— Est-ce que d'autres membres de cette honorable assemblée souhaitent s'exprimer ?

Un sénateur placé non loin de Min Si-muol leva la main précipitemment. Tous les regards convergèrent vers lui.

— Excellence Jong.

— Merci Votre Majesté, remercia le concerné en se levant de son siège et en s'inclinant. Je me permets de faire remarquer à Votre Altesse que la moitié du Sénat n'a été mise au courant de cette séance que tard dans la matinée. Nous n'avons donc pas eu le temps de préparer un argumentaire pour exposer notre point de vue concernant cette proposition de loi qui, je dois l'avouer, nous semble à mes collègues et moi-même par trop ambitieuse.

— Ambitieuse, vous dites ? Pouvez-vous développer ?

— Et bien...

Le sénateur Jong se tourna vers ses confrères les plus proches en quête d'un appui, plusieurs hochements de têtes l'incitèrent à parler, ce qui l'enhardi à poursuivre.

— Je dirais même que nous la trouvons exagérée. Son Excellence Kim nous demande de balayer en une heure des siècles de traditions et de privilèges ! Aucun de ses arguments n'est basé sur des faits concrets. Peut-il garantir qu'une telle refonte de notre système de taxes n'amorcera pas la chute de notre équilibre économique ? Ôter aux nobles leur droit jusqu'à présent inaliénable de jouir de leurs richesses héritées depuis parfois des siècles pourrait conduire ces derniers à la révolte. Tandis que les travailleurs pourraient voir dans ce nouveau calcul basé sur le revenu individuel une opportunité de ne plus fournir d'effort pour l'essor de notre beau pays ? Le Sénateur Kim est certes un orateur talentueux, mais a-t-il tenu compte de tous les tenants et aboutissants ? De plus...

— J'ai une question pour vous, Excellence Jong, l'interrompit le Prince.

— Je... je vous écoute Votre Altesse.

— Est-ce que vous aimez votre pays ?

Abasourdi par cette question qui lui semblait hors contexte, l'homme de loi resta muet quelques instants avant de répondre :

— Oui, bien entendu Votre Majesté.

— Et votre capitale ? Cette merveilleuse ville sur le point de passer à l'ère de la modernité ? Vous l'aimez ?

— Cela va sans dire, mon Prince.

— Et moi ? Est-ce que vous m'aimez ?

— Je...

— Répondez.

— Oui, oui, bien sûr.

— Je vois que vous êtes un véritable patriote, Sénateur Jong, je m'en réjouis. Savez-vous ce que c'est que l'amour ?

De plus en plus perdu, le pauvre homme ne comprenait pas où le mènerait cette conversation se déroulant devant les plus éminents citoyens du pays.

— Je... oui, Votre Altesse. Je suis marié et j'ai des enfants.

— C'est une forme d'amour. La plus restreinte. Je vous parle de l'amour qui s'étend à chaque être de ce pays, chaque parcelle de terrain, chaque animal, chaque plante. Voulez-vous leur bien-être ?

— Oui, Votre Majesté.

— Voulez-vous que notre nation soit citée dans les conversations présentes et futures comme un exemple de modernité, de droiture ? Voulez-vous que son nom rayonne par-delà les siècles ?

— C'est mon voeu le plus cher, mon Prince.

— Et bien cela commence en faisant le ménage, Sénateur. Cela commence en séparant le bon grain de l'ivraie, en se défaisant du superflu, du rouillé, de tout ce qui ne fonctionne plus ou a été corrompu. Et pour cela, il faut réussir à se défaire de ses anciennes chausses devenues certes très confortables mais usées jusqu'à la corde et ne nous permettant plus de marcher d'un aussi bon pas. Nous devons enfiler de nouveaux souliers pour aller plus loin. Peut-être aurons-nous quelques douleurs et que certains ajustements seront nécessaires. Cependant, si nous souhaitons avancer et devenir une nation d'hommes justes, nous devons faire quelques sacrifices. Tous autant que nous sommes. L'amour, c'est cela aussi, faire des concessions.

Water & Flower [YoonMin - TaeKook]Where stories live. Discover now