22| LIENS FAMILIAUX

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— Les gars... Toi..., dénonça-t-il. 

Je me rassis plus près de lui, on reposa nos têtes contre le bord de notre baignoire. Perdus dans un silence mort qui nous détruisait. On n'avait pas encore peur à cette période. J'appelais ça des crises, pour moi, ce n'était que passager. Il doutait de temps en temps et c'était sa manière de le montrer.

— Tu as essayé de me laisser. M'abandonner pour Ivarsen, l'entendis-je dire plus pour lui que pour moi.

— Ce n'est pas vrai, rétorquais-je avec un haut le cœur immense. Je me suis fait un ami, rien de plus. 

Je fixais le meuble de notre lavabo, une des portes entrouvertes sur son panier avec ses affaires. Il y avait ce rasoir posé, couvert de rouge. J'aurais prié pour que ce soit du vernis. Ou peu importe, mais une chose absurde pour remplacer ce liquide empoisonné.

— Je sais..., avoua-t-il d'une voix qui ne lui ressemblait pas. Je sais aussi comment sont les hommes, c'est mieux que tu restes loin d'eux. 

Il y eut un lourd silence qui faisait resurgir notre erreur passée. Nous étions accolés l'un à l'autre. Mais je me penchai en avant, fouillant le placard pour y trouver de quoi soigner ses mains.

— Tu devrais partir, j'aimerais que tu t'en ailles, lança-t-il. 

Surprise, je me retournais pour apercevoir ses yeux parsemés de larmes. 

Il les avait clos.

— Il faut te soigner, Connor, je lui jetais les cotons et l'alcool. Pense à descendre, le repas est bientôt prêt. 

Je me levais en laissant échapper un soupir. 

Son bras s'entoura autour du mien pour me retenir.

— Non, pas toi, m'interrompit-il. 

Je me stoppais furieuse. 

C'était trop dur de rester une seconde de plus. Je voulais prendre la fuite, loin de lui et de ses souvenirs. Auprès de la porte d'entrée, de ma sortie de secours. Je voulais courir sous le vent et la pluie. Sans me soucier du retour. Sauf que je ne pouvais pas le laisser seul. Les yeux larmoyants, la tête baissée, s'apitoyant sur son sort. Son T-shirt remontait négligemment sur son ventre, son pantalon noir provenait de son dit uniforme. Celui que je porterai à ma rentrée au lycée.

— Alors qui ? sondais-je en faisant volte-face. 

C'est alors que ses yeux se sont teintés d'une couleur glaciale et morbide. Son bleu reflétait la mort, aussi terne, aussi sombre que les tumultes d'une vague contre des rochers. Écho à une puissante noyade. Il se noyait, et moi, je plongeais à son secours.

— Lorelei. 

Je ne savais plus si c'était à Lorelei qu'il demandait de partir, ou bien à moi. Connor confondait sa fatigue et sa mélancolie. Il prétendait la voir. Où ? Je n'ai jamais su. Peut-être à travers sa mémoire, ou bien à travers la vitre du miroir. Elle se reflétait derrière son épaule, le visage semblable à un cadavre. C'était ce genre de crise qui me faisait réfléchir. Lorsqu'il planait complètement, tout droit sortit de la folie. Il se battait contre lui-même.

— Ne me laisse pas avec elle. 

C'était un ordre. 

Il fallait à tout prix que je le sorte de sa misère. Il ne pouvait s'appuyer que sur moi. Personne d'autre ne comprendrait, personne d'autre ne l'aiderait. Il s'était tut vis-à-vis de nos parents. Il n'avait mentionné que de légers cauchemars passagers. Rien d'anormal ou de suspect.

BRITOMARTISWhere stories live. Discover now