Chapitre 1

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Blanche

Les applaudissements ne cessent d'envahir la pièce. Le public est debout. Je maintiens la pause, mon micro levé vers le ciel.

J'inspire.

J'expire.

Je suis essoufflée et la pression commence à redescendre. Cette sensation qui m'envahit à chaque fin de prestation commence à devenir familière. Pourtant on ne s'y habitue jamais vraiment.

Les danseuses qui m'entourent sont essoufflées, j'entends le saccadé de leurs respirations dans mon dos, nos souffles épuisés se répondent.

— Vous étiez parfaite les filles, je leur glisse à travers mon sourire.

Quelques mercis surgissent me parviennent aux oreilles malgré le bruit des applaudissements, puis après quelques secondes le rideau se baisse enfin. Tout le monde quitte la scène en courant. Dans les coulisses, Maria mon habilleuse, s'empresse de me changer de costume. Je délaisse les paillettes pour une robe à plumes.

— Prête pour le numéro de clôture ? me lance-t-elle.

Je la laisse manipuler mon corps en vitesse et je lui glisse une réponse positive.

Maria termine de lacer mon corset et je la remercie avec un sourire. Je ne parle pas entre les numéros, tout le monde le sait. J'ai trop peur de forcer une ultime fois sur ma voix. J'attrape une bouteille d'eau posée au sol, la descend presque d'une rasade et retourne sur scène rapidement.

La musique reprend et je laisse ma voix virevolter au gré des paroles. Les danseurs arrivent petit à petit sur scène et saluent. La meneuse de revue est applaudie par toute la salle puis vient mon tour de saluer.

Les techniciens allument la salle et je distingue mes amies. Ce n'est pas bien compliqué. Joséphine est debout sur sa table. Une bouteille de champagne dans une main et un soutien-gorge dans l'autre.

Même si ma meilleure amie a toujours été un peu excentrique, ce soir tout lui est permis. C'est son enterrement de vie de jeune fille.

Elle est déjà dans un état pareil... et il n'est que vingt-deux heures !

Penser qu'elle va se marier m'emplit de joie, mais aussi de tristesse. Je me sens vieille. Vieille parce que j'élève un enfant. Vieille parce que la solitude me dévore. Vieille parce que la seule histoire d'amour que je ne vivrais jamais est terminée, et je suis réduite à pleurer sur nos souvenirs.

Mais je suis heureuse pour Jo'.

L'image de ma meilleure amie en furie a le don de chasser mes mauvaises pensées et  me redonne le sourire. Elle connait ce spectacle par cœur, mais elle est toujours d'un soutien incommensurable à chaque représentation qu'elle vient voir. Je lui envoie un baiser à distance et le rideau tombe une nouvelle et ultime fois.

Tout le monde souffle derrière. Les corps se relâchent, les respirations deviennent plus fluides, et les voix commencent à former un brouhaha familier. Les danseurs décident de clôturer cette représentation en étirant leurs muscles endoloris sur scène, tandis que les techniciens commencent déjà ranger les décors.

Je me précipite vers ma loge, je ferme la porte à clef et me dirige vers la douche. Je saute à l'intérieur et me lave toutes les paillettes et autres artifices qui me collent à la peau.

Je sors quelques minutes plus tard une serviette autour de mon corps, je me sèche et enfile des vêtements de soirée. Je suis épuisée. Mon corps ne demande qu'un bon lit douillet et un rêve enjôleur mais mon cauchemar de cette nuit me tourmente plus que je ne le devrais.

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant