10. Mon petit chat et moi

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            Il était une fois l'histoire d'une jeune princesse devenue orpheline et de son amour retrouvé après une éternité à s'attendre, d'une humaine et d'une créature légendaire, mon histoire.

            Elle commença un bel après-midi d'automne, une brise fraîche et agréable soufflait dans mes cheveux pendant que je regardais les belles couleurs rouge orangé des arbres qui m'entouraient tout en cueillant quelques champignons. À ce moment-là, j'étais encore la princesse Lysandra de Borealis, seconde fille du monarque Kaden de Borealis et de son épouse Areala. En plus de ma grande sœur Kathleen, j'avais un demi-frère, Lorenzo, ainé de la première femme du roi et digne hériter du royaume. C'était un jeune homme quelque peu arrogant, mais pas foncièrement mauvais. Kathleen, elle, faisait la fierté de nos parents. En comparaison, moi, je n'étais que la petite dernière, la tête toujours dans les nuages, trop occupée à passer son temps dans la forêt pour remplir ses devoirs royaux, malgré tous mes efforts pour les apprendre. C'était plus fort que moi, j'aimais bien trop ma liberté et après tout, je n'aurais aucune chance de monter sur le trône et je n'avais encore que quinze ans, trop jeune pour me marier. J'avais encore un peu de temps avant de devenir la parfaite petite princesse, alors j'en profitais autant que possible. Ce jour-là, une réunion se tenait au palais et j'avais feint une migraine pour pouvoir m'éclipser. Même si mes parents n'étaient pas dupes, ils ne dirent mot. J'étais déjà partie depuis plusieurs heures et la nuit commençait à tomber quand je décidais de rebrousser chemin. La forêt était étrangement calme, pas un animal à l'horizon, pourtant, j'aperçus tout de même une paire d'yeux dorés me fixer à travers les buissons. J'accélérais le pas, c'était peut-être un prédateur, ce qui expliquerait pourquoi les créatures avaient fui les environs. Alors que je sortais tout juste des bois, une lumière aveuglante et une chaleur étouffante firent fléchir mes genoux tandis que je m'écroulai sur le sol devant le château en flamme. Nous étions attaqués. Je tentais de me relever pour aller les aider quand une voix grave retentit dans ma tête : "Il est trop tard : fui". J'ignorais ce phénomène étrange pour me lancer à travers les flammes, dans l'espoir de sauver des innocents piégés dans l'incendie, autant nos domestiques que ma famille. Ma progression fut bien difficile, douloureuse et incertaine avant que la réalité ne me rattrape au moment où je m'effondrai, incapable de respirer plus longtemps à travers cette fumée mortelle. Je mourrai avec les miens...

            Je me réveillais plusieurs jours plus tard, dans un hôpital de campagne, à plusieurs kilomètres de là où j'ai grandi. J'ignorais comment j'étais arrivée ici, mais quelqu'un m'avait sans aucun doute sortie des flammes et amenée jusqu'à ce village reculé pour que je puisse recevoir des soins appropriés. Personne ne savait qui j'étais et c'était une bonne chose puisque j'ai découvert que ceux qui avaient mis le feu au château avaient fait en sorte d'éliminer la famille royale pour prendre sa place. Une rébellion avait en effet été lancée contre mon père, le roi, qui, je le savais déjà, était peu apprécié par son peuple à cause de ses mesures difficiles pour les plus pauvres d'entre nous. Le royaume était endetté et il avait besoin d'un changement, ce qui causa la mort de tous mes proches... Je pris ainsi le nom de Séléna Héliane en référence à notre déesse de la lune Séléné et notre dieu du soleil Hélios, qui, comme le disait ma mère, transparaissaient dans mes pupilles gris lune aux reflets argentés et dans ma longue chevelure blonde aux boucles douces. Notre peuple étant très croyant et portant souvent des noms en référence à nos divinités, cela me permit de me fondre dans la masse.

            C'est ainsi que j'ai vécu dans le village d'Espérion pendant les trois années suivantes, en tant qu'assistante du médecin qui s'était occupé de moi à mon arrivée. J'avais en effet un don avec les malades, humains comme animaux, qui me permettait de calmer leur esprit, en quelque sorte, et cela avait fait de moi la personne adéquate pour aider Monsieur Pavel dans son quotidien. Cependant, dès lors que je passais un peu de temps seule, généralement dans la forêt environnante, un gentil petit chat au pelage noir comme la nuit et aux yeux dorés comme l'astre solaire me rejoignait à chaque fois. J'avais presque la certitude qu'il me suivait, puisqu'il était toujours là pour me tenir compagnie quelques minutes à peine après que je sois seule. Pourtant, cela ne me dérangeait pas, au contraire même, j'appréciais sa présence bien plus que je ne saurai l'expliquer. Je lui racontais tout. Ce que je faisais dans la journée et ce que j'aurais aimé faire, mes souvenirs et mes rêves. Tout. Et il m'écoutait attentivement, comme le ferait un être humain, ce qui me troublait, parfois, sans que je n'en comprenne vraiment la raison. Je lui donnais un nom, Sol, tels les soleils que je voyais dans ses yeux, malgré son pelage si sombre, et il semblait l'apprécier, alors je continuais. Le jour de mon dix-huitième anniversaire, il se produisit toutefois quelque chose de complètement irréel.

            Je suis née le premier jour du printemps, le premier mars, et je préparais avec enthousiasme la fête annuelle du printemps organisée par le village depuis quelques jours. C'était un très beau cadeau pour mon anniversaire, même si cela ne m'était pas directement destiné. Néanmoins, malgré le bonheur que je ressentais à cette perspective, au fond de mon cœur, j'étais particulièrement triste. Demain, cela ferait tout juste une semaine que je n'aurai pas vu mon petit ami poilu et je dois avouer qu'il me manquait cruellement. C'était comme si une partie de mon cœur m'avait été arrachée. Sans mentir, ce manque devenait de plus en plus douloureux, autant mentalement que physiquement. Lorsque les cloches sonnèrent minuit pile, une mélodie dansante commença et l'ensemble des villageois se mit à danser, chanter et déguster les mets préparés pour l'occasion. C'était la fête, partout où je regardais, mais moi, dès lors que le clocher nous fit entendre sa mélodie, mon cœur s'accéléra considérablement et une intense douleur me paralysa. Et tandis que je m'appuyais sur la façade d'une maison en attendant que ça passe, mon regard se posa sur une imposante silhouette sombre aux yeux dorés. Je plissais les miens, cherchant à comprendre ce que je voyais alors que la douleur diminuait, mais non les battements. Derrière moi, la musique cessa, mais des chuchotements envahirent le silence nocturne, parvenant à mes oreilles, et je compris. La créature qui s'avançait avec grâce dans notre direction n'était autre que l'incarnation de la panthère sacrée qui figurait dans nos légendes.

            Un félin à la puissance inégalée, respecté autant par les hommes que par les animaux. Il était l'animal choisi par la déesse Séléné pour guider les humains à l'aide d'une partie de son pouvoir divin, qui apporta d'abord la paix entre les deux peuples puis qui décima une grande partie de la race humaine, en proie à la folie pour une raison qui ne figurait pas dans les écrits. Il fut tragiquement éliminé par une humaine qui lui offrit son cœur avant de le trahir sous les ordres des siens, et de se donner la mort à son tour, ne supportant pas d'être séparée de celui qu'elle aimait. Et là, devant nous, se trouvait sa copie conforme. Nous savions qu'il existait encore des panthères sacrées, quelque part sur notre planète, mais nous ignorions où et combien il en restait. Pourtant, leur chef se trouvait là, droit devant nous, et deux autres à sa suite, mais au pelage blanc doré, ses seconds. Les villageois se rassemblèrent, se préparant à riposter vaillamment en cas d'attaque, pendant que moi, je restais immobile, ne pouvant quitter ses pupilles incrustées d'or de vue, comme ensorcelée. C'est alors que le roi des panthères sacrées s'arrêta à moins d'un mètre de moi, puis s'assit doucement, ne quittant pas non plus mon regard. Prudemment, mue par un désir inébranlable, j'avançais une main et la passais dans son pelage plus doux que tout ce que j'avais pu toucher jusque-là. En fait, non. Bien qu'il fût considérablement plus grand, il me rappelait immanquablement mon petit Sol et je ne pus retenir la question qui franchi mes lèvres : « Sol ? C'est toi ? ».

            Au moment où il ronronna en s'appuyant davantage sur ma main, tous mes doutes disparurent. Mes genoux me lâchèrent pour s'écraser brusquement sur le sol alors que mes deux bras s'enroulèrent autour du coup de la créature qui était encore, il y a peu, mon petit chat adoré. Il me rendit mon étreinte et je me sentis immédiatement apaisée, comme si j'avais attendu cela depuis toujours. Mais pendant que mes yeux étaient encore fermés dans la félicité de l'instant, je sentis comme une chaleur s'emparer de lui. Lorsque je soulevais de nouveau mes paupières, ce n'était plus une bête qui se trouvait devant moi, mais un homme. Son pelage noir comme la nuit fut remplacé par une peau halée, des muscles saillants sous une chemise blanche et une longue cape noire et or. Ses cheveux conservèrent la couleur de ses poils et ses yeux dorés n'étaient que plus hypnotisant, alors qu'il m'offrit un grand sourire étincelant avant de déclarer d'une voix grave, mais douce : « Si tu savais combien de temps j'ai attendu ce jour, ma douce princesse. Tu m'as tant manqué, mon amour. ». À ces mots, des centaines de souvenirs jusque-là endormis dans mon inconscient me revinrent en mémoire, les souvenirs de ma vie antérieure, en tant qu'âme sœur de la légendaire panthère sacrée, le Roi Aaron Levon. Les dieux nous avaient offert une seconde chance, une chance de repartir à zéro et de nous aimer, aussi longtemps que la vie nous le permettrait, loin du chaos d'antan, sans sacrifice, sans guerre.

            Nous vécûmes ainsi heureux dans le royaume d'Aaron, aux côtés de nos deux enfants, nés d'une humaine, et d'une panthère sacrée, sans craindre d'être à nouveau séparés. Nous aimant comme cela aurait dû être le cas, il y a de cela près d'un millénaire, loin des conflits qui ont un jour opposé nos peuples. Heureux, du premier au dernier jour.

FIN

Voici un petit conte écrit pour un cours de littérature espagnole en 2022. Il sera à la base d'une plus grande histoire que je suis en train d'écrire, j'espère qu'il vous a plu !

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⏰ Last updated: Nov 09, 2023 ⏰

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