— Tu peux y aller, je me charge de la suite, lui annonça Miles.

— Elle est censée jouer Cassandre en fin de journée, protesta Gavin.

— Ça ne va pas être possible, je le crains.

Nina se mordit la lèvre, mais elle ne s'était pas attendue à autre chose. Elle songea à ce qu'avait dit Leo, sur les chutes dans les escaliers, les allergies subites, les overdoses, les accidents de voiture, et la tête lui tourna. Elle se cramponna des deux mains aux accoudoirs de cuir, jusqu'à s'en meurtrir les jointures.

— Mais si Ajax a enlevé Cassandre et l'a violée sous les yeux de tous, au milieu du camp grec, ça devrait motiver Hector, non ? ajouta Miles avec entrain.

Gavin lâcha un sifflement admiratif, en sous-fifre servile.

— Je vais en parler avec Emmy. C'est vrai que c'est une bonne histoire. Ça pourrait marcher.

La porte se referma et Nina eut l'impression d'avoir perdu son dernier allié. C'était ridicule, car Gavin n'était pas un ami, et il ne se serait jamais opposé au maître. Mais c'était l'homme qui l'avait choisie, lors de sa première audition, qui avait cru en elle puis l'avait exposée à toutes ces horreurs, sans arrière-pensée.

Un monstre, comme les autres.

— Nina, lâcha finalement Miles, d'un ton désolé.

Elle releva les yeux.

— J'admire l'audace.

Un sourire tranquille parait son visage avenant.

— En revanche, je déplore la stupidité. La déloyauté. L'ingratitude. Tous ces élans néfastes qui nous ont menés jusqu'ici.

— Je peux tout expliquer ! glapit-elle alors.

Il la fit taire d'un geste et haussa les épaules, avant de refaire face au panorama qui s'étendait sous ses fenêtres. Il n'aimait pas être interrompu, Nina le savait. Elle devait attendre son signal pour entrer en scène.

— Comment va Max ? Toujours à comploter ?

Elle ne répondit rien, relâcha la fauteuil, serra les mains dans son giron, les yeux modestement baissés.

— Est-ce lui qui t'a mis cette idée ridicule dans la tête ? De faire sortir une EBA ? De la ramener ensuite avec une pathétique petite caméra et un révolver en plastique ? Vraiment ? Est-il à ce point désespéré ? Que t'a-t-il promis, en échange de cette initiative absurde ? Je ne comprends pas.

Il revint s'asseoir et la vrilla de ses yeux verts.

— Tu avais tout. Cassandre, Morgane, c'était la piste de lancement. Tu aurais pu devenir Chimène, quand la loi de contact aurait enfin sauté, tu aurais pu jouer Guenièvre ou Mathilde. Ta fortune, ta carrière étaient faites. Et voilà. Quelque chose, là en haut, a disjoncté.

Il se frappa la tempe de l'index, l'air désolé.

— Mais il nous reste une chance, Nina. Peut-être y a-t-il moyen de réparer ce qui a été détruit.

Son expression se fit chagrine.

— Il semblerait que ta formation se soit délitée et que tu aies développé d'étranges convictions sur nos lutteurs. Tu ne t'opposeras donc pas à ce que nous reprenions le programme d'exposition. Je te le dois.

Elle le fixa sans comprendre tandis qu'il extirpait une liasse de documents d'un tiroir.

— Section IV du contrat, paragraphe 2, alinéa 3, expliqua-t-il en désignant une page. L'employeur s'engage à instruire le travailleur afin qu'il dispose de toutes les compétences requises à un exercice autonome de sa fonction... Alinéa 11 : La gestion constructive et adaptée des EBAs fera l'objet d'une formation continue et de séances de recyclage, à définir au cas par cas, en fonction du plan individuel de progression du travailleur et de ses évaluations.

Les Héros de Rien (en cours)Where stories live. Discover now