Multiples rires

Sous le cerisier

Il se tenait toujours à l'écart. Nick restait dans le parc du campus comme chaque jour, l'angoisse ne lui permettait pas de se mélanger aux autres. Cela était pareil depuis des mois, voire des années. Souvent, il se sentait triste, seul et honteux de ne pas réussir à se faire des amis. Malheureusement, il ne pouvait pas s'empêcher de se tétaniser quand il tentait de se rapprocher des autres pour discuter. Les cours étaient devenus un enfer. Il se mettait au fin fond de la salle dans l'espoir que personne ne vienne le voir. Parfois, il n'arrivait même plus à entendre le professeur ou à voir ce qui était marqué au tableau. Mais, au moins, l'angoisse le prenait beaucoup moins aux tripes. Il arrivait à ne pas trembler, à respirer assez normalement et que son cœur reprenne une fréquence normale.

Pourtant, depuis quelques semaines, le jeune blond voulait se rapprocher d'elle, lui parler, apprendre à la connaître. Elle était si belle, ses cheveux châtains flottaient dans le vent. Quand il la regardait, le bruit que faisaient les personnes qui discutaient dans le parc s'atténuait et devenait moins terrifiant. Souvent, elle avait un livre dans les mains. Il avait remarqué qu'elle en changeait régulièrement. Elle ne faisait que lire quand elle s'asseyait contre le tronc du cerisier. Les hurlements des jeunes enfants qui couraient n'avaient pas l'air de la déranger. Ses mains délicates tournaient les pages tranquillement puis retenaient les autres pour qu'elles ne se fassent pas emporter par le vent.

Lui restait à l'écart, adossé contre un chêne. Il était assez loin pour que ses peurs ne reprennent pas le dessus sur son corps, mais assez près pour l'observer et voir les fleurs de cerisier tombées dans ses cheveux. Il faisait semblant de regarder YouTube et observait la nature autour de lui. Elle l'apaisait. Il trouvait les plantes tellement belles au fil de l'année. Il retrouvait souvent les mêmes fleurs et les regardait naître, grandir et faner. Et puis, il l'admirait encore. Elle était devenue sa nouvelle obsession. Bien que parfois, il se trouvait bizarre de l'observer tout le temps. Il avait l'impression de devenir un voyeur dérangeant qui mettait les personnes mal à l'aise. Mais, il ne la braquait pas des yeux parce qu'il voulait lui faire du mal, il le faisait comme on regardait une œuvre d'art ou un paysage.

Sûrement que son regard était biaisé par l'amour qu'il lui portait sans le savoir. Ce jour-là, elle avait revêtu une magnifique robe vert clair accompagnée d'un collant blanc et d'une jolie veste beige pour braver les brises du printemps. Il la trouvait très jolie, habillée de cette manière. Il voyait peu d'autres filles avec ce genre de tenue. Finalement, il reprit son observation de la nature. Les pâquerettes avaient envahi l'herbe verte et vivace. Les insectes aussi étaient de retour. Les fourmis allaient à la chasse pour ramener de quoi manger à la colonie. Les vers de terre sortaient leur tête en se faisant quelques fois prendre par un oiseau. Les papillons virevoltaient au-dessus des fleurs en se posant parfois pour butiner dans une fleur violette à côté d'une abeille.

Les animaux aussi avaient repris leur droit sur ce petit parc riche en espaces verts. Les oiseaux chantonnaient dans les arbres et les nids, bien que cachés par les feuilles, étaient visibles si on cherchait bien. Les fruits à coque étaient régulièrement vidés par les rongeurs qui passaient dans la nuit. Quand Nick tourna de nouveau la tête vers la jeune femme, il se rendit compte qu'un garçon l'avait rejointe. Il la regardait de haut avec une cigarette dans la bouche. Puis, au moment de lui parler, il crachait la fumée à son visage en la faisant tousser. Il détestait ces types qui se pensaient plus fort que les autres et qui ne faisaient attention à personne. La preuve était qu'il jetait sa fumée de cigarette au visage de la jeune femme alors que c'était aussi dangereux pour la santé que ce qu'il inhalait.

Finalement, il retourna à son observation de la nature. Quelques instants plus tard, une voix douce et mélodieuse le sortit de son analyse :

"Je t'ai vu me regarder, ce n'est pas la première fois !"

Il releva la tête vers la fille aux cheveux châtains qui le regardait. Sa respiration se coupa puis s'accéléra, des légers tremblements commencèrent à lui prendre, son cœur commença à battre de plus en plus rapidement. Il leva les yeux vers ceux marrons qui le regardaient, tentant de voir si elle était en colère contre lui, si elle avait un regard accusateur. Mais il ne vit rien, elle n'avait pas l'air de lui en vouloir alors, il lui répondit tout bas :

"Je suis tellement cramé, je suis désolé."

Un rire embarrassé sortit de sa bouche tandis que les symptômes de son anxiété continuaient de l'assaillir pour lui gâcher la vie. Heureusement, la jeune fille le rassura rapidement :

"Je ne t'en veux pas. Ça m'intrigue juste qu'une personne que je ne connais pas me regarde aussi souvent.

- Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, je trouvais juste joli que tu lises, le vent dans tes cheveux, les fleurs de cerisier qui volent autour de toi et ton apaisement malgré les hurlements, termina-t-il en continuant à rire d'embarras."

Il venait de sortir la pire phrase de sa vie, laissant son côté poétique s'exprimer à sa place. Il était trop honnête, mais il s'en fichait un peu. C'était son caractère, il n'allait pas le changer pour les autres.

La jeune femme acquiesça, la bouche ouverte d'étonnement, et lui demanda si elle pouvait venir s'asseoir à côté de lui. Après qu'il ait accepté, elle était revenue avec ses affaires et son livre qui se nommait "Amour, sang et drame". Un titre intriguant, surtout à la vue de l'homme torse-nu avec une musculature peu naturelle sur la couverture. Il voulait en apprendre plus sur la jeune fille qui venait de s'asseoir contre l'arbre. Il continua la conversation alors que son angoisse commençait à le quitter :

"Tu lis quoi ?

- C'est une romance entre un garçon qui est dans la mafia et une de ses camarades de classe. L'histoire est très mignonne, mais je déteste la couverture. J'ai l'impression qu'ils pensent que les femmes n'achètent que pour les torses et les muscles."

Le jeune homme ne comprenait pas forcément tout cet univers qu'il y avait autour des livres. Il était presque sûr qu'elle oui. Alors, il essaierait d'en apprendre plus pour pouvoir en discuter avec elle. Il n'avait jamais pris l'habitude de lire des romans, il préférait les livres sur les animaux, la nature et les insectes. Soudain, il se rendit compte qu'il ne savait même pas comment elle s'appelait. Il lui demanda rapidement.

"Je suis Hyacinthe. Et toi ?

- Nick. Je trouve ta robe belle, elle va bien avec les couleurs des fleurs du parc.

- Merci ! J'aime beaucoup tes cheveux flavescents comme le blé, rougit-elle."

Les deux jeunes gens, gênés, cessèrent de se parler et retournèrent à leur activité respective.

Les tremblements et la respiration de Nick s'étaient calmés sans qu'il ne s'en rende compte. Il se sentait bien à côté d'elle. Il n'avait pas peur qu'elle lui fasse du mal, qu'elle se moque de lui. Ils étaient simplement assis l'un à côté de l'autre, faisant ce qu'ils voulaient. Au cours de l'après-midi, Hyacinthe lui demanda ce qu'il observait avec tant de ferveur. Il lui montra tous les petits éléments qu'il regardait évoluer dans le parc. Ils s'étaient déplacés sous le cerisier pour avoir un autre angle de vue. Le jeune homme vit les yeux pétillants de joie et d'admiration de sa nouvelle amie. Il se sentait heureux de la voir comme ça. Il espérait qu'un jour, il aurait moins peur du monde et pourrait s'approcher des autres pour pouvoir prendre des photos de la nature de plus près.

Défis du serveur Discord 《 Les défis galactiques 》 :

- Mot inconnu du 28/06/2021 au 04/07/2021 : Flavescent

- Le pendu : écrire sur un perso qui a les cheveux blonds

- Première phrase 19 : "Il se tenait toujours à l'écart." La consolante d'Anna Gavalda

- Prompt 721 : Je suis tellement cramée

- Combinaison 44 : Youtube / Romance / Mafia / Sang / Bruit / Fumée

- Situation 471 : A lit

- Prénom 167 : Nick

- Emotion/Sentiment 4 : Anxiété

- Titre du 06/05/2021 : Sous le cerisier

- 100 façons de rire (2/100)

- Un défi pour soi et pour les autres : écrire (et publier) 2 textes par semaine pendant 3 mois