sofa comme dans les couloirs. Je redevenais un des mecs puérils de la bande, jetant des œillades flegmes à l'avis de Lucrèce qui encaissait les reproches de Connor. 

Si bien que je ne l'ai pas vu. 

Ou peut-être que je n'ai pas voulu voir quand son frère s'est décidé à s'en prendre à ses biens matériels. 

La copie de son devoir maison qui s'était retrouvée dans la corbeille. Je m'en étais aperçu en jetant moi-même les choses qu'on laissait traîner sur le plan de travail de la cuisine, après notre venue. Amon riait aux blagues de Connor, Jasper lui n'était pas vraiment avec nous quand ça arrivait, la conscience altérée par l'alcool ou plus rarement autrefois, quelques produits qu'il obtenait grâce à notre capitaine d'équipe. 

J'étais bien le seul qui n'était pas ravi, j'étais assez clairvoyant et le choix me revenait toujours à moi. Ignorer ou prendre part à ses agissements, lui hurler dessus ou lui vouer un mutisme dédaigneux. 

Malgré la petite voix au creux de ma poitrine qui persiflait de réparer les pots cassés. 

Je n'en fis rien. 

J'ignorai avec ce maudit pincement au ventre. 

Je m'enfonçais dans la colère, c'était le seul remède.


Un soir où le vent battait les arbres rudement, l'hiver s'était installé à Asheville. Nous étions tous réunis dans le salon des Shepherd. Jasper roulait un joint, il pliait en deux le papier sur sa longueur, en vérifiant que la bande collante était découverte. Une fois sa mixture positionnée correctement, il tassait le tout en mettant le filtre au bout. Il referma le papier, qu'il fit habilement glisser contre sa langue pour le lié sur lui-même, il roula le joint de l'intérieur vers l'extérieur avec hésitation. Une chance que les parents de Connor ne rentraient pas avant le week-end. Amon jouait avec ses boucles brunes à l'arrière de son crâne en surveillant le blond incertain.

On n'avait que 16 ans.

— ... Tu es sûr que je peux fumer ici ? questionna Jasper à l'avis de Connor.

Connor s'étant récemment mis au tabac, louchait sur le produit que détenait Jasper. C'était grâce à lui qu'il l'avait eu. Un peu de fric que Jasper avait et de la persuasion sur les seniors de l'équipe de basket. On jouait seulement par niveaux, mais les gars avaient l'intention de récupérer les postes une fois qu'ils seraient en dernière année.

— Oui, ils ne rentreront pas avant vendredi soir ou samedi matin. Peu importe, je m'occuperai de la maison pendant ce temps-là, incita-t-il.

Tout ce qu'on faisait en dehors des règles se déroulait soit chez lui, soit chez moi. Mon père partait souvent boire au bar de notre ville, dans ces cas-là, en pleine semaine comme ce soir-là, on pouvait squatter.

— Et ta sœur ? On est mercredi soir, est-ce qu'elle caftera ? demanda Jasper.

Un lourd silence s'abattit, brisé par la grande inspiration de celui aux cheveux noirs, confortablement assis dans le fauteuil dédié à son père. Amon s'intéressa à sa réaction et arrêta de triturer ses cheveux.

— Lucrèce ne peut rien dire. 

Ça sonnait comme une promesse. Excepté dans l'invisible, ça paraissait être un avertissement destiné à celle qui allait bientôt rentrer des cours. 

BRITOMARTISDonde viven las historias. Descúbrelo ahora