Chapitre 85 / Quand l'ombre plane

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— Ben, mon vieux, c'est ce qu'on appelle des colosses. Tu les connais ? demanda Emmanuelle à Lupita en détaillant sans vergogne les deux membres de la sécurité qui se tenaient près des portes d'entrée de l'entreprise.

— Celui de gauche, oui. Mais pas l'autre.

Au moment où elles approchèrent dans l'optique d'entrer, les deux hommes bougèrent imperceptiblement pour leur barrer le passage. Lupita fronça les sourcils. Est-ce que Ryker l'aurait déjà virée sans même daigner s'expliquer ?

***

Quand Saadi le devança pour sortir, Jung comprit que le chef de la sécurité était dans le hall pour la même raison que lui : accueillir Lupita Jones. Il avait dû être averti de son arrivée par l'homme missionné pour la surveiller. Saadi s'en voulait personnellement de n'avoir pas été celui qui avait plongé pour sauver la jeune femme. Pas qu'il ait eu des sentiments pour elle, mais il considérait que ça faisait partie de son travail de risquer sa vie pour l'entreprise et ses employés.

Avoir laissé Ryker sauter avant lui, n'avoir pas réussi à anticiper et empêcher cette folie qui aurait pu lui coûter la vie, le travaillait énormément. Il s'en était ouvert à Park juste après le sauvetage, quand il était à la clinique pour que les médecins vérifient qu'il allait bien. Il s'était fait tirer dessus tout de même.

Jung n'y avait pas prêté plus attention que ça, - il avait lui-même un certain nombre de choses à gérer -, mais à présent il se rendait compte qu'il allait devoir discuter sérieusement avec le chef de la sécurité pour mettre les choses au point et apaiser cette culpabilité mal placée. Ils avaient tous bien trop besoin de sa solidité pour le laisser sombrer dans un marasme inutile et destructeur.

— Mlle Jones ! Vous ne devriez pas être ici ! lança Saadi sans sourire quand il fut face aux trois jeunes femmes.

Emmanuelle et Aïko se rapprochèrent imperceptiblement de leur amie, et le chien suivit le mouvement en se positionnant devant sa maîtresse en premier rempart. Pop-corn se rêvait en molosse.

— Pourquoi ? J'ai été virée ? attaqua immédiatement Lupita avec un soupçon de colère dans la voix.

— Mais pas du tout ! eut le temps de dire Saadi avant que Jung ne soit à ses côtés et lui donne une petite tape sur l'épaule.

— M.Saadi, je m'en occupe. Vous pouvez retourner à votre poste. Mais j'aimerais vous voir un peu plus tard. Nous avons à discuter sérieusement.

Jung ne vit pas le visage de Matouf Saadi se décomposer, ni sa stature s'affaisser légèrement alors qu'il se dirigeait vers le hall d'entrée. Il venait, sans le savoir, de plonger son chef de la sécurité dans un abîme de doutes. L'homme était convaincu d'être viré avant la fin de la journée, tant il pensait avoir failli, lui-même.

— Mesdemoiselles, quel bon vent vous amène ? demanda Jung en faisant semblant d'ignorer l'évidence.

— Bon, je suis virée ou pas ? lança Lupita qui n'en démordait pas.

— Mais pourquoi voudriez-vous être virée ? Vous avez sauvé l'entreprise !?

— Alors pourquoi cet accueil ?

— Parce que les protocoles de sécurité ont été renforcés. Personne d'étranger à la société ne peut pénétrer dans le bâtiment pour le moment.

— Ok ! Ça, c'est pour nous ! lança Emmanuelle en souriant et en prenant la laisse du chien dans la main de Lupita. Je crois qu'elle est entre de bonnes mains, Aïko. On peut la laisser, non ?

— Entre de bonnes mains, ça reste à voir, dit l'intéressée en se penchant soudain vers Jung qui eut un mouvement de recul involontaire.

— Pour ce soir, je suis en cours tardivement. Alors arrange-toi pour sortir vers 19h, Lupe, que je puisse être là ? dit Emmanuelle sans se préoccuper de l'échange de regards entre Aïko et Jung. Dubitatif pour elle. Interrogateur pour lui.

— Ho-la ! Tu veux vraiment jouer au garde du corps ? Emma ! Tu as autre chose à faire de ta vie !

— Ne t'en fais pas, Emmanuelle, dit alors Aïko. Je peux être là pour 17h30. Je la ramène, finit-elle sans se préoccuper de ce que venait de dire Lupita.

— Je pourrais aussi la ramener en voiture, si vous me le permettez, mesdemoiselles. Ainsi, je serai sûr que vous seriez toutes en sécurité.

Emmanuelle manqua de rire avant de répondre.

— Ça serait pratique, en effet. Vous n'auriez plus qu'à traverser le palier pour passer une bonne soirée.

— À voir, répliqua Jung en jetant un regard à Aïko qui ne disait rien.

— Je ne vous dérange pas trop, là ! éclata soudain Lupita. Vous n'allez pas concurrencer mon ombre ! Même si ça me fait très plaisir de vous avoir avec moi, je ne vais pas supporter d'être sans arrêt...

— Pas sans arrêt, Mlle Jones. Juste quand vous sortirez, et juste le temps de ...

— De trouver Rochemer... Et si on ne le retrouve pas ? Vous voye zbien que c'est ridicule ! Il doit déjà être loin, de toute façon.

— N'en soyez pas si sûre, Mlle Jones. Ce genre de cancrelat accepte mal la défaite. Surtout quand celle-ci le met en danger et lui fait perdre beaucoup d'argent.

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