Chapitre 84 / Attraction contre-nature

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Elle alla ouvrir la porte d'entrée et découvrit Emmanuelle et Aïko avec Pop-corn et un sac de viennoiseries.

— Ben, t'es pas prête ? On comptait t'accompagner au boulot !

— Non, pas tout à fait, mais j'en ai pour...

— Rien du tout, déclara Mercedes d'une voix autoritaire. Lupita reste ici aujourd'hui. Et si vous pouviez garder le chien pendant quelques temps, ce serait idéal.

Mme Cabrera Vargas avait empoigné le montant de la porte et s'apprêtait à le refermer au nez des deux meilleures amies de sa fille, un air autoritaire sur le visage, mais une main bien plus ferme que prévu la retint. Lupita virait rouge écrevisse, et pas parce qu'elle était gênée de ce que sa mère venait de dire, mais parce qu'elle venait d'atteindre la limite autorisée en termes d'intrusion dans sa vie.

— Maman ! Tu prends tes affaires et tu rentres chez toi !

— Lupita !

— Lupita, rien du tout ! Je suis majeure ! Je suis chez moi et je fais ce que je veux ! Je vais donc récupérer mon chien, mon appartement et aller au travail.

Mercedes piqué au vif se tenait droite près de sa fille et la foudroyait du regard. Mais il était loin le temps où un tel regard pétrifiait Lupita et l'empêchait de vivre sa vie. Voyant que le stratagème ne fonctionnait pas, Mme Cabrera Vargas empoigna son sac à main et sortit, un air de reine outragée sur le visage, en bousculant Aïko et Emmanuelle au passage.

***

— Je comprends mieux pourquoi tu t'es tiré de chez toi rapidement. Ta mère coiffe la mienne au poteau, dit Aïko en montant dans la rame du métro.

— Et tu n'as pas vu grand-chose, dit Emmanuelle qui avait pratiqué la mère de Lupita quand elle était ado. C'était épique parfois.

— À ce point ?

— Humhum, se contenta de grommeler l'intéressée en caressant Pop-corn qui lui faisait la fête.

Lupita était déjà passée à autre chose. Sa relation avec sa mère avait toujours été chaotique, et l'incident qui venait d'avoir lieu, n'était qu'un parmi une multitude d'autres et ne changerait rien à la situation. Elle avait bien assez de problèmes comme ça pour en plus se préoccuper de la susceptibilité de sa mère, pour qui elle était, de toute façon, une déception constante.

— Bien, maintenant qu'on est seule dans cette foule puante, tu pourrais peut-être nous dire ce qui s'est passé avec ton patron hier avant ton départ ?

— Rien de particulier. Il a été égal à lui-même.

Emmanuelle et Aïko échangèrent un regard avant d'obliger Lupita à se redresser pour leur faire face.

— Ça devient bizarre votre fonctionnement en doublette, là, s'exclama la jeune femme en se laissant faire. J'ai l'impression d'avoir deux gardes du corps particulièrement collants !

— C'est exactement ça, Lupe ! Et pas moyen de te débarrasser de nous. Alors crache le morceau ! dit Emmanuelle en rapprochant son visage au point que n'importe qui d'autre aurait pu croire qu'elle allait l'embrasser.

— Emma ! C'est bon ! Je vais parler ! Il m'a embrassée ! C'est pas la première fois! Pas de quoi en faire un plat !

— Quoi ! cria Emmanuelle tandis qu'Aïko se mettait à rire, faisant tourner toutes les têtes vers le trio.

— La question suivante est : qu'as-tu fait ? continua la photographe.

— D'après toi ?J'étais énervée, fatiguée, traumatisée...

— Donc tu l'as embrassé aussi, sourit Aïko, souriant elle-même. C'était bien ?

— La question n'est pas là...

— Alors c'était bien, conclue Emma en croisant les bras sur sa poitrine avec l'air de réfléchir.

— C'est bon. Lui aussi n'était pas dans son état normal. C'était trop bizarre. De toute façon, je compte mettre les choses au clair dès mon arrivée. Pas question de me faire des nœuds au cerveau à cause d'un faux petit-ami qui prend ses rêves pour des réalités, lança Lupita en reprenant les caresses au chien.

Elle ne voulait pas discuter des conséquences possibles de ce baiser. Elle ne voulait pas envisager ce qu'il pourrait induire concernant Darius et elle. Bien sûr, elle n'était pas aveugle au point d'ignorer ressentir une véritable attirance pour lui, même si elle le trouvait lunaire parfois, tellement il n'avait pas idée du vrai monde. Cependant, elle refusait de faire des plans, convaincue qu'il ne pouvait y avoir de véritable attraction entre eux. Comment pourraient-ils jamais former un couple alors qu'un élément aussi primordial que l'eau les séparait de manière aussi radicale, par exemple ?

Et puis, elle avait parfaitement conscience qu'il manquait quelque chose que Darius Ryker n'était pas prêt à lui donner à elle, qu'il n'était pas prêt à donner du tout, d'ailleurs. Il le lui avait bien dit : il n'avait pas le temps pour construire quelque chose. Elle s'imagina alors qu'il avait laissé son cœur sur l'île qu'il avait abandonnée. Elle pensa à une belle autochtone aux cheveux noirs et aux courbes alléchantes qu'il rêvait de retrouver quand le poids de ses choix lui pesait trop. Rien n'était possible pour lui. Pas tant que Deimos Yannopoulos chercherait à s'emparer de l'entreprise familiale de manière aussi brutale.

Penser à Deimos, fit remonter le souvenir du visage de Rochemer. Lupita frissonna malgré elle. Elle ne put s'empêcher de regarder autour d'elle pour voir si elle apercevait son kidnappeur dans le flux compact qui montait et descendait à chaque station. En réalité, cette appréhension ne l'avait pas quittée depuis son départ de son appartement.

Elle était heureuse de ne pas être seule. Avec ses deux amies, elle se sentait plus forte, moins vulnérable. Elle leur attrapa le bras et les serra contre elle en souriant. Aucune des deux ne posa de questions, car Aïko et Emmanuelle avaient compris qu'il était important d'entourer leur amie au moins dans les prochains jours.

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