Chapitre 1

13 2 0
                                    

Je fixe bêtement le virement bancaire que j'ai reçu de ma maison d'édition. Évidemment, je savais que je n'avais pas vendu beaucoup de livres cette année, beaucoup moins que les années précédentes. Pour autant, je ne m'attendais pas à ce que le résultat soit si catastrophique. Ce n'est pas comme si je n'avais rien publié, bien au contraire ! Pour répondre aux attentes de mes lecteurs, je me suis efforcée d'écrire trois romans. Manifestement, ce n'est pas assez. Après avoir fait de mon premier écrit un best-seller, la barre était haute pour mes parutions suivantes et je n'ai pas réussi à relever le défi.

Je tente de me convaincre que ce n'est pas mon écriture qui pêche – après tout, le public l'a déjà appréciée une fois –, mais peut-être que mes sujets ne leur parlent pas, ou alors avec l'inflation, les ventes ont diminué dans tout le secteur.

Je sais bien que cette dernière hypothèse est totalement fausse. Le marché du livre n'a jamais été aussi fructueux qu'aujourd'hui. Avec les réseaux sociaux, le pass culture, et tout un tas de paramètres qui m'échappent, beaucoup d'auteurs vivent de leurs écrits. Alors, pourquoi pas moi ?

Je fixe mon clavier d'ordinateur dont quelques touches ont sauté l'année passée à force d'écrire, comme s'il était capable de donner une réponse à mes interrogations. Mes yeux font le tour de mon studio minuscule simplement meublé. Poursuivez vos rêves, qu'ils disaient. Si j'avais su que je me retrouverais dans un appartement où la fenêtre chantait dès que le vent se levait, si mal insonorisé que j'entendais les voisins jouer aux cartes avec quelques traces de moisissures qui me feraient développer un asthme, peut-être que j'aurais fait un autre choix de carrière. Peut-être devrais-je changer de carrière ? Après tout, mal empiler les ingrédients d'un hamburger dans une chaîne de fast-food est bien moins compliqué et prenant qu'écrire un roman, et en prime, j'aurais un salaire décent !

Avec l'idée qu'un peu d'air frais m'aiderait à m'éclaircir les idées, je quitte mon appartement pour me diriger vers le café du coin dans lequel je passe le plus clair de mon temps à écrire. Il n'est pas exceptionnel dans ses pâtisseries, mais il a la wifi et la climatisation, ce qui n'est pas de refus avec cette température étouffante qu'on supporte depuis le début de l'été. L'achat de boissons constitue ma plus grosse sortie d'agent.

L'endroit est assez exigu et les tables et chaises sont disposées de manière à optimiser le maximum d'espace. Cependant, malgré cela, le café est chaleureux grâce à la grande bibliothèque remplie de livres poussiéreux et jaunis par le temps qui recouvre tout un pan du mur, la lumière tamisée une fois le soleil couché et les nombreuses plantes qui me donnent l'impression de revivre.

Je me dirige sans hésitation vers mon coin fétiche. Un grincement familier s'échappe du fauteuil en cuir lorsque je m'installe et je n'ai même pas besoin de commander que le propriétaire, un vieil homme proche de l'âge de la retraite, m'apporte un verre de thé glacé.

— Vous allez écrire un nouveau roman ? Je n'ai pas encore eu le temps de lire ceux que vous m'avez offert tant vous êtes productive !

Un pâle sourire se dessine sur mes lèvres. Ces mots me rappellent tous les efforts que j'ai fournis sans récolter un seul résultat. Peut-être ne suis-je pas faite pour l'écriture. Peut-être ai-je fait une erreur de parcours. Peut-être suis-je réellement destinée à couper des tomates à longueur de journée.

— Mais j'ai commencé votre best-seller et je peux vous assurer que c'est une pépite ! Votre plume nous immerge directement dans l'univers et on est happé par l'histoire avant même de connaître le nom du protagoniste ! J'ai hâte de poursuivre ma lecture, mais vous savez, je me fais vieux et tenir ce café aspire toute mon énergie. Quand je serai à la retraite, je me rattraperai !

My love romanceWhere stories live. Discover now