Tout sur Lupita

Chapitre 95 / Explication de texte

Et voilà ! Encore ce « Mlle Jones », et il l'avait vouvoyée, en plus. Encore. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Il avait remis cette distance entre eux qu'il n'arrivait à franchir que dans un état de folie passagère, quand il n'arrivait plus à contenir ce qu'il ressentait pour elle. Il était sûr qu'elle était en colère contre lui maintenant. C'était malin !

Elle le regardait bizarrement. Il l'interrogea du regard, l'incitant à s'exprimer, mais elle ne dit rien, préférant continuer à marcher en contournant l'obstacle.

***

Lupita avait faim. Elle n'avait pas avalé grand-chose depuis le matin, trop énervée pour manger comme elle aurait dû dans la perspective d'une après-midi fatigante. Et dieu qu'elle était fatigante cette après-midi. Comme ces derniers jours. Elle avait l'impression d'être un pull passé à l'essoreuse pendant de trop longues heures...

L'odeur de gaufres en provenance d'une baraque en bois, près du loueur de barques, agissait comme un aimant et la guidait vers la satisfaction immédiate que lui procurerait le sucre et le gras. Si jamais, ils n'arrivaient pas à se parler, elle aurait au moins eu un peu de réconfort.

Darius s'était remis à sa hauteur sans rien dire de plus. Elle avait noté le retour du vouvoiement, et le « Mlle Jones » qu'elle commençait à détester dans sa bouche. Elle se dit que finalement, Lupita Cabrera Vargas, ça claquerait bien aussi. Elle envisageait sérieusement de changer de nom, quand il la retint par le bras. Elle fixa d'abord cette main qui osait s'interposer entre elle et la satisfaction immédiate de sa faim, puis elle leva les yeux sur son propriétaire.

***

Darius fut cloué sur place par la noirceur de son regard. Comment pouvait-elle lui faire autant d'effet, bon sang ! Il devait se reprendre ! Parler ! Il devait parler ! Mais il en était incapable. Au lieu de ça, il fit ce qu'il avait déjà fait dans pareille situation : Il lâcha son bras pour prendre son visage et l'embrasser. Sauf que cette fois, elle ne le laissa pas faire. Elle s'arracha à ses lèvres et pointa un doigt sur sa poitrine.

— Ah ! Non ! Hein ! Vous n'allez pas recommencer ! Je ne suis pas... Je ne sais même pas comment appeler ce que je suis ?! Un exutoire ? Ça n'est pas dans le contrat !

— On s'en fout du contrat ! éclata-t-il malgré lui avec un geste d'humeur.

— Comment ça, on s'en fout ? Et depuis combien de temps, on s'en fout ?

— Depuis un moment déjà.

— Comment ça depuis un moment ?! Mais c'est n'importe quoi, cette histoire ?! Et puis ça veut dire quoi exactement ? Hein ? Parce que vous êtes tout sauf clair ! Avec vous, c'est un coup blanc, un coup noir ! Je ne sais jamais sur quel pied danser ! Et puis, cette manie de m'embrasser à tout va, sans jamais prévenir !

— Parce qu'il faut te prévenir pour t'embrasser ? Carton d'invitation ? SMS ? Notification ? dit-il, amusé de sa colère en utilisant le tutoiement sans même s'en rendre compte.

— C'est ça, fous toi de moi ! En attendant, c'est pas moi qui aie un problème.

— Je n'ai pas de problème non plus, répliqua-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.

« Tout était devenu clair en si peu de temps », se dit alors Lupita. Elle ignorait si Darius Ryker avait des sentiments pour elle, mais une chose était sûre, il la désirait. Et il avait un problème avec ça. Parce qu'il ne lui disait rien qui puisse l'inciter à aller dans son sens. Il fallait reconnaître qu'à chaque fois qu'ils avaient eu une sorte de moment d'intimité, il avait été très court, trop pour pouvoir discuter ou aller plus loin. Trop pour qu'elle réalise que ses élans revêtaient autre chose que ce que leur imposait ce fichu contrat entre eux.

Ici, dans ce parc, en cet instant, elle avait une opportunité de tout dévoiler. Peu importait sa peur, elle avait maintenant besoin de savoir. Elle voulait savoir.

— Ah, oui ? dit-elle alors en s'approchant dangereusement de lui. Pas de problème ? D'accord. Même si je fais ça ? finit-elle en approchant se lèvres des siennes.

Il l'embrassa aussitôt comme s'il n'avait attendu que ça depuis des lustres. Il était affamé. Elle le repoussa de nouveau.

— Pas de problème, hein ?! Moi, je dirai que vous en avez un sacrément important M. Ryker ! Il va falloir que vous crachiez le morceau, parce que je ne vais pas continuer à jouer le jeu sans avoir de certitudes ! éclata Lupita en reprenant le vouvoiement à dessein.

Il était important que tout soit clair entre eux. Il devait avouer, qu'il explique ce jeu dont elle ne connaissait pas les règles. Parce qu'après tout, ça n'était pas elle qui s'était jetée sur lui à plusieurs reprises. Elle, elle avait respecté les termes du contrat, même si... même si elle avait eu des envies de proximités multiples qu'elle avait bien vite étouffées dans l'œuf. Droite et sérieuse Lupita Jones.

— Des certitudes ? répéta-t-il en s'approchant d'elle alors qu'elle reculait. Concernant mon attirance pour toi ? Concernant mes sentiments ? Concernant ce que j'envisage avec toi ? Concernant... il n'acheva pas sa phrase pour lui attraper le bras au moment où elle allait basculer dans l'eau du lac.

Absorbée par leur discussion, la jeune femme n'avait pas vu qu'elle reculait vers les pontons. À présent, collée à Darius, à moins de cinquante centimètres du bord, elle frémit.

— Tu le fais exprès, avoue ?! Tu aimes bien que je te sauve la vie, c'est ça ?

— Espèce de sombre idiot ! Ma vie ne serait pas en danger sans tous tes plans tordus pour ... je ne sais même pas encore pourquoi d'ailleurs ?! C'est quoi l'objectif ? Me mettre dans ton lit ? s'exclama-t-elle en lui frappant la poitrine.

— Je t'assure qu'aucun de mes « plans » n'avait pour objectif initial de te mettre dans mon lit. Enfin, pas les premiers en tout cas...Et puis, je ne veux pas seulement te mettre dans mon lit.

— Tu avoues que... commença-t-elle incapable de finir.

Enlacés, les yeux dans les yeux, ils se fixèrent en silence pendant quelques secondes avant qu'il ne prenne l'initiative de l'embrasser. Plus doucement, cette fois. Il voulait qu'elle comprenne qu'il n'avait jamais envisager de seulement la mettre dans son lit. Si ça avait été le cas, il s'y serait pris autrement. Il n'aurait pas eu tant de mal à admettre qu'elle l'attirait. Il aurait su immédiatement pourquoi il cherchait la compagnie de la jeune femme. Il ne se serait pas caché derrière un contrat aussi ridicule qu'inutile.

Lupita se laissa entraîner dans ce long baiser qu'elle savoura tout particulièrement. Premièrement, parce qu'il ne lui avait pas été volé. Deuxièmement, parce qu'elle le désirait autant que son partenaire. Elle sentit qu'il la ramenait vers la terre ferme pour abandonner le ponton. Elle s'écarta alors de lui.

— Tu ne t'en sortiras pas aussi facilement, dit-elle finalement.

Alors Darius fit quelque chose auquel elle n'aurait jamais pensé venant de lui, ni de personne d'ailleurs. On ne voyait ça que dans les films d'habitude. Il s'était mis à genoux devant elle en lui prenant la main.

— Dis-moi ce que tu veux et j'obéirai.

Quelques promeneurs s'étaient arrêtés pour voir ce qui allait arriver. Lupita n'aimait pas trop ça, mais étant donné que c'était elle qui avait créé cette situation, il fallait bien qu'elle aille au bout. Et puis, il fallait faire quelque chose pour que son cœur arrête de bondir dans sa poitrine. Il allait finir par en sortir.

— Relève-toi, idiot. Comme si j'allais...Tssss... Je veux seulement une gaufre...

Darius se releva en riant aux éclats, et serra si fort Lupita dans ses bras qu'elle faillit le mordre pour qu'il arrête. Il finit par la relâcher en l'embrassant sur le front, cette fois. Les promeneurs un peu déçus de n'avoir pas assisté à une vraie demande en mariage s'étaient dispersés.