Chapitre 99 / Le cœur brisé et l'âme en miettes

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— Et, bien sûr, cette volonté de la rendre « aux siens », loin de New-York, loin de nous, loin de toi, ça n'a rien à voir avec ce que tu comptes faire ?

— Ce que je compte faire ?

— Ne te fous pas de moi, Darius ! Tu crois que je ne sais pas que tu vas vouloir te venger ?! Si Deimos s'en était pris à Charlotte, je serais déjà sur ses traces ! Je voudrais le broyer, l'anéantir ! Et ce que je vois sur ton visage me dit que tu es tellement épris de Lupita que tu es prêt à commettre l'irréparable pour la venger !

Darius haussa les épaules en fermant son sac. Son vol était prévu dans quelques heures. Direction l'hémisphère sud. Là où son grand-père croyait pouvoir se terrer en toute quiétude. Le vieil homme n'avait pas encore réalisé qu'il ne serait plus jamais nulle part en sécurité. Que lui aussi éprouverait la crainte de mourir.

Car si Deimos avait voulu punir Darius en l'affaiblissant grâce au moyen qui lui avait paru le plus sûr : détruire son cœur déjà fragilisé par la perte du père, il n'avait pas su mesurer la haine qu'il engendrerait. Il n'avait pas anticipé que cette haine serait plus que suffisante pour libérer son petit-fils du contrat social qui l'empêchait, jusqu'à présent, de franchir la ligne rouge vis à vis de lui.

Darius savait exactement ce que pensait son grand-père. De par son âge et son expérience, Deimos se pensait bien plus puissant et fort que n'importe quel membre de sa famille. Il avait dirigé seul l'entreprise pendant de si longues années. L'interlude Alexander Ryker ne comptait pas pour lui. L'homme était mort, et ses idéaux avec lui. Rien n'aurait dû empêcher Deimos Yannopoulos de jouir de son bien et d'en user à sa convenance. Et certainement pas ses petits enfants qui, par leur obstination à suivre les traces de leur père, l'avaient contraint à agir brutalement, sournoisement.

Il pêchait par orgueil, et son arrogance le menait à sa perte, car Darius ne cesserait de le poursuivre jusqu'à ce qu'il soit sûr de l'avoir mis à terre. Il devait payer. D'autant que depuis quelques heures, Darius en était à se demander si la disparition d'Alexander était si fortuite que ça. Et si... Voilà où en était le directeur de l'agence française d'Anthéa. Enseveli sous la haine et les doutes. Il devait affronter Deimos.

C'était aussi à cause de cette haine et de ce qu'elle engendrait de violence en lui que Darius voulait que Lupita reprenne pieds dans un environnement familier. Il voulait qu'elle soit rassurée, qu'elle se sente chez elle. Il voulait l'éloigner de sa famille. Pas qu'il n'ait pas confiance en ses frères et sœur, mais, il venait d'apprendre à ses dépens que côtoyer les siens pouvait se révéler mortel.

Lupita en avait fait les frais. Il ne voulait pas que cela se reproduise. Il avait été négligent une fois. C'était la dernière. Il veillerait sur la jeune femme, mais il interdirait à tous les membres de sa famille de l'approcher, y compris lui-même, car sa vengeance en appellerait d'autres. Deimos avait déclenché une guerre qui ne prendrait pas fin avec lui.

— Darius ! Tu ne peux pas le tuer ! s'exclama Magnus en le retenant par le bras. Ça ferait de toi un meurtrier ! Pense à Lupita ! Comment elle pourrait...

— Ça suffit, Magnus, commença Darius en retirant la main de son frère de son bras. Je pense justement à Lupita. Mais rassure-toi, je ne le tuerai pas. Pas de mes propres mains, en tout cas. Même si je dois t'avouer que j'en rêve toutes les nuits. Par contre, je peux t'affirmer que je vais le détruire.

— Darius ! Ne le laisse pas t'entraîner dans sa folie ! Laisse les autorités faire leur boulot !

— Pourquoi ? Pour qu'il pourrisse en prison ? Pour qu'il continue à monter des plans depuis sa cellule ? Combien de temps mettra-t-il à se faire des « amis » qui s'empresseront de lui rendre service dès qu'ils en auront l'occasion ? Je ne vivrai pas dans la peur, Magnus. Je ne la perdrai pas de cette manière... je ne peux pas l'accepter.

— Que comptes-tu faire ?

— Mieux vaut que tu ne saches rien.

— Si tu crois que je vais te laisser faire, tu te trompes, Darius ! éclata Magnus en retournant dans le salon où Charlotte patientait assise sur le canapé, le visage crispé et les mains jointes.

Elle avait pleuré. Beaucoup. Longtemps. Elle se demandait comment tout avait pu vriller aussi vite ? Comme ils en étaient arrivés là en si peu de temps ? Comment on en était à envisager des vengeances sanglantes qui n'apporteraient jamais la paix ? Elle se leva au moment où Darius passait pour sortir de l'appartement.

— Si tu fais ça, Darius ! Tu perdras tout ! L'entreprise, la famille, Lupita... tu perdras tout, lança-t-elle avant qu'il ne franchisse le seuil définitivement.

Il s'arrêta une seconde sans se retourner cependant. Sans regarder son joli visage ravagé par les larmes. Puis, il partit en refermant la porte doucement.

— Mon dieu ! murmura-t-elle. Deimos va gagner.

— Non, mon amour. Nous allons l'en empêcher.

— Comment ?

— Je ne suis pas aussi démuni que semble le croire mon idiot de frère.

— Il n'est pas idiot. Il est en colère. Et tu le serais aussi à sa place.

— Je le sais. Je le sais, Charlotte.


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