Chapitre 92 / Affrontement de générations

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— Bon... C'est pas tout ça, dit alors Lupita pour désamorcer de moment émotionnellement chargé, mais il va falloir que je me trouve une chambre d'hôtel, maintenant !

***

— En plus de disloquer l'entreprise, toi et ta petite copine, vous êtes en train de fracasser cette famille, accusa aussitôt Deimos lorsque Darius eut fermé la porte de la bibliothèque.

— Ça suffit, grand-père ! lança Magnus. Tout ce qui vient de se passer n'a rien à voir avec l'affaire qui nous occupe ! A moins que tu n'aies quelque chose à nous dire au sujet de Mlle Jones? Non? C'est bien ce que je pensais ! commença-t-il avant de se tourner vers les deux avocats qui se tenaient au bureau en pleine lecture, Messieurs, vous avez les copies des preuves accumulées ces derniers mois contre votre client, qui n'a rien trouvé de mieux que de vous appeler, pensant sans doute qu'il sortirait triomphant de cette maison.

— Nous aurions pu régler tout cela en famille, grand-père. J'espère que tu t'en souviendras quand les administrateurs vont t'évincer du conseil, et prie pour qu'aucun d'entre eux ne fouille trop profondément, parce que certains t'enverront en prison sans aucune hésitation, ajouta Darius.

— Quand je pense que je vous ai tout appris !

— Tu ne nous as rien appris, Deimos. C'est notre père qui nous a tout appris.

— Et lui ? Comment a-t-il fait pour apprendre, d'après vous ?

— Il a réinventé tout ce que tu lui inculquais en y insufflant de la morale et de la loyauté, grand-père, dit Darius en fusillant Deimos du regard. Tu n'es pas un dieu, même si tu crois en ton omnipotence.

— Ça ne va pas s'arrêter là, mes enfants ! Ça, je peux vous le promettre, dit-il en se levant. Je vais récupérer ma société, que vous le vouliez ou non. Et rien de tout ce que vous détenez ou que vous croyez détenir, ne m'en empêchera.

— Pourquoi ne peux-tu pas continuer à vivre comme tu le faisais, quand père était encore en vie ? demanda Magnus.

— Parce que votre père m'a tout pris.

— Je ne comprends pas cette haine que tu lui voues soudain. Tu lui as cédé tes parts et tes responsabilités de ton plein grès.

Deimos eut alors un rire sans joie avant de répliquer :

— Pas de mon plein gré.

Les deux frères comprirent alors qu'Alexander avant eux, avait réussi le tour de force d'éloigner Deimos en le menaçant. Mais de quoi ? Qu'est-ce qui avait bien pu l'effrayer suffisamment pour le tenir à l'écart ?

— Vous avez gagné cette manche, messieurs. La prochaine sera pour moi, je le crains, dit Deimos en se levant, emmenant dans son sillage les deux avocats, qui avaient rassemblé les preuves des deux frères pour les étudier dans leur cabinet.

La partie n'était pas finie. Sauf si les frères avaient le courage de faire ce que leur grand-père ne les croyait pas capables de faire. Ils en étaient conscients tous les deux. Leurs regards se croisèrent. Un hochement de tête, et Magnus se retourna vers la silhouette de Deimos qui s'apprêtait à disparaître.

— Il n'y aura pas de prochaine manche, grand-père. Demain, après le conseil d'administration, si tu nous y obliges, la police sera à ta porte, et tu le regretteras. Tu nous prends vraiment pour des idiots, mais, contrairement à ce que tu penses, notre père nous a tout appris sur ton fonctionnement, afin que l'on sache quoi faire et comment le faire, pour te neutraliser si besoin. Nous sommes bien plus coriaces que tu ne le penses.

— Bien moins que prévu, puisque tu me préviens. Ton père ne m'aurait rien dit, dit Deimos en refermant la porte laissant les deux avocats dans le couloir. Il sentait que ce qui allait suivre n'avait pas besoin de témoins.

— Bien au contraire. Il aimait trop mère pour lui faire supporter ton arrestation. Il aurait fait comme moi. Et je le connaissais suffisamment pour ne pas douter quant à ma propre décision. Je pensais sincèrement ne pas avoir à en arriver à ces extrémités, mais tu nous forces la main, comme tu l'as fait à notre père, sans doute. Je regrette que tu ne sois pas assez raisonnable. Je regrette.

— Pas moi, dit Darius avec une voix dure. Adossé au bureau, il fixait son grand-père, les bras croisés sur la poitrine. Tu as failli tuer ma petite-amie. Tu as aussi attenté à ma vie, à ma crédibilité, à mon héritage. Tu as mis en péril la filiale française sans aucun remord. Je ne regrette rien de ce qui va t'arriver. Et pour entrer entièrement dans ton jeu : Tu veux jouer au malfrat ? Très bien ! Sache que tu n'es pas le seul à avoir des connaissances douteuses. Alors à bon entendeur. Tu sais de quoi je suis capable, grand-père. Tu sais que je n'ai pas un cœur aussi grand que celui de Magnus, que je ne pardonne pas aussi facilement. Mon côté Yannopoulos, sans doute. Ta faute, donc. Ne viens plus marcher sur nos plates-bandes, sinon tu ne te relèveras pas cette fois.

Deimos resta silencieux quelques minutes à fixer Darius. Il avait toujours su que le vrai danger viendrait de lui. Pas de Jung qui avait toujours su où était sa place et n'était pas homme à bouleverser un ordre établi, malgré les compétences qu'il possédait. Pas de Magnus qui ressemblait bien trop à son père, avec son côté diplomate et stratège. Darius, lui, était un être calculateur et pouvait se révéler d'une froideur digne d'un tueur sociopathe. Comme il l'avait suggéré, il ressemblait en ça à son grand-père et son arrière-grand-père. Mais Alexander avait su tempérer ses penchants en les associant à une loyauté sans faille et un indécent désir de justice. Aux yeux de Deimos, cela faisait de Darius un monstre dont il fallait se méfier.

C'est pourquoi il s'était attaqué immédiatement à lui après la mort d'Alexander. Toutefois, il avait sous-estimé sa combativité. Il pensait que la perte du père et l'arrachement à sa vie paisible dans les Fidji, l'affaibliraient. Mais il s'était trompé.

En lui adjoignant Jung Park, Magnus avait su trouver l'équilibre nécessaire pour que ses frères ne vacillent pas en cas de forte tempête. Leur duo fonctionnait redoutablement bien, Deimos devait bien le reconnaître. Mais Darius seul, pourrait se révéler encore plus dangereux. Il le savait. Le vieil homme se leva sans un mot et sortit. Il avait perdu la bataille. Pas la guerre. D'autant plus qu'il avait une carte à jouer. Une carte qui éliminerait l'ennemi, car elle le réduirait à néant. Elle le briserait de l'intérieur.

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