Donne moi de l'amour; PLK

𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟷

Oliana Delos Reyes
Mai 2019

Si on m'avait dit qu'il faisait aussi froid à Paris, je ne serais pas revenu. Ou alors, seulement cet été pour ne pas avoir à subir ces températures.

Je ressers mon gilet en le fermant encore un peu plus haut et coince mes cheveux sous ma petite écharpe noire.
Mes lunettes de soleil sur le nez, je sirote mon verre de Coca Cola à la paille en jetant des regards discrets aux gens autour de nous.

- Ça te fait bizarre les températures hein, me lance maman en reposant son Mojito sur la table en vieux bois.

Je hoche la tête en souriant.
C'est vrai qu'aux Philippines, l'air est chaud et humide pratiquement toute l'année. Alors revenir en France, c'est totalement différent.
Peut être que j'abuse un peu en ayant une écharpe quand je vois les Parisiens en teeshirt. Ils doivent penser que je suis malade tellement que je suis couverte.

Maman finit son verre d'alcool et pose son dos contre la chaise d'extérieur.
Elle aussi porte de grosses lunettes de soleil. Il faut dire que je tiens beaucoup d'elle.
Ayant un papa noir et une maman blanche, j'ai baigné dans deux cultures totalement différentes.
En passant 4 ans sur un autre continent chez mon père, je me suis beaucoup plus rapprochée de cette culture. Maintenant que je suis de retour en Europe, je dois me soumettre aux coutumes de ce pays.

Mes parents sont divorcés depuis que je suis jeune. J'ai toujours vécu chez ma mère car mon père a décidé de retourner dans son pays d'origine à leur séparation. J'étais encore trop jeune pour quitter ce pays et le suivre en Asie.
Mais en 2016, après un certain événement, j'ai décidé de le rejoindre, au départ, quelques mois, qui se sont vite transformés en années.

Je ne regrette absolument pas d'être partie, ça a été le meilleur choix de ma vie. Évidemment, maman m'a beaucoup manquée même si elle est venue 3 ou 4 fois me faire un petit coucou pendant quelques jours.
Ça a été dure sans elle, mais j'ai pu me rapprocher de mon père que je voyais très rarement à l'époque.

Maintenant, je suis de retour dans mon pays natal.
Je n'ai plus personne à part maman et mamie qu'ai très hâte de revoir après tant de temps passé loin d'elle.
Je n'ai plus aucun contact avec mes anciens amis, camarades de classes.
A vrai dire, je ne suis pas vraiment prête à resociabiliser.
Mes amis aux Philippines me manquent déjà beaucoup, je leurs ai promis que j'allais vite revenir les voir.
Malheureusement, je ne sais pas si ça va être possible aussitôt.

- Tu penses que mamie va pleurer en me revoyant ? je demande à maman qui fume une clope en face de moi.

Elle sait que je suis asthmatique, mais bon.
En 4 ans elle a prit l'habitude de fumer sans devoir faire attention au fait que je sois à côté d'elle.
Je fronce les sourcils et montre du doigt sa cigarette.

- Oh merde. J'avais limite oublié. Excuse-moi, je vais devoir refaire des efforts.

Je ricane en pinçant mes lèvres.
Je sais que ça va être dur pour elle de revoir quelqu'un à la maison après avoir passé autant de temps seule.
Elle va devoir se réhabituer à ma mauvaise humeur du matin et à mon côté bordélique assumé.

Maman écrase sa clope à peine commencée et la laisse dans le cendrier en rangeant son paquet dans son sac à main.

- Oui elle va pleurer. C'est une madeleine ta grand-mère. Mais toi aussi tu vas pleurer, je te connais comme si je t'avais sortie de moi. . Oh, je suis bête, je t'ai sortie de moi.

Je secoue la tête sans m'empêcher de rire et vide mon verre pendant que maman sort un billet de son portefeuille et le coince sous le cendrier.

- Allons-y. On a tes affaires à ranger.