8 - Contre vents et marrées

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« Tu vas le laisser tranquille. »

***

-    Je ne comprends pas, elle allait bien il y a 10 minutes.

Le Docteur Janvier était accroupi près du corps de Cindy et prenait son pouls. Elle ne respirait plus et ne donnait aucun signe de vie. En moins de dix minutes la vie avait quitté le corps de cette femme. Elle était allongée sur le carrelage, elle avait la tête fracassée et son sang éclaboussait les murs. Durant toute sa carrière, il avait vu des tas de gens quitter ce monde, partir vers l'au-delà. Y a-t-il une vie après la mort ? Un séjour pour attendre leur prochaine réincarnation ? Il ne croyait pas en ces choses là. Il a été Catholique pendant son jeune âge, était communié puis s'était confessé. Il priait le Grand Maitre. Au fond de lui, il a toujours cru que tout cela n'avait aucun sens. C'était sa façon à lui de rester rationnel. Un combat entre la lumière et les ténèbres ? Oui il le voyait chaque jour que Dieu avait faite, lorsque la nuit cédait sa place au jour et vice-versa, à chaque fois qu'on allumait une ampoule dans un espace obscure. Mais de là à lui présenter, un Dieu, un Satan, les deux facettes d'une même pièce. Non.

Au cours de sa carrière, il a soigné beaucoup de monde, de toutes les religions et de toutes les pratiques. Vaudouïsant, Maçon, Kabbaliste, Sorcier, Bòkò, Hougan, prêtre catholique et Pasteur. D'après les pasteurs après la mort : vient le repos éternel pour les croyants et les justes et la souffrance éternelle pour les Païens et les pêcheurs. Que seule la foi peut vous garantir ce billet vers ce palais de Crystal et cette couronne. Et pour les autres pratiques, la mort n'est pas une fin en soi, mais la fin d'une mission, accomplie ou pas qui précède une autre mission ou un apprentissage. Que l'homme est un éternel apprenti. Un être en quête du divin.

Janvier voulait se débarrasser de tout ça. Ces croyances qui paraissaient floues. Ces histoires qui vous empoisonnent le cœur et l'esprit et vous fait constamment douter d'un créateur suprême. Un architecte.

Aujourd'hui encore, pour la énième fois, il faisait face à ce fléau. Il n'y a pas pire que la mort d'un patient. Ça vous ronge de l'intérieur et vous pousse à mettre en question vos capacités, vos approches et vos mesures de prudence. Et pire, vous fait penser à la fin, l'inéluctable. Elle allait bien. Elle l'avait bien dit. Hier lors de l'anamnèse. La jeune fille avait répondu à toutes les questions. Et d'après les questions, elle n'avait eu qu'un petit malaise de rien du tout. Et les résultats en étaient la preuve.

***

Une ambiance pesante, un corps allongé au sol, une nouvelle âme à transporter, Marcel admirait la jeune fille avec empathie. Son crâne était fracassé, mais pas assez pour causer une mort instantanée ou une mort tout court. Néanmoins il n'était pas docteur, il n'en savait rien. Il fut surpris de voir que sa prochaine victime était une patiente de cet hôpital. En arrivant dans la salle de bain quelques secondes plus tôt, il avait admiré Patricia Mondésir, la femme qu'il aime. Elle était Inquiète, perdue, mais toujours aussi jolie.

Marcel s'approcha du corps de la victime, il aurait dû voir son âme. Là c'était différent. Seul un docteur, une infirmière et Patricia étaient dans la pièce. Encore une fois l'homme admira sa fiancée. A chaque fois qu'il la voyait, elle produisait sur lui, ce même effet. C'est normal, c'est l'amour.

Pour ne pas se laisser distraire, il avança dans la pièce guettant chaque recoin à la recherche de son nouveau colis. Marcel pensa au cœur qui cognait très fort dans sa poitrine lorsqu'il était humain. Cette sensation de stress qui pouvait l'emparer dans ce genre de situation. Quelque chose clochait, il ne savait pas quoi, mais d'habitude les âmes restent près de leurs corps. Qu'est-ce qui pouvait lui arriver ? Sans doute rien. Il n'était plus matériel, alors il était invaincu. Pourquoi pensait-il à tout cela ? C'est juste une âme qu'il devait emmener vers la lumière. Rien de plus. Il n'y avait vraiment pas de quoi faire tout un plat. Soudainement, il étendit des bruits pareils à un chuchotement. C'était de l'autre côté du mûr. Au premier abord, il crut que c'était deux patients qui discutaient à voix basse, mais piqué de curiosité elle traversa le mûr. Cindy était bien là, mais pas seule. Il allait s'approcher d'elle, mais le regard de deux choses le fit arrêter. Pendant un instant, il resta immobile.

Cindy était au milieu de deux... ombres. C'est ce qu'il pensait en les voyant. Ils avaient des formes humanoïdes, mais leurs compositions étaient différentes, menaçantes. Leurs énergies étaient obscures. Et Cindy Saint-Cyr était leur prisonnier. Que devrait-il faire ? Arraché l'âme de Cindy entre leurs mains, ou fuir ? Après tout en tant que faucheur, sa mission était d'emmener les âmes vers le repos. En ce moment, Il réfléchissait vite. C'était quoi ça encore ? Pourquoi ? A chaque problème qu'il croyait résoudre, un autre venait s'imposer. Cette fois, il était face à deux choses totalement différents de tout ce qu'il avait vue jusqu'ici. Leurs présences lui étaient insupportables, pareilles à la fois où la faucheuse s'était énervée. Il essaya de s'emparer de l'âme de Cindy, mais l'un d'entre eux lui tint par la main. À présent on eut dit qu'il absorbait son énergie. D'un coup, il sentit le sol se dérober sous ses pieds.

Cette fois, c'est la fin.

Il le sentait.

Alors avant de se faire désintégrer complètement. Il marmonna quelques mots à Patricia.

Patricia, mon amour, ton sourire était la plus belle chose qui m'était jamais donné de voir. Ton regard posé sur moi me donnait la force de me battre, me rechargeait d'énergie, ton sourire me suffisait. Toi, oui toi seule a su me rendre heureux. Sans toi, je ne suis rien. Sans toi, je suis vidé. Tu étais ma lumière, ma moitié, ma femme, et à présent tu portes en toi mon enfant à naître. Prends bien soin de lui. Je sais que tu vas y arriver. Toi, la couleur qui embellissait mes jours. Depuis que tu es dans ma vie, plus rien ne m'inquiète. Tu m'as fait vivre, tu m'as fait rêver.

Je t'aime. Je t'aimerai toujours. Contre vents et marées.

Marcel.

Merci d'avoir lu !

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