𝐁𝐨𝐧𝐧𝐞 𝐚𝐧𝐧𝐞́𝐞

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𝐇𝐀𝐏𝐏𝐘 𝐍𝐄𝐖 𝐘𝐄𝐀𝐑𝗌𝖺𝗍𝗈𝗋𝗎 𝗀𝗈𝗃𝗈 𝗑 𝗒𝗎𝗆𝖾 𝗌𝖺𝗄𝗎𝗋𝖺

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𝐇𝐀𝐏𝐏𝐘 𝐍𝐄𝐖 𝐘𝐄𝐀𝐑
𝗌𝖺𝗍𝗈𝗋𝗎 𝗀𝗈𝗃𝗈 𝗑 𝗒𝗎𝗆𝖾 𝗌𝖺𝗄𝗎𝗋𝖺

CHAPITRE X

31 décembre 2017,
vingt trois heures. 

Je n'ai pas su t'oublier, Satoru. Voilà bien des années qui se sont écoulée depuis notre rencontre. J'ai édité mon livre, et bien d'autres, comme je l'ai toujours rêvé. J'ai quitté le Japon pour vivre  aux États-Unis. Je me suis guérie de mes blessures du passé, j'ai profité de la vie et fait de merveilleuses rencontres. Mais toi, je ne peux simplement pas te sortir de ma mémoire. J'ai essayé de te retrouver, pourtant, tu es d'une lignée populaire et tu étais censé hériter de l'entreprise familiale. Mais tu as disparu. J'ai bien failli engager des gens pour te retrouver, te voir, et ressasser le passé, mais je me suis souvenue de notre promesse. Celle qu'on avait scellé en s'étreignant. La chaleur de tes bras, quelque chose dont je ne pourrais jamais oublier la sensation. Évidemment, cela fait plus d'une dizaine d'années que tout ça est passé, je ne me suis pas empêchée de vivre. Je suis retombée amoureuse, ça n'a pas duré bien longtemps, et c'est peut-être mieux comme ça. Je rencontre mes lecteurs et je suis comblée. J'ai un chat, un chat européen, que j'ai appelé Tigrou. Je suis connue pour mon imagination, mais pas pour mon originalité quant aux prénoms.

La vie continuait. Même après tout ce que mon meilleur ami a vécu, et la situation dans laquelle il est aujourd'hui, je devais continuer de vivre. Je comprends toujours pas, par contre. Je lui avais dit, pourtant. J'avais suivi tes conseils, je l'ai prévenu que j'étais là pour lui. Je n'ai pas pu l'arrêter. Il a sombré dans l'aliénation la plus singulière. Après avoir fait des tentatives de suicide, j'ai finalement jugé bon de le mettre dans un hôpital psychiatrique, même contre sa volonté. J'ai quitté le cocon familial, je n'ai pas voulu reprendre cette foutue entreprise familiale qu'on m'a rabâché toute ma vie. J'ai opté pour le métier d'ingénieur, l'un des plus payés au Japon. Je vis assez tranquillement. J'enchaîne les conquêtes, je vais voir mes amis, je travaille, je vais en vacances assez souvent. J'ai entendu parler de toi, tu sais ? J'ai bien failli t'envoyer un mail, je ne compte plus le nombre de fois où je suis resté devant l'écran de mon ordinateur à lire ta page Wikipédia. 

En parlant de prénom, j'ai donné le tien au personnage d'un de mes récits. Je me demande si tu te souviens encore de moi. Peut-être que tu m'as vu passer à la télé et que tu m'as reconnue. Peut-être que tu t'en fichais et que tu m'as carrément oublié. Ne va pas non plus croire que tu es la priorité de mes pensées, mais à la fin de la journée, c'est l'inconnu que j'ai rencontré dans l'ascenseur. Des rencontres, j'en ai fait énormément, et je pense que celle qui se rapproche le plus de la définition d'âme soeur, c'est la notre. Si je pense autant à toi, en cette soirée froide près du fleuve Sumida, c'est car nous sommes le réveillon de la saint Sylvestre. J'ai maintenu ma promesse de penser très fort à toi lors de ce soir si spécial. Et cela fait désormais dix sept années que je maintiens cette tradition. Je marche tranquillement, mes bottes laissant des traces dans la neige, chaque flocon se déposant avec aise sur n'importe quelle surface présente. Mes mains sont bien enfouies dans les poches de mon trench coat noir, et la moitié de mon visage n'est pas visible à cause de mon écharpe en laine. Je l'ai tricoté moi même. J'adore tricoter.

J'ai lu chacun de tes livres. Je me régale le soir devant chacun d'entre eux, je les relis même. Je n'aime pas trop lire habituellement, mais tes mots ont le don de réussir à me tirer des émotions que je ne pensait même pas avoir. Je ris, je pleure, je glousse, j'ai peur, je me sens rafraîchi quand c'est une fin que j'attendais, crispé lorsque tu nous fais un cliff hanger, bref. J'adore tes récits plus que n'importe quels autres, et j'espère qu'on fais étudier tes livres à l'école. Je me suis découvert une passion pour l'analyse littéraire, et qu'est ce que c'est passionnant de rédiger des paragraphes entiers sur tes histoires. Ce soir, pour la première fois depuis bien longtemps, je ne suis pas allé en soirée ou dans la chambre de Suguru pour lui tenir compagnie pendant qu'on regarde les feux d'artifices depuis sa chambre. J'ai simplement décidé de sortir dans la neige, me rafraîchir les idées. Lorsque la fin de l'année approche, toutes mes pensées se dirigent vers toi, Yume. Tu es certainement aux États-Unis en train de fêter le passage à la nouvelle année en compagnie de tes proches. Moi, je la passe, une fois de plus, à penser à toi.

Peu de personnes sont présentes en cette nuit glaciale. Dans une heure, nous serons en 2018, dans une heure, cela fera dix huit ans que j'attends ton retour. À chaque nouvel an, je me dis que c'est la bonne. J'me dis que c'est bon, on va enfin se retrouver, et ne plus se lâcher, et puis je passe vite à autre chose et je vis mon année comme si c'était la dernière. D'ailleurs, que fais-tu de ton nouvel an, ce soir? Es-tu aussi misérable que moi, seul dans ta cuisine à te faire un café ? Est ce que tu dors ? Tu es peut-être marié, et tu le passes avec ta femme. Peut-être que tu es en colocation avec Suguru et que vous le passez dorlotés l'un contre l'autre avec un verre de vin à la main. Je décide de m'arrêter, je me mets contre la rambarde réfrigérante. Mes bras se croisant contre elle, je regarde mon reflet dans l'eau du fleuve. J'ai pas mal changé, enfin, j'ai grandi. Mes cheveux ne dépassent pas mes épaules, j'ai l'air plus mature, et puis...ouais, nan. Je me rends compte que j'ai toujours la même tête et que j'ai pas tant changé que ça, au final. C'est peut-être mieux ainsi.

Il n'y a pas grand monde, ce soir. Les gens sont occupés à faire la fête à Roppongi, sûrement. Ils sont tous en boîte, dans des bars, chez leurs amis. Je soupire longuement et vois une dame penchée vers le fleuve. Son béret me fait penser à toi. Tu m'avais confessé, dans l'ascenseur, que tu adorais ces couvre-chefs, et que tu aimerais bien en avoir un. Je m'approche de la dame, sans un mot, et décide de me pencher à mon tour, mon reflet vacillant au fil de l'eau. Je l'entends pousser un soupir à son tour, relevant la tête vers moi. Je l'entends prendre une inspiration pour parler, mais aucun mot ne sort de sa bouche. Alors, je relève la tête à mon tour et la tourne lentement vers elle. Les mots se bloquent dans ma gorge. 

Enfin, je te retrouve, après toutes ces années d'attente.

 J'ai tellement de choses à te dire. Je ne veux pas sortir de banalités.

À bat les formes de politesse, je sors les mots qui résonnent en moi lorsque je pense à toi.

Les seules paroles auxquelles j'ai accroché ton souvenir.

Je me le suis caché toutes ces années, j'avais peur des répercussions. 

Je n'assumais pas cette affirmation, mais merde, je peux pas le garder pour moi.

« Je t'aime. »

⸻𝓕𝐈𝐍.

⸻𝓕𝐈𝐍

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