63. Emilia

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À notre arrivée à la maison, je me sens vidée. Exténuée. Raconter toute la journée ce que j'ai vécu aux uns et aux autres m'a laissée sans la moindre once d'énergie restante.

Je vais droit dans ma chambre, repousse la porte derrière moi et m'affale sur mon lit, tête enfouie dans mon oreiller. Et une nouvelle fois, je pleure. Le plus silencieusement possible, car je ne veux pas inquiéter encore plus ma mère. Elle l'est déjà assez. Sur le retour du commissariat, elle se grattait le cou frénétiquement, tic qu'elle avait quand elle était nerveuse et dont elle avait réussi à se débarrasser il y a quelques années. Je me sens mal qu'elle stresse autant.

J'entends ma porte s'ouvrir. La voix de ma mère s'élève doucement :

— Ma puce, tu as besoin de quelque chose ?

Je secoue la tête sans savoir si ma mère peut le voir ou non. Je n'ai ni faim ni soif. Je n'ai envie de rien. Juste de rester là, sur mon lit.

Le matelas bouge, s'affaisse un peu. Ma mère s'assied à côté de moi. Elle ne dit rien, elle me caresse le dos. Elle est là pour moi, elle me soutient. Qu'est-ce que je me sens chanceuse qu'elle soit ma mère.

— Je t'aime, maman.

Je ne le dis pas assez souvent.

Je la sens déposer un bisou sur mes cheveux.

— Moi aussi, mon cœur. Je t'aime très fort.

Je me retourne pour la prendre dans mes bras. Elle m'enlace tendrement.

— Je suis désolée, je lui murmure à l'oreille.

— Tu n'as pas à l'être, ma chérie. Vraiment pas.

Émue, je déglutis avec peine. On reste l'une contre l'autre. La voix d'Ethan s'élève soudain :

— C'est le moment câlin, ici ?

Sans se détacher de moi, j'entends ma mère dire :

— Profites-en. C'est gratuit.

Mon frère lâche un petit rire avant de pénétrer dans ma chambre. Il vient contre nous, nous étreint rapidement puis pose une fesse sur le rebord de mon lit.

— Comment tu vas ? me demande-t-il.

Je me détache de ma mère et esquisse un léger sourire.

— On fait aller. Je suis bien fatiguée. J'ai épuisé toute mon énergie au commissariat.

Mon frère hausse les sourcils de surprise. Je réalise qu'il n'est pas au courant de notre passage au commissariat. Je lui raconte brièvement notre visite à la police. Ma mère n'intervient pas, elle me laisse parler.

— Ils ont intérêt à faire leur boulot ! assène Ethan. Mort ou pas, on doit savoir ce qu'a fait ce gars.

Notre mère acquiesce.

— Il est important de faire la lumière sur ce qui s'est passé.

On en parle encore un moment avant que ma mère nous quitte pour aller se préparer pour le travail. Ethan et moi, on se commande une pizza. On n'attend pas Nolan qui est à son entraînement de basket, il rentrera tard. Avec Ethan, on passe notre soirée, affalés dans le canapé devant l'écran de la télé, à enchaîner les épisodes d'une des rares séries qu'on avait en commun dans nos listes de lecture. Ça m'a fait du bien, ça m'a changé les idées.

Quand je finis par tomber de fatigue, je rejoins ma chambre et m'endors comme une masse. Des éclats de voix me réveillent subitement. Il fait noir, je mets quelques secondes à réaliser qu'on est en pleine nuit. Cette façon d'élever la voix, en pleine nuit, ça n'arrive jamais chez nous. Intriguée, je me lève et gagne le couloir. De la lumière filtre par la porte de la chambre des jumeaux restée entrouverte. Je la pousse lentement. Nolan est assis sur son lit, Ethan accroupi devant lui. Ils ne crient plus, mais ils semblent tendus.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Mes frères sursautent au son de ma voix.

— Tu es réveillée ?!

— Je vous ai entendu vous prendre la tête.

Ethan se redresse et vient vers moi. Il me serre contre lui et me caresse le dos.

— On ne se prenait pas la tête, t'inquiète pas.

— Qu'est-ce qui se passe, alors ? je redemande en fixant Nolan, qui est tout pâle.

— Nolan s'est un peu embrouillé avec un gars de l'équipe, me dit Ethan.

— De basket ? je m'étonne.

Nolan est adoré par tous ses coéquipiers. Nolan baisse la tête et fixe ses pieds.

— Ouais, une embrouille conne. J'étais fatigué et j'aurais pas dû m'enflammer. Mais c'est rien, vraiment.

Il m'adresse un petit sourire.

— Après une bonne nuit de sommeil, ça ira mieux. Je suis juste crevé.

— Vu l'heure, on doit tous être crevés, ajoute Ethan. Si on allait se coucher ?

J'opine avant de souhaiter une bonne nuit à mes frères et quitter leur chambre, direction la mienne.

Une sensation étrange ne me quitte pas. Comme si mes frères n'avaient pas été honnêtes. Comme si on ne m'avait pas tout dit.

HOAXWhere stories live. Discover now