𝟎𝟎. 𝐏𝐚𝐫𝐞𝐧𝐭𝐚𝐥 𝐀𝐝𝐯𝐢𝐬𝐨𝐫𝐲 𝐄𝐱𝐩𝐥𝐢𝐜𝐢𝐭 𝐂𝐨𝐧𝐭𝐞𝐧𝐭

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La haine, la colère, la jalousie et la volonté d'y mettre fin. Les cris, les coups, les supplications et la conviction que tout s'éteint.

Ce n'était pas la première fois que je montrais une violence de cette envergure, mais elle prenait des proportions que personne n'avait jamais soupçonnées. Je frappais avec hargne celui qui m'apportait tant de mal. Je le poussais dans ses retranchements, il se défendait, mais sa maladresse lui portait préjudice. Je me prenais quelques coups en échange, et je sentais mon sang filer entre mes dents, s'écouler de mes sinus. Il avait la force, mais pas la précision. Et je ne lui laissais aucune chance de s'en sortir.

J'avais ce besoin viscéral de lui faire comprendre ses torts par la violence.

J'avais du sang sur les mains et ce n'était pas le mien.

Je le poussais contre le mur de la salle privatisée où nous nous trouvions. Nous étions à l'étage d'un grand château. Sous nos pieds, quelques centaines d'invités étaient bien loin de se douter de notre querelle. Je n'avais pas l'intention de freiner mes pulsions, elles arrivaient par vagues, intarissables, déchainées, destructrices.

Un objet brillant attira mes prunelles, et je ne perdis pas une seconde pour me saisir de la lame qui gisait sur cette table, et la planter d'un mouvement brusque dans l'abdomen de l'homme face à moi.

Et soudain tout cessa.

Il me regardait. De ses yeux exorbités par la stupeur, toute autre émotion complètement effacée de son visage. Je ne bougeais plus non plus, tout comme lui ne faisait aucun mouvement. Le temps s'était interrompu, et pour alourdir cette impression, mes oreilles sifflaient et je n'entendais plus que ma respiration et les battements de mon coeur qui cognait contre ma cage thoracique.

Tout était arrivé très vite. Peut-être trop. Tout était très flou, trop flou, et pourtant ma vision n'était aucunement altérée. La scène était claire sous mes yeux écarquillés par la fureur, et pourtant toute la brume dans mon esprit modifiait mes perceptions. J'entendais mon coeur battre partout dans mon corps, jusqu'à mes doigts pourpres, qui ne touchaient plus qu'une masse inerte. Le sien avait cessé, quand le mien s'était emporté.

Son corps n'était plus maintenu que par le mien, pressé contre lui après lui avoir planté ce couteau entre les côtes. À la seconde où j'osais un pas en arrière, tout son être s'affaissa, glissa le long du mur et s'échoua au sol dans un bruit qui me parut si fort que je portai mes mains à mes oreilles.

La musique me revint d'un seul coup, s'en suivit des cris, des voix terrifiées, des insultes, des mots, des noms, des choses que je ne comprenais plus. Tout était trop fort, trop fort, bien trop assourdissant, et mon muscle cardiaque s'essoufflait à me maintenir en vie. Je commençais à avoir du mal à respirer, quand bien même ce n'était pas moi qui gisais dans mon propre sang, sur le sol lustré de ce petit salon.

Mes paumes ensanglantées tachaient mes oreilles et ma chevelure, alors que je reculais de quelques pas pour éviter de défaillir devant le massacre que j'avais moi-même accompli. Mon souffle me brulait les entrailles tant je bouillonnais de colère, et l'adrénaline se nourrissait de moi comme un feu dévorerait une forêt. J'enrageais encore, alors même qu'il n'était plus rien qu'un corps sans vie. Et que je me tenais debout à côté de lui.

J'avais du sang sur les mains et ce n'était pas le mien.

L'arme qui m'avait poussé à fauter s'échappa de mes doigts sans que je ne m'en aperçoive et rejoignit la marée de sang qui venaient lécher mes derbies lustrées. Je m'imaginais me noyer dans tout ce rouge, tant la vision qui m'était imposée me paraissait finalement insoutenable. Je ne savais pas ce que j'avais fait.

Je n'arrivais pas à discerner le réel de l'irréel. Est-ce que les voix qui me hurlaient dessus faisaient partie de mon esprit, ou étaient-elles vraiment dans mon dos, à m'insulter de tous les noms pour tout ce sang que j'avais sur les mains ? Qu'est-ce qu'il se passait ? Comment était-ce arrivé ? Je ne me souvenais que de la moitié, alors que tout s'était déroulé seulement quelques secondes auparavant. La brume dans mon esprit ne cessait de s'épaissir, et j'enrageais de ne pas parvenir à calmer tout le bordel qui y régnait. Les sons étaient trop forts, les sensations décuplées, si on me touchait je risquais de frapper sans me contrôler.

J'abaissais mes mains pour remarquer qu'elles étaient teintées de rouge. Un rouge sale, pourpre, brunâtre, qui imprégnait ma peau, et glissait le long de mes poignets. Je serrai les dents si fort à cette vision que j'en avais la sensation que ma mâchoire se décrocherait.

J'avais du sang sur les mains, et ce n'était pas le mien.

J'avais du sang sur les mains. Mais je ne saignais pas.

Il y avait un corps au sol, encore chaud, mais inerte, et ce n'était pas le mien.

Ce n'était pas mon sang, mais le sien.

Je n'éprouvais rien. Rien qui pouvait s'apparenter à une forme de culpabilité, de regret ou d'anxiété. Tout ce qui traversait mon corps n'était qu'une vague de satisfaction, intarissable, déchainée, destructrice.

Et pourtant, je ne pouvais nier la réalité.

J'avais tué quelqu'un.

J'avais tué Archibald Levinson.

Et je n'avais plus rien d'autre à faire que d'allumer une cigarette au bord de mes lèvres, de mes longs doigts tremblants et teintés de son sang, observant son regard éternellement fixé dans le mien, de mes prunelles dépourvues d'empathie.

ANGELWhere stories live. Discover now