Chapitre 2 - La conquête

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Chaussé de ses bottes de sept lieux, Gustavo passa trois mois dans le Sud de l'hexagone. Il brisa un à un les cœurs des mademoiselles Françaises, sans rencontrer trop de résistance. Lassé de cette facilité sans goût qui lui rappelait la Sicile, il décida de monter plus haut dans les terres. Sur les plaines  Limousines et Charentaises, il pu constater, avec délectation, que le charme de son bras n'opérait plus aussi facilement, il devait désormais mettre en place des stratégies qui avaient un double mérite : être efficaces et forger son esprit qui jusqu'alors n'avait pas eu besoin de trop travailler. L'Alsace lui demanda un effort supplémentaire mais il prit goût à ces femmes résistantes qui finissaient toujours par succomber à ses fessées. Ainsi,  ce sentant méritant , il apprenait à savourer ces nombreux trophées. De fouetteur impulsif, il devint fouetteur méticuleux. 

Par de là les montagnes et les champs,  Gustavo se forgeait donc une jolie réputation  et en seulement une année il brisa tant de cœurs que le Président lui-même dû décréter l'état d'urgence, alors que jusqu'à présent sa priorité était de sauver la France des envahisseurs.

Hystérie, mélancolie et détresse gangrenaient petit à petit  le pays. Des spécialistes soigneurs de l'âme, psychologues, psychiatres, prêtes, et charlatans de toutes sortes furent réquisitionnés. La police scientifique se mit à l'œuvre, et on envoya l'armée disponible sur tout le territoire! Les militaires pensaient pouvoir chasser les allemands hors des frontières et en faire de même avec ce goujat qui déprimait la France. 

Mais comment débusquer une légende ? Les victimes noyées dans le flot de leurs larmes, aveuglées par des sentiments contradictoires, n'espéraient qu'une chose : recroiser le bras magique de Gustavo! Elles semblaient donc incapables de décrire l'assaillant. 

Et Alors que la France passait en alerte rouge, Gustavo préparait tranquillement  son nouveau défi : faire de la Bretagne, réputée pour avoir résisté au grand César, un lieu de désespérance amoureuse. Il devenait incontrôlable, chaque jours ses pouvoirs augmentaient, car plus il trouvait de la résistance, plus il devenait fort !

C'est alors que son destin bascula ! 

Contraint d'effectuer un détartrage des dents du bas, il pris rendez-vous chez le Docteur Cétouvert.

Encore aujourd'hui, Gustavo, assis dans son fauteuil roulant, se souvient de ce jour qui changea le cours de sa vie.

C'était une belle  journée d'avril ! Un léger grain s'était abattu sur Saint-Malo, les mouettes injuriaient les passants grognons. Gustavo avait revêtu un chandail orangé sous son imperméable et la pluie l'avait poussée tout naturellement jusqu'au premier étage d'un petit immeuble. Il avait à peine eu le temps de s'écoeurer des odeurs du cabinet et de ces voisins mal en point, car comme à son habitude il était arrivé à l'heure exacte du rendez-vous. Un jeune homme vêtu d'une blouse blanche l'avait installé sur le grand fauteuil confortable et avait inspecté sa bouche. Il lui avait expliqué avec une moue de dégout que le détartrage était nécessaire, mais qu'avant tout chose, il devrait arracher deux dents bien abîmées. Gustavo d'un geste élégant lui avait donné carte blanche. Il était hors de question qu'on dise de lui qu'il se négligeait, sa réputation tenait dans un "tout" qui se devait irréprochable.

Le jeune homme piqua la bouche de Gustavo à trois endroits et vaqua à ses occupations le temps que le produit fasse son effet.

Le conquérant, allongé, vulnérable car incapable de parler commença a se trémousser nerveusement. Le jeune homme qui tripotait ses instruments de tortures lui expliqua qu'il attendait le Docteur Cétouvert  car ils devaient être deux pour l'extraction des dentaires, le patient devait être maintenu fortement.

Gustavo senti pour la première fois de sa vie le flux de la peur traverser tout son corps et il allait se lever pour s'enfuir lorsqu'il vit un visage se pencher sur lui.

La première ligne de défense fut foudroyé en quelques secondes par le regard expert qui plongeait de sa bouche à ses yeux et de ses yeux à sa bouche, dans un mouvement de va et vient hypnotique.

Sans comprendre, il sut ! Quelque chose en lui s'était fracassé ! Il passa des jours à se persuader qu'il avait rêvé. Puis sentant la mélancolie l'envahir, il décida de retourner à la source de ces tourments. 

N'ayant pas de douleurs et donc aucune raison de retourner chez le dentiste,  il acheta une tenaille et s'arracha une dent du haut. L'hémorragie déclenchée il se présenta chez le docteur Cétouvert qui dû intervenir en urgence.

Gustavo qui parlait un français parfait et teinté d'un accent italien très charmant expliqua au docteur qu'il avait voulu sauver une bougresse des mains de trois hommes imbibés d'alcool et qu'il avait perdu sa dent dans la bataille, mais que l'honneur de la donzelle était sauf.

Le beau parleur profita de l'inquiétude du docteur  pour passer à l'offensive : les soins terminés, il l'invita tout naturellement à boire un verre en fin de soirée. Même avec un sourire abîmé il parviendrait à ses fins.

La dentiste le remercia, mais après avoir hésité une seconde, elle déclina ce rendez-vous, Gustavo ressenti un trouble, il attendait cette résistance car elle était devenue un moteur pour améliorer son art de la fessée et pourtant il ressenti une terrrible déception. 

Et alors que le conquérant peinait à analyser son état, la Dentiste le mis à terre en lui lançant dans les gencives qu'elle allait se marier à un homme formidable, un urologue breton, et qu'il était hors de question qu'elle sympathise avec le diable autour d'un verre. 

Gustavo rentra chez lui totalement déprimé. Il se surpris à perdre pied. Le lendemain, alors que sa bouche avait à peine dégonflé, son égo fit l'inverse. Refusant la défaite,  il engagea un boxeur. C'était un ancien marin pêcheur qui crachait des odeurs de merlan lorsqu'il finissait une phrase, sa manière à lui de ponctuer. En manque d'exercice, il ne se fit pas prier pour donner quelques coups dans la mâchoire du sicilien à raison d'une séance par semaine.

La dentiste d'abord inquiète, s'agaça de devoir reconstruire Gustavo toutes les semaines, d'autant que son patient réitérait son invitation après chaque rendez-vous. 

Comprenant qu'elle ne se débarrasserait pas de lui autrement qu'en acceptant l'invitation, elle céda mais à condition que son patient lui explique la raison de dents brisées.

L'OgreWhere stories live. Discover now