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Gotta make a move to a town that's right for me 
Town to keep me movin'  
Keep me groovin' with some energy

Un, deux...
Un, deux...

Ses yeux se baladent de gauche à droite, de droite à gauche, suivant du regard les bras robotiques de son nouveau jouet tandis qu'il danse sur la musique d'ambiance. Ce canidae silicis, de son nom scientifique, est sa seule occupation tandis que la maison est vide ; forcément, quand on n'a pas encore reçu son salaire pour acheter des jouets à sa fille. Mais cela lui suffit de l'observer en train de danser, pourvu que son micrologiciel ne plante pas et qu'il se mette à jour régulièrement.

Cette machine animale — son seul ami — est une parmi les multiples créatures de monsieur Tanhaus, le célèbre inventeur du transporteur interdimensionnel dont elle a toujours entendu parlé, mais qu'elle n'a jamais vu. Certains ont passé leur vie à chercher ce dernier, surtout que personne ne sait où se trouvent les plans originaux. Il faut dire que le voyage est un thème qui a fasciné les générations depuis toujours. Mais arrivé dans les années 40 — 2040 — on ne sait plus trop où aller, alors on s'essaye à toute sorte d'expériences farfelues : téléportation quantique, croisière dans la matière noire, multiplexage neuronal ou encore leur mystérieux swap dont personne n'a encore compris le concept. Et parmi tout cela, qui en profite vraiment ? Absolument personne...

Marlyne n'est pas du genre à se laisser berner par leurs « salades », comme elle aime les désigner. Le futur est clinquant, certes, mais il est surtout mal éclairé. Moi, si j'avais les moyens, je sais où j'irais, pense-t-elle en regardant son chien aboyer après sa queue. J'irais leur botter les fesses pour avoir inventé des créatures aussi bruyantes. C'est alors que quelqu'un frappe à la porte. Chouette !, se dit-elle. Maman est là ! Elle accourt alors vers la porte d'entrée, courant sur le parquet illuminé de rayures bleu électrique en hurlant depuis le couloir :

— Malvin, couché !

Le petit animatronique s'arrête alors immédiatement de tourner et retombe sur le sol, repliant bras et jambes autour de son corps, puis s'élance à sa poursuite en aboyant. Et comme si ce n'était pas assez, le chien qui aime les décibels reprend son refrain de plus belle, au grand malheur de Marlyne qui rafistole une tresse en lui ordonnant :

— Tais-toi ! Ah, tu le fais exprès ou quoi ? Couché, j'ai dit !

Contraint d'obéir, il s'exécute et retombe sur ses deux pattes, pour finalement se coucher sur les quatre, la gueule ouverte et la langue sortie pour faire entrer l'air dans ses pistons. Ché pas trop tôt, murmure-t-elle avec deux doigts dans un chouchou et une barrette entre les dents. Puis la serrure de la porte d'entrée se déverrouille, cette dernière s'ouvre, et Marlyne retrouve instantanément le sourire et en perd sa barrette.

— Maman ! crie cette dernière.

Sans plus attendre, elle se rue vers elle et l'agrippe de toutes ses forces en faisant attention, bien sûr, à ne pas oppresser le bas de son abdomen et le fœtus gros et lourd qui s'y épanouit. Alors, la femme qui se tient désormais dans l'encadrement de la porte, enlacée de toutes parts et fatiguée tel un paresseux, ne laisse transparaître rien qu'un énorme soulagement en apercevant la petite fille. Cheveux bouclés comme elle, un sourire radieux et des dents blanches comme neige, cette dernière lui rend la pareille par une étreinte longue et chaleureuse.

— Bonsoir, ma chérie ! Je vois que vous vous êtes bien amusés, lance-t-elle en regardant l'animal essoufflé. Fais attention, ses batteries ne sont pas éternelles...

Oui, oui, je suis au courant, pense la petite qui n'a d'yeux que pour sa maman, et d'ailleurs, elle s'en fiche royalement. Huit heures d'absence durant la journée ont été pour elle comme une éternité et elle ne la lâcherait pour rien au monde — sauf pour aller faire la cuisine quand son ventre gargouille. Mais pour l'instant, ce n'est pas dans cette direction que son regard se porte ; en effet, la travailleuse fera d'abord un détour au salon déguster une part de son délicieux pudding au miel. Marlyne le sait et la suit, et le chien aussi, tandis qu'elle se défait de sa doudoune auto-chauffante qu'elle jette sur son canapé aquatubulaire. Puis elle dépose son sac à huit poches, une main sur le ventre pour calmer la douleur de ses vergetures, et en relevant la tête, laisse apparaître un sourire qui embellit son visage.

Qui a volé le chapeau de Marlyne Owens ?Όπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα