Chapitre 7 - Le renoncement

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     La matinée touchait à sa fin, et les cloches de la cathédrale de Montfort continuaient de sonner la fin de l'office. Premières sorties, les familles des nobles et des bourgeois de la ville s'attardaient sur le parvis pour saluer amis et connaissances. Bientôt suivis par une joyeuse foule de roturiers plus modestes, qui comme eux profitèrent de l'occasion pour deviser et échanger quelques nouvelles.

     Comme il était d'usage, avant de retourner chez eux, les plus généreux de tous ces fidèles s'avancèrent vers une autre foule, assemblée aux abords des quartiers pauvres. Là, ils firent l'aumône aux mains qui se tendaient vers eux. Puis, peu à peu, les familles fortunées montèrent dans leurs carrosses et repartirent vers les beaux quartiers. Tandis que derrière eux, les gens du commun repartaient à pied dans les rues de Montfort.

     La princesse Jenna sortit à son tour du grand temple dédié aux dieux de la lumière. Ce matin, elle était accompagnée du Mage Karalïn, qui avait assisté à la cérémonie en sa compagnie. Elle se dirigea vers un chariot arrêté derrière son carrosse, au milieu du parvis. Il était chargé de paniers remplis de pain, et de quelques corbeilles de fruits. Il était de coutume qu'une fois par semaine, après la grande messe, le Duc de Montfort envoie un plein chariot de pain pour qu'il soit distribué aux familles les plus démunies. La princesse aimait se charger elle-même de la distribution. Et ces jours là, au lieu de rester au palais, elle venait souvent assister à la grande messe à la cathédrale.

     Sur l'ordre de Jenna, les soldats et serviteurs qui le gardaient, avancèrent avec le chariot de nourriture. D'un signe de la main, elle demanda aussi aux gardes de la ville en faction autour du parvis de s'approcher. Leur présence permettait de maintenir un semblant d'ordre, et d'éviter les bousculades lorsqu'on approchait le chariot de la foule des mendiants.

     Aidés par quelques serviteurs, Jenna et Karalïn distribuèrent le pain aux pauvres de Montfort. Heureux et reconnaissants, les mendiants les bénissaient et les remerciaient chaleureusement. Les paniers vidés, la foule se dispersa, non sans acclamer une dernière fois la princesse qui les salua avec le sourire. Les soldats du palais et les gardes de la ville se regroupèrent autour de la princesse, prêts à la raccompagner à son carrosse, et à l'escorter jusqu'au palais. Mais après quelques pas, Jenna s'arrêta et, d'une voix hésitante, s'adressa au Mage.

— Karalïn, Je ne suis pas si pressée de rentrer au palais. Je voudrais marcher un peu... Voulez-vous faire cette promenade avec moi ?

     Le Mage connaissait bien la princesse. Depuis le début de la matinée, il l'avait devinée très préoccupée, mais s'était gardé de lui poser des questions. D'évidence, la promenade n'était qu'un prétexte pour lui parler. Il accepta naturellement son invitation.

     Le carrosse et le chariot furent renvoyés au palais sans les attendre, et Jenna repartit à pied en compagnie de Karalïn. A la demande de la princesse, qui souhaitait converser en toute discrétion, les soldats et les gardes les suivirent à quelques pas de distance. Ils lui obéirent de bonne grâce, sachant Jenna en sécurité avec le puissant magicien à ses côtés. La princesse et son mentor marchèrent quelques temps en silence, puis Karalïn prit la parole.

— Allons, Jenna. Dites moi donc ce qui vous tracasse à ce point !

     La princesse soupira, et entreprit de lui raconter l'entretien qu'elle avait eu avec son père. Ainsi que tout ce qui, dans la lettre du roi Duncan, lui semblait pouvoir être exposé au Mage. Elle lui expliqua aussi que plusieurs prétendants s'étaient fait connaître. Elle connaissait déjà certains d'entre eux. Et même si elle en appréciait sincèrement quelques-uns, en aucun cas elle n'arrivait à les imaginer en tant que futur époux. Puis elle resta un instant silencieuse, les yeux dans le vague. Dans un geste paternel, Karalïn lui proposa son bras. Jenna lui sourit, et passa son bras autour du sien. Il n'était pas rare qu'ils se promènent ainsi. Elle connaissait le Mage depuis sa plus tendre enfance, et la magie qu'ils partageaient avait tissé entre eux des liens profonds. Karalïn était devenu pour la princesse, un peu comme un vieil oncle.

Les Princes de Valdor - Tome 1 : Le retour du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant