Chapitre 1 - L'apprentissage

10 2 0
                                    


Gustavo est un séducteur d'une autre époque! Non pas un séducteur au grand cœur, mais de ceux qui font peur. Il a grandi en Sicile entre mère sur protectrice et tantes aux seins généreux. A douze ans il se délectait encore des bavardages ininterrompus de ces fées aux langues bien pendues. En grandissant, abreuvé de trop de langage féminin, il se tourna naturellement vers les hommes du clan e apprit à savourer l'âpreté des dictons prophétiques que son père entonnait chaque soir à la lueur de la bougie, comme des prières venues de temps très anciens . L'un d'eux fit un chemin dans son esprit et s'accrocha naturellement comme une évidence « Dompte les femmes et le monde t'appartiendra ». Ces mots figèrent le destin de Gustavo!

A 15 ans, il débuta son apprentissage avec les poupées de sa sœur. Il les attachait sur une planche à découper le pain et écrasait avec frénésie leur petit corps de plastique. Plus tard, armé de biceps d'adolescent, il s'exerça sur des jeunes filles bien vivantes qu'il ligotait aux oliviers du jardin. Le jeu consistait à fouetter ses demoiselles avec le martinet volé au Maître de l'école. Les victimes habituées à recevoir la fessées du professeur, du curé ou de leurs parents, couinaient de plaisir sous les assauts répétés de Gustavo qui chantait des airs d'opéra avec brio pendant le cérémonial. Tout le village était au courant de ses pratiques , mais aucuns adultes ne pensait à stopper ce jeu pervers. Et plus le carnet de femmes piétinées se remplissait, plus l'ego de Gustavo enflait. L'histoire raconte que toutes les femmes du village en âge de montrer leur fesse au fouetteur de Génie succombèrent au moins une fois à ses assauts. Sa réputation fit le tour de Palerme puis lamina la Sicile toute entière avant même qu'il ait le baccalauréat en poche. Ce n'était pas tant le physique du garçon qui fascinait ces dames, mais sa réputation de briseur de coeurs qu'il avait cultivée à force de fesser tant de derrières sous les oliviers. Aimer c'est facile, faire croire que l'amour est proche c'est tout un art et cela ne s'improvise pas. Et Gustavo n'avait jamais douté du don qu'il avait reçu ! Chaque dimanche il remerciait le bon dieu de l'avoir doté d'un bras si vaillant et d'une voix de ténor si puissante. A ses pieds les femmes se pâmaient, sous ses assauts, et les fesses rougies elles rentraient dans leur foyer espérant une visite nocturne plus charnelle. L'espoir brisait tout ces coeurs naïfs car Gustavo avait le dont de leur faire croire a un possible amour. Et plus la Sicile comptait ses femmes perdues d'avoir espéré, plus Gustavo devenez célèbre et intouchable. Sa statue trônait sur la place du village et même les nonnes se signaient lorsqu'elle passaient devant le demi-dieu de bronze. 

Lors de l'été 1943, alors que les alliés venaient de débarquer sur les côtes siciliennes,  Gustavo, dont l'égo dépassait celui d'un ogre, décréta avoir épuisé les ressources de son île et décida de partir conquérir la France ! L'Europe était en guerre, Il avait 30 ans, et une rumeur venue des vents méditerranéens disait que les Françaises résistaient aux hommes tout en portant des bas résilles et des talons hauts. Programme alléchant pour un homme aux victoires gagnées d'avance. Il ruinerait la France et partirait à la conquête de l'Europe qu'il mettrait à genoux, puis un jour il irait au delà, pour conquérir le monde.

Il laissa derrière lui une Sicile dévastée, les femmes hystériques déchirant leurs dessous intimes et les jetant à la mer, les hommes injuriant ce traître qui les abandonnait à leur triste sort, car désormais ils devraient s'occuper de leurs épouses. Le Maire du village convoqua cet ingrat et réclama un mode d'emploi pour apaiser les femmes désespérées, au moins pour quelques mois, car tous espérés secrètement que Gustavo finisse pas rentrer au pays .

« La belle affaire !» cria-t-il « Cessez de geindre Siciliens ! Votre contrée est sèche comme une figue oubliée au soleil. Mettez-vous au travail, arrosez vos plantes et vos prairies, pauvres choses ! Vous êtes pitoyables ! Je prédis qu'avant que cette île ne verdisse, j'aurai asséché la France de tous ses cours d'eau ! »

Si Gustavo le conquérant magnait le martinet comme un dieu, il n'en était pas de même de son langage et ces métaphores douteuses laissèrent une fois de plus tout un chacun comme deux ronds de flan. Le bourreau des coeurs monta sur le bateau qui le mènerait à Marseille, et la Sicile décréta un deuil national jusqu'au retour de l'enfant prodigue.

L'OgreWhere stories live. Discover now