Moi, je vois qui tu es

Depuis le début
                                    

-Je suis déjà partie. C'est dans ta tête que je ne partirais jamais.

Je finis par me remettre debout, sentant la crosse de mon arme entre  mes mains. Quand je croise du regard le canon de mon Beretta, un  sanglot éclate en moi et sans que je l'ordonne, mon arme se dirige sur  mon front. Je retombe à genoux dans le sable frais et éclate en sentant  le métal froid sur mon front.

-Tu places ton doigt sur la gâchette uniquement si tu es sûre et prête à tirer. M'avait conseillé Spencer.

Je crois que ma cible n'a jamais été aussi claire.

Pourtant, le souvenir du son de sa voix et des images de ce jour  d'entraînement, où je pensais que jamais je n'aurais à me servir d'une  arme un jour, me retient d'appuyer une dernière fois sur la gâchette.

Faut du courage pour en finir, pour mettre un point final à sa vie, et  mon semblant de courage se dissipe quand mon oreille se colle à mon  portable pour écouter le cinquième message de Kay.

Un message qui me fait sourire malgré moi.

-Salut Ali.

Sa voix est un peu paniquée, mais surtout tendue et presque stressée.  Cette analyse focalise mon attention sur lui sans que je ne bouge mon  arme.

-Euh... Je ne sais pas comment te l'annoncer, mais... J'ai pris la décision d'aller voir mon père.

Je souris à son aveu et une fierté s'installe dans le creux de ma poitrine.

Mon doigt s'éloigne de la gâchette.

-J'aimerais que tu sois là. Tu me diras sûrement que j'aurais pu  attendre, mais je suis prêt aujourd'hui et j'ai peur que quand tu  reviendras mes certitudes aient disparu. Alors j'y vais.

Je suis loin d'être en colère contre lui.

Kay débite ses phrases d'une traite, sans reprendre sa respiration et je  suis soudainement curieuse de savoir ce que cela à donne. Je pose mon arme  au sol et ouvre les yeux pour regarder la plage en passant au message  suivant. Mais le visage que Arnaud me hante bel et bien.

Je recule  de peur, m'éloignant de mon arme posée à terre. Cette fois, il est  debout près de l'eau, les yeux rivés vers moi. Je n'y lis que de la  vengeance et ma respiration se saccade et devient trop vite irrégulière.  J'ai l'impression de ne plus pouvoir reprendre mon souffle. Face à lui,  je replonge au moment même où mon doigt appuie sans que je m'en rende  réellement compte. Je me reprends violent la vérité en pleine face et je  le revois quelques minutes avant que je ne me retrouve en face de lui.  Je me remémore son regard, sa peur, son stress, tout ce qui fait de lui  un être humain et tout ce qui fait de moi un monstre à présent.

Lorsque je réentends Kay, je fais tout pour reprendre mes esprits en  fermant les yeux. Je ramène contre ma poitrine mes genoux, j'essuie mes  larmes qui ne cessent de couler. Mon nez me pique lorsque je tente de  les retenir et lorsqu'elles sont trop nombreuses et que je ne suis plus  en mesure de les contenir, c'est ma gorge qui se noue pour me faire  davantage de mal avant que je sois forcée de lâcher prise.

À cet instant, j'aimerais me couper de cette réalité atroce, mais en même temps, je ne pense plus le mériter.

-J'en sors si tu veux tout savoir. Je... Il laisse un gros silence  avant de revenir à moi. Je suis perdu, honnêtement. J'aurais aimé que tu décroches  cette fois, Ali...

Il écarte son téléphone de sa bouche puis revient.

« Ali ». Ce surnom me fait penser à mon frère. Je me demande comment  Ivann me regarderait en me voyant aujourd'hui. Je suis persuadée que je  suis en train de le décevoir.

La Silencieuse |Tome 2|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant