Carmen et Carlos étaient autrefois meilleurs amis, si proches que leurs parents les voyaient déjà mariés. Pourtant, cela n'a pas duré. Après des années séparés l'un de l'autre, ils tentent de réparer les liens cassés de l'époque, sans vraiment savoi...
Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.
CARMEN
🇧🇷 Brésil, 08 avril 2023, 17h56
Assise sur un muret de béton recouvert de tags colorés, une clope entre les lèvres, je souris en admirant mes amis jouer au basket avec des enfants du quartier. De ce que Marco m'a expliqué, nous ne sommes pas dans une partie aisée de la ville de Rio de Janeiro. En effet, comme en témoigne les nombreux immeubles délabrés et les routes jonchées de crevasses, c'est un quartier défavorisé.
Pourtant, entre deux bâtiments usés, un terrain de goudron est recouvert d'une fine couche de peinture et possède deux filets de basketball en assez bon état. Un adolescent parlant portugais s'approche et s'assied à côté de moi. Il soupire.
– J'ai construit les filets avec mes potes pour nos petits frères, il déclare d'une voix sereine, un sourire au bout de ses lèvres.
– Sérieux ? La vache c'est impressionnant ! Je m'exclame, emplie d'admiration.
J'expire la fumée de cigarette et écrase la fin de la clope contre le béton, laissant une traînée noire de cendre. Le garçon se lève et rejoint mes amis dans une partie désavantagée.
Les petits brésiliens n'ont qu'une dizaine d'années tandis que Marco et les autres sont adultes. Je ricane en les voyant taquiner leurs cadets.
Je me recroqueville davantage, mes tongues jaunes moutardes tombant au sol alors que je ramène mes genoux contre ma poitrine. Je joue avec les fils de mon short, distraite.
Mes pensées sont sombres et brouillonnes. Hier, j'ai reçu un appel de l'un de mes frères aînés, Antonio. Ce dernier a 33 ans, un métier stable et un logement fixe à Madrid. Nous sommes totalement opposés.
J'ai passé ces cinq dernières années en vadrouille, à vivre au jour le jour avec une bande d'amis faite sur le tas. Mais ces gats, je les adore. Ils sont spontanés, criards et drôles, ils remplissent mes journées afin d'oublier ce que j'ai laissé là-bas, en Espagne.
Mais cet appel a fait remonté à la surface la famille que j'ai laissée tomber sur un autre continent. Les souvenirs tumultueux que je tentais d'effacer, sans succès.
– Allez, fait pas la difficile !
Marco m'attrape par le bras, je peux sentir la sueur de l'effort jusqu'ici et mes yeux sont attirés par ses veines gonflées. Il est mort de rire alors qu'il me tire sur le terrain, parmi les petits brésiliens pleins de joie. Je me bats entre les passes de ballons et les idiots qui me courent après, étouffant des rires spontanés.
Épuisée, je m'assieds au milieu du terrain, un rictus s'affichant sur mon visage. Le soleil se couche, laissant une traînée orangée dans le ciel, un dégradé attisant mon regard. Je me laisse tomber contre le béton froid, mes cheveux s'étalant sur le sol.
