Chapitre 2 - Préparation à la méditation

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J'ai appelé Bernard le boulanger et le voici assis dans ma chambre d'hôtel. Il consulte à domicile car ces patients sont, selon lui, plus détendus dans un lieu qui leur est connu. Pour ma part, que je sois ici ou ailleurs, peu m'importe. Cette chambre qui donne sur une impressionnante piscine bordée de corps allant du blanc Pas-De-Calais bien crémé, au marron Hautes Pyrénées bien huilé, cette chambre, donc, fera l'affaire.

La baie vitrée me permet de voir les touristes, eux ne me voient pas.

Prisonnière, espionne? Déjà je navigue entre deux flots.

Les 37 degrés affichés depuis vingt jours rendent les cigales folles. Je suis molle comme de la patte à modeler sortant du micro onde, c'est parfait, l'esprit n'est pas en état de se questionner inutilement.

Je m'installe sur le lit deux places transformé en lit une Place Palace, Albert étant exclu de ma vie, et donc de mes draps, de mes rêves et même de mes cauchemars.

Le grand bateaux moelleux nous accueille tous : mon esprit Play Doh, les 38 degrés de ma peau, ma nuque un peu tendue, mon ventre suffisamment plein, mes rêves futurs, mes angoissent présentes, mes yeux exorbités de suricate surveillant le détecteur de fumé, et bien entendu mon téléphone jaune programmé pour un retour dans une heure, au cas où la voix de Bernard ne suffirait pas à me ramener de je ne sais où.

Il y a aussi quelques fourmis rieuses qui trottinent sur mes bras nus et des moustiques vicieux en position d'attaque. Ce petit monde va profiter de ma sortie dans les nimbes pour me piquer, me grignoter et me sucer à souhait. Je l'accepte, c'est de bonne guerre.

Bernard est assis en face de moi, l'idée que la séance ce passe dans la chambre m'ouvre des horizons hormonaux qui m'aideront peut être à me détendre

Sa douce et charmante voix me cueille sans que je ne résiste, et j'applique scrupuleusement les consignes données.

Fermez les yeux, respirez profondément....

Le bruit de la piscine semble s'éloigner. Pendant un instant, je crois être gagnée par cet apaisement dont les bonzes tibétains vantent les vertus. Trop heureuse d'avoir inverser mes codes en quelques secondes. Mais l'instinct de survie, soudain, s'affole, et des tonnes de déchets d'informations s'écrasent en masse sur mon esprit.

Les codes du yoga me sont inconnus, je ne peux donc pas gérer cette pluie épaisse avec une méditation bien menée. Néanmoins, j'essaie de ne pas paniquer et je laisse place à mon bon sens qui se met rapidement à chercher un balai. Et en deux coups bien placés, mon outil au poils bleus dégage l'horizon. Pour moi c'est déjà un exploit.

Mon esprit se met en quette d'une boîte imaginaire que j'étiquette ainsi : « Idées survenues alors que je dormais avec Bernard », cette image me fait sourire.

J'inspire, j'expire, j'inspire, j'expire, comme pour prendre mon élan. Au troisième temps, je souffle si fort que mes jolis tas de mots s'envolent et se déposent au rythme d'une plume d'oie tout au fond de cet habitacle. Mentalement je les lis pour mieux les accompagner dans leur chute :

acheter sérum physiologique / Albert est un mufle / manger des barquettes à la framboise Lu /  adopter une oie ou une poule / conjonctivite / appeler maman / faire une tarte au suricate / larmes ou arme de joie / les infidèles se mangent à la pelle / Albert à de grosses fesses / changer de coiffure et de coiffeur/ etc.....

Ce fatras sans queue ni tête est assez représentatif de mon incapacité à mettre de l'ordre et de la détente dans mon esprit. Je vis dans un brouillon à grande échelle. Fort heureusement, je ne me suis jamais perdue, même si parfois c'est périlleux.

Méditation MéditerranéenneWhere stories live. Discover now