29. Réconforté

En başından başla
                                    

— Des coups de poignard ?

— Vu les résidus retrouvés, je pense qu'il s'agit d'une dégradation programmée, reprit la femme. Sans doute devait-il prendre un antidote, à son insu, dans sa nourriture, chaque jour, et qu'au bout d'un temps prédéfini, sans inhibiteur, les toxines se sont dégagées. Je ne crois pas à un déclenchement à distance, on aurait retrouvé davantage de traces.

— Des coups d'aiguille, compléta Max. Très précis. Juste au bon endroit.

Alex s'interposa, une moue méprisante sur les traits. Sa ressemblance avec Max trahissait une naissance simultanée. Ces enfants étaient, disait-on, rejetons du diable. 

Comme Merlin, qui n'existait pas.

Merlin.

Arthur ne parvenait pas à réconcilier les paroles du sorcier en blanc avec l'enchanteur noble et sage qu'il connaissait.

— Ton analogie est minable, Max, grinça Alex. Ce sont plutôt des gouttes d'un acide très corrosif, qui se sont libérées et ont brûlé des cordes qui reliaient l'esprit d'Hector avec son corps. À présent, il est privé de son accès au monde.

— Tu vois quand tu veux, remarqua son frère avec un léger rire.

Son double féminin haussa les épaules.

— Ce n'est pas encore tout à fait ça, mais presque.

Arthur imaginait Hector flottant sur une mer étale, dans les ténèbres éternelles, errant dans une forêt profonde dont il ne trouvait pas l'orée.

— Peut-on réparer les cordes cassées ? demanda-t-il.

— Nous avons plusieurs angles d'attaque potentiels, répondit Alex de sa voix grave. Stimuler la neurogénèse... La formation de nouvelles cordes, par le corps, en espérant qu'elles se réattachent où il le faut... Nous pouvons la guider, dans une certaine mesure,, mais c'est invasif, pas dépourvu de risque. Implanter des électrodes pour stimuler ce qui ne peut plus l'être. Invasif à nouveau, souvent peu précis, même après calibration, peut permettre une récupération partielle de la plupart des fonctions.

— Pose de fibres artificielles, intervint Max. 

— Oui, aussi. Pour l'instant, j'ai le sentiment que seules les fonctions d'éveil sont perturbées mais on ne peut pas complètement exclure qu'en réalité, des dégâts soient présents ailleurs. En l'absence de stimulation centrale, la non-activation est attendue...

Arthur les perdait à nouveau, ce que Max comprit à son expression.

— Placer des fausses cordes, en somme.

Alex ne protesta pas. Arthur frissonna.

— À l'intérieur de son corps ?

— Oui. Des cordes minuscules. Pas comme ces tubes et ces câbles.

La femme en tablier s'était penchée sur Hector et lui souleva les paupières de deux doigts effilés. Arthur tressaillit comme il apercevait les iris sombres au coeur des globes fragiles de son compagnon.

— L'idéal serait de disposer d'une EBA non éveillée pour y récupérer le matériel compatible.

— Une EBA non réveillée ? répéta Arthur.

Alex le dévisagea comme s'il était le dernier des imbéciles. Arthur se sentit insulté, mais aussi effrayé. Dans leur duo, Max semblait avoir hérité de toute la chaleur, comme s'il avait pompé l'humanité à même la matrice, ne laissant à sa soeur qu'une froideur de reptile.

— Que lui as-tu expliqué, au juste ? grommela-t-elle à l'intention de son frère.

— Les grands lignes.

— Chez Légendes, là d'où tu viens, ils ont des copies de chacun d'entre vous. Enfin, tu es toi-même une copie, je suppose que tu as compris ça. Les copies sont amenées à maturité puis gardées en repos, le temps que la précédente soit tuée. Du moins, c'est ce que l'on suppose, il n'est pas impossible qu'il en tourne deux à la fois.

— Peu probable, intervint Max.

— Bref, il existe une copie d'Hector, en état de stase. Plus d'une, sans doute, à des degrés de développement divers. En récupérant un corps avant son éveil, nous disposerions d'un tronc cérébral intact. La transplantation resterait complexe, mais le résultat serait sûrement optimal, en cas de réussite.

— Tu parles de transplanter toute la moelle épinière, c'est audacieux, commenta Max.

— L'alternative serait la transplantation de l'encéphale dans un nouveau corps.

Arthur n'était pas certain d'avoir parfaitement compris ce à quoi ils référaient, mais son ventre s'était serré.

— Qu'adviendrait-il de cet Hector ? demanda-t-il.

Alex haussa ses fins sourcils.

— Il serait détruit.

— Vous parlez d'une EBA comme moi.

— Non, pas comme toi. Une EBA non activée. Un corps sans esprit, qui n'a jamais connu la vie.

— À deux doigts de l'éveil.

— Avec une mémoire préfabriquée.

— Je ne suis pas très différent.

Alex esquissa un sourire sans joie.

— C'est bien mon avis. Mais ce n'est pas la question. Nous parlons de faire survivre celui-ci, ou j'ai mal compris ?

Son ton était dépourvu de la moindre compassion. Sans doute ne voyait-elle qu'un défi médical dans l'indignité qui frappait Hector.

— Parce que le plus simple, c'est de le débrancher et d'activer le suivant. Ce que Légendes a sans doute déjà fait.

Impossible à appréhender. Un autre Hector. Un autre Arthur. Son double en tous points, sauf pour ces quelques derniers jours. Semaines.

— Depuis combien de temps suis-je éveillé ? demanda-t-il d'une voix blanche.

— Selon Nina, deux semaines environ.

Arthur acquiesça, lèvres serrées, sans lâcher cette main chaude. Son existence s'était rétrécie à quelques clairières, quelques combats, une chambre, Merlin, Girflet, Morgane et une poignée de servantes. Aucun chevalier n'avait franchi son seuil. Kay lui-même, son demi-frère tantôt tourmenteur, tantôt fidèle allié, n'était qu'un personnage imaginaire. Toujours occupé, toujours à cuver, il n'avait jamais franchi sa porte.

Max et Alex s'étaient écartés et devisaient à mi-voix, penchés sur un de ces objets incompréhensibles qui affichait un texte mouvant, des chiffres, des lignes colorées. Un écran, avait dit Max, comme si ça expliquait tout.

Au bout de quelques minutes de conciliabule étouffé, le sorcier blanc revint vers le jeune roi.

— Nous devrions nous retirer et laisser l'équipe médicale travailler. Alex nous tiendra au courant de l'évolution de la situation.

Arthur n'avait aucune intention de lâcher cette main, pourtant. Il la serra doucement, pour s'excuser d'avoir à partir. Il se demanda si, dans son sommeil, Hector percevait quelque chose, sa présence, le murmure de leurs conversations, l'intrusion des tubes. Au moment où il dégageait ses doigts, il eut la sensation qu'Hector serrait les siens en retour, et l'émotion le prit à la gorge. Il fit deux pas en arrière, promit sur son honneur de revenir, de ne jamais l'abandonner.

Puis ce fut le couloir et l'absence. Il suivit Max sans y penser.

Les Héros de Rien (en cours)Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin