2- La culotte

13.3K 1K 255
                                    

— Selly ! 

Lena m'accueille sur le perron, comme si on ne s'était pas vues depuis des lustres. Un perron qui, comme je l'avais supposé, en dit long sur  la maison. Cette dernière tout en bois se fond parfaitement aux éléments naturels, qui font du Cap Ferret un endroit si dépaysant et si magique. Tout ici sent les vacances : les hectares de forêt verte, l'odeur des pins et du sable chaud et celle des produits de la mer chargés en iode. A ça se rajoute le chant si significatifs des pommes de pin craquantes, ainsi que celui des grillons et autres orthoptères.

— La route a été bonne ? articule Lena, non sans difficulté.

— Je rêve, il est vingt heures et tu es déjà ivre ? lui dis-je avec les gros yeux, mais le sourire luttant.

— Ivre ? Nooon ! Bourrée ? un peu, se marre-t-elle sans complexe.

— Oui, la route a été bonne, mais je ne suis pas mécontente d'être arrivée. Vite, file-moi un truc à boire, je meurs de soif.

Alors que nous rentrons dans cette époustouflante maison et que nous traversons le salon, je me rends compte que nous sommes bien plus de festifs que je ne l'avais prévu. Mais je n'ai pas le temps d'analyser d'avantage la situation, car Lena me tire avec empressement par le bras. Quand elle lâche ce dernier une fois sur la terrasse de l'immense jardin des Auguste, je suis encore plus saisie par le nombre de têtes que j'y vois. Je n'en connais pas la moitié. Certains se prélassent ou s'enlacent sur les transats pendant que d'autres pataugent joyeusement dans la piscine et tout ça, au son d'une musique quasi assourdissante.

— Lena, qui sont tous ces gens ?

— Oh ! Ben, mes frères font aussi leur beuverie et Henry a invité ses potes de la fac. Alors c'est cool ! Plus y a de monde, plus y a... Yahooooo ! 

Je n'ai pas de fin à sa phrase, car une musique de David Guetta la fait littéralement sauter en l'air et elle part comme une folle danser au milieu des autres.

Henry et ses potes de la fac. Je ne les aime pas vraiment. Déjà, Henry a un Y à la fin de son prénom ; une touche pédigrée britannique qui n'existe aucunement. Je crois que ses parents sont originaires du Lot et Garonne. Alors, pour le côté british... vous pouvez repasser !

Ensuite, Henry fait partie de ces « fils à papa » snobs, qui ont cette fichue manie de prendre les autres de haut et de se moquer sans complexe de tout ce qui ne leur ressemble pas. Coupés sport, fringues de marque, écoles catholiques et résidences secondaires composent les parfaits petits bourges que sont Henry et ses potes. À ça s'ajoute des attitudes plus que douteuses envers les filles. J'ai souvent trouvé sa façon de se comporter avec moi ambiguë, et de savoir que ma copine s'est amourachée de ce mec me débecte.

Je ne comprendrai jamais ce que Lena fait avec un gars pareil, mais je crois saisir qu'ils appartiennent au même monde social. La vie semble créer des dynasties ; on ne mélange pas les castes.
Tout ceci me laisse songeuse quant à mon propre avenir amoureux, car si je me fie à mon analyse plus que réductrice, je devrais épouser un instit comme mon père... Mon dieu, NON ! Mon père et ses collègues me tapent sur le système avec leur bienséance intellectuelle et leur côté bobo écolo. A moins que je ne me calque sur le côté bohème et artiste de ma mère... Mouais, carpe diem  ma grande. Promis, je vais essayer d'arrêter tous mes préjugés à la noix et me concentrer sur le « ici et maintenant ».

Et « ici et maintenant » c'est la fête ! Je rejoins Lena et les filles qui dansent et chantent à tue tête le Hangover de Taio Cruz et Florida, et je vois ça comme un présage de ce que nous subirons demain...

— Allez, Selly, lâche-toi. Prends un verre, me supplie presque Marie, en me tendant un verre dont le contenu hume bon le rhum.

Je regarde mes trois amies dont l'oeil pétillant annonce un état d'ébriété déjà bien avancé. Mais je les regarde surtout avec tout l'amusement et tout l'amour que je sais éprouver pour elles. Je les trouve rayonnantes de légèreté et belles à en faire jalouser n'importe quelle autre fille, même et surtout moi...

Chirurgicalement vôtre ( Sous contrat d'édition )Where stories live. Discover now