Partie 2 - les coquelicots

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~neuf ans auparavant~

Je me souviens d'une balade que j'avais faite avec ma mère quand j'étais petite. Je devais avoir entre 6 ou 4 ans. Ma sœur n'étais pas là, et je ne crois pas me rappeler de mon père. Seulement ma mère et moi, nous promenant dans un champs aux abords de la bâtisse, comme nous le faisions souvent.
C'était l'été, et nous ramassions les épis de blé qui avaient été oubliés lors de la moisson. C'est lors de ces ballades que j'apprenais toutes sortes de secrets.
Comme le fait que lesdits grains de blé, cueillis comme nous le faisions, pouvaient être mangés même sans cuisson: soigneusement décortiqués, puis placés sous la langue ,à suçoter distraitement ou à mâchonner.

Je me souviens que ce jour là, je portais une robe à fleur, très colorée, confectionnée par ma grand-mère à l'intention de ma mère, qui me revenait donc par un procédé logique de succession.
Nous marchions côte à côte avec ma mère, dans la chaleur d'août. La terre desséchée jaunâtre du sentier crissait sous mes sandales, le bruit de nos pas réguliers se mêlant aux chant des cigales au loin.

Un grain de blé contre le palais, j'aperçus un coquelicot sur le bord du chemin. Sa couleur rouge vif, sa tige verte poilue, contrastant avec le jaune du blé et des herbes séchées aux alentours. Remarquant mon soudain intérêt pour la fleur, ma mère pris sa voix là plus douce et me serra la main.

« Tu aimes les coquelicots Maria?
J'hochais la tête, me dirigeant d'un pas sûr vers l'objet de mon intérêt, étendant ma petite main pour le saisir.
-Tu ne devrais pas le cueillir.
Je me retournais, arrêtant mon geste.
-Pourquoi ?
-Les coquelicots sont des fleurs très fragiles, une fois cueillis ils meurent dans l'heure qui suit. Si tu le laisses là, il sera sûrement encore beau dans trois jours; mais si tu le cueilles, il aura les pétales flétris et bruns avant même que l'on ne l'ai placé dans un vase à la maison. »

Considérant ces paroles, je baissait un visage juvénile concentré. Ce serait un sacrilège de troquer ce rouge sang contre un marron mort, et ce vert profond contre un pâle beige. Après mûre réflexion, je relevai finalement la tête.
« -C'est dommage, dis-je. Je les trouve très beaux, ces coquelicots.
Ma mère me sourit.
-Je sais, moi aussi je les trouve très beaux. Mais c'est comme ça: il est des choses qui ne peuvent avoir lieux d'être que si on les laisse là où ils y sont heureux. Les coquelicots ne peuvent être admirés que par ceux qui savent être là pour les voir. Si on les emporte égoïstement pour le mettre dans un vase, on prive les autres de sa vue. Il en demeure si triste qu'il se laisse mourir sur le champs. »

Il me fallut quelques instants afin de méditer la sagesse de ma mère. Quand je repris la parole, c'est avec une trace d'angoisse à l'idée de l'atroce crime que j'allais m'apprêter à commettre quelques instants plus tôt.
« -Mais pourquoi le coquelicot ne peut-il pas se réjouir de rendre heureux celui qui le cueille ? Pourquoi a-t-il besoin de contenter tant de monde? Ce serait largement suffisant si celui là me rendait simplement heureuse. Pourquoi vouloir toujours plus? Les coquelicot sont étranges.
    -C'est vrai ce que tu dis, me répondit patiemment ma mère en riant. Mais les coquelicots ont aussi un rôle important, autre que d'être jolis: les papillons blancs à la maison les adores.
     En effet, un joli papillon blanc venait de se poser sur un des pétales de la fleur rouge. Je ne dis rien, comprenant, du haut de mes 5 ans, qu'il était des choses tout à fait déraisonnables dans la nature, et que je ne pouvais à l'heure actuelle rien y faire, si ce n'est les accepter avec résignation et dignité.

Cette leçon sur les coquelicots s'avéra plus parlante que j'aurais pu imaginé à l'époque, et la nature n'était plus la seule à être déraisonnable. Seulement, je n'en avait aucune idée. Je me rappelle encore que ce soir là, avant de me coucher, ma mère me fit goûter une pastille au coquelicot. Son goût sucré m'avait ravi, et je me promis d'en manger de nouveau le lendemain, alors que ma mère m'embrassait tendrement sur le front.

Les coquelicots font aussi l'objet d'une chanson que ma grand-mère me chantait tous les soirs quand j'étais petite.

« Gentils coquelicots Mesdames, gentils coquelicots Messieurs.. »

La chanson racontait l'histoire de quelqu'un qui descendait dans son jardin afin de cueillir du romarin. Il y rencontrait un rossignol, qui lui disait tout sorte de choses.
Cette comptine m'a bercé pendant toute mon enfance, dès que j'étais avec la grand-mère.
Si je devais y repenser maintenant, je dirais que je la vois verte pâle. La chanson, je veux dire.
C'est assez étonnant, étant donné que les coquelicots arborent pourtant une belle couleur rouge, mais j'ai appris à aimer cette chanson le soir, entonnée par la voix presque chevrotante de ma grand-mère,  dans la grande bibliothèque qui était notre chambre, à ma sœur ma cousine et moi.
C'était une ambiance très particulière, mais j'en ressens encore les ondes.

Tout était parfait. Tout était toujours parfait tant que j'étais dans ma maison de vacances adorée, entourée de ma famille.

Mais les choses ont commencé à changer, et tout n'alla plus bien.

Je me souviens encore du jour où j'ai appris qu'on ne pourrait pas garder la maison pour toujours. C'était le jour de notre départ après les festivités du réveillon quand je devais avoir sept ans.
Jusque là, il avait toujours été évident pour moi que cette maison me verrait mourir, et grandir mes petits enfants, et leurs petits enfants, et qu'elle sera à nous pour de nombreuses générations après ça, bien après de nombreux changements de noms. Notre lignée connaîtra cette bâtisse de la même manière que je l'avais connue. Simple comme bonjour.

J'étais avec mon grand-père dans le vestibule, dont les murs étaient ornés de trophés de chasse de mon arrière-grand-père, à propos desquels ma mère ne retenait aucune critique, désapprouvant le fait d'avoir des animaux empaillés au dessus de nos têtes.
Nous avions déjà dépouillé le sapin de ses ornements, et il semblait nu et plus petit. Par terre jonchais des milliers d'épines, tombées de l'arbre. On le traîna alors par la porte sur la terrasse, laissant derrière nous un chemin de verdure, ce qui fit pester mon grand-père.
Sur la terrasse, il le traîna encore sur quelques mètres afin de l'éloigner de l'entrée. Moi, j'admirais le parc. Les feuilles rousses couvraient la pelouse verdoyante, la rivière au fond semblait plus vive et claire, et l'absence de feuilles sur les hauts arbres qui le bordaient rendait tout très dégagé. Je fis alors remarquer que l'on pouvait même apercevoir le pont du canal, chose impossible en été a cause de l'épais feuillage vert du bois au fond du jardin.
Grand-père , qui m'avait rejoint, acquiesça lentement. Il me dit, de sa voix basse, grave et sage, que certains arbres étaient tombés, qu'il allait falloir couper les branches basses d'autres cet été, et divers travaux visant à entretenir notre maison chérie.
J'écoutais, promenant mon regard sur la pelouse qui s'étendait devant moi.
Quand il eut achevé sa liste, Grand-père soupira, autant pour moi que pour lui même :
« -Ah, mes pauvres enfants! Je ne vois pas vos parents s'occuper de tout ça... il faut vous faire à l'idée !... Vous aurez eu des beaux jours... du moins je l'espère ! »
Ne comprenant pas tout de suite ce qu'il disait, je m'empresserait de le rassurer sur le fait que nos jours ici étaient les plus beaux que l'on puisse espérer.

Ce n'est que plus tard, dans la voiture, que je questionnai mes parents, et qu'ils m'expliquèrent alors que la maison serait en fait probablement vendue à la mort de mes grands-parents, car nous n'avions pas les moyens ni le temps de nous en occuper une fois ceux-ci partis.
Ce fut un des plus gros chocs de ma vie, et il fallut du temps à mon cerveau d'enfant de s'accoutumer au fait que la relation avec la maison puisse, contre toutes attentes, être éphémère.

Je n'accordais alors que d'avantage d'attention et d'importance aux moments que je passais la bas, particulièrement en compagnie de mes grands-parents qui n'étaient manifestement pas éternels non plus.
Je me dis que la vie allait bien vite, et que le temps qui passe était effrayant, et c'est pour mon propre bonheur que je décida qu'il fallait mieux l'oublier.

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Deuxième chapitre 🥳🥳🥳
Premièrement, je tiens à m'excuser car j'ai encore du mal à écrire les dialogues. Ce chapitre est moins travaillé que l'autre, j'y ai passé moins de temps et moins de relectures. J'espère tout de même qu'il sera pas trop mal, même si je ne croit pas que quiconque autre que moi le lira.
Ce chapitre est un flashback, il est donc normal qu'il ne corresponde pas avec le précédent.

Merci beaucoup !!

Naabot mo na ang dulo ng mga na-publish na parte.

⏰ Huling update: Dec 28, 2023 ⏰

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