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KAYA

Pas d'accolade.

Kolson ne m'a pas serrée une seule fois dans ses bras. Ni à son arrivée ni lors de son départ. Le pacte régi par notre bande, à savoir nous enlacer à chaque salutation – même en cas de mésentente – vient de subir une transgression de niveau quatre sur une échelle de six. Encore que, les scores ont sans doute explosé après le pourcentage vertigineux de règles enfreintes. Si elle en avait vent, Alli nous étriperait.

Les quinze dernières minutes écoulées s'assimilent à un mystère non élucidé. Par quel aberrant prodige nous sommes-nous abandonnés ainsi ? Comment, en me ridiculisant sur une chanson de Demi Lovato, une miette de désir s'est éveillée en lui ?

Notre relation se définit par sa platonicité. Kolson et moi n'avons jamais éprouvé d'attirance l'un envers l'autre. Jamais

Ce détail me conforte dans l'idée que nous allons surmonter cet écart. Notre amitié prévaut d'un vulgaire dérapage constitutif d'une lutte entre hormone et testostérone. Sa réaction ne résulte que d'un besoin primaire associé à un manque sexuel. À ce stade, n'importe quel corps dénudé le mettrait dans tous ses états.

Propre à ses principes, il a voulu me rassurer suite à mes paroles dégradantes sur ma silhouette. Mon poids ne me complexe plus depuis longtemps. Je m'assume. Mon reflet ne me rebute pas.

Manifestement, d'après cette mésaventure, certaines insécurités persistent. Un homme qui me surprend en tenue d'Ève, alors qu'il a pour coutume de fréquenter des femmes minces, a quelque chose de désarçonnant. Incapable de cibler mes émotions, je me suis rabattue sur la carte la plus facile à dégainer. Parfait mécanisme de défense pour repousser l'adversaire. Sauf quand celui-ci se prénomme Kolson.

Je m'empresse de m'habiller et de rassembler mes affaires en éradiquant volontairement ce débordement de mon esprit. En jetant un coup d'œil à mon portable, je prends connaissance de l'appel manqué qui a interrompu notre espèce de transe. Un démarcheur téléphonique... pour une fois, je salue leur utilité !

La même routine se réitère dès mon entrée sur mon lieu de stage : déposer mon barda dans les vestiaires et enfiler une blouse à mon nom. Aujourd'hui, je veille à m'attacher les cheveux pour davantage de discrétion. Sarah, une résidente de l'unité pédopsychiatrique, me baptise déjà « la licorne ». La facétie me porte à sourire mais la déontologie exige un sérieux en toute circonstance, surtout pour une étudiante de mon acabit. Je n'ai pas encore le recul nécessaire pour plaisanter conformément avec les patients.

La ronde matinale avec mon infirmière attitrée, Lexa, ne va pas tarder à débuter. Justement, je la repère au détour d'un corridor en compagnie d'autres membres du personnel. Les expressions cadenassées me font redouter le pire.

    — Tout va bien ?

Lexa grigne, me considère de son regard gris charbonneux et s'abreuve d'un café déniché chez un torréfacteur de renom. La chance ! La pisse de chat de l'établissement me répugne rien qu'à ses émanations...

    — Sarah a eu un nouvel épisode de somnambulisme cette nuit. Joey et Isabella ont assuré ses arrières. Malheureusement pas assez pour lui éviter une chute dans les escaliers. La petite s'est cassé le bras.

Oh non, pauvre choupette...

Cette gamine de huit ans a déjà vécu bon nombre de traumatismes. Grâce à l'intervention de sa grande sœur, elle a échappé à la violence intrafamiliale qu'elle subissait depuis sa naissance. La séparation avec son aînée, seule véritable figure parentale à ses yeux, se révèle laborieuse.

Pinky PromiseWhere stories live. Discover now