Chapitre 66 / Ce que femme veut

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— Hum. Pas si vite, murmura la jeune femme encore endormie, alors qu'il retirait doucement le bras qui lui enlaçait jusqu'à présent les épaules.

Elle s'agrippa à lui avec force et le contraint à se recoller à elle. « Merde ! » pensa-t-il. Est-ce qu'il devait avoir recourt au même subterfuge qu'elle, la nuit dernière ? Il ne se voyait pas lui hurler dessus au réveil. Mais s'il ne le faisait pas, il avait une idée assez précise de ce qui allait arriver ensuite. L'une des mains d'Emmanuelle se frayait un chemin vers son entrejambe. « Bordel ! Il fallait qu'il sorte de ce lit, vite fait ! Tant pis, si elle se réveillait en sursaut ! ».

C'est alors qu'il crut être sauver par une boule de poils blanche, qui sauta avec enthousiasme sur le couple enlacé, en frétillant de la queue. Sur le moment, Gabriel loua le clébard qui lui donnait une opportunité de ne pas se faire engueuler. Il s'attendait à une petite beuglante d'Emmanuelle tout de même. Mais rien ne vint. Au contraire.

— Casse-toi, Pop ! C'est pas le moment-là ! dit-elle, les yeux toujours fermés, et la main sur l'entrejambe enflée de Gabriel.

— Nom de dieu ! Tu ne dors pas, en fait ! s'exclama-t-il.

— Toi non plus.

— Oui, mais moi, je ne fais pas semblant ! Tu comptais abuser de moi en me faisant croire que tu étais somnambule, ou quoi ?

— Abuser de toi... Tout est relatif, dit-elle en souriant cette fois.

— Ça suffit ! dit Gabriel en tentant de s'écarter.

La seule chose que produisit son interjection fut le départ du chien, qui alla fureter dans le salon. Emmanuelle, elle, continuait de sourire.

— Tu veux vraiment sortir de ce lit sans achever ce qui a été commencé ?

— Rien n'a été commencé. C'est juste mécanique.

— La mécanique ça me connaît. Et comme je ne vais pas pouvoir faire mon jogging ce matin. Pas de tenue, pas les bonnes chaussures. Et qu'à cause de toi, j'ai bu pas un, mais deux cafés, cette nuit. Tu dois m'aider à réparer...

— À réparer ?

— À réparer le mal. En clair, puisque ton petit cerveau ne semble pas se connecter correctement, j'ai besoin d'exercice pour éliminer.

— Et tu te dis que coucher avec moi serait une excellente idée ? Hier, si je me souviens bien, tu étais à deux doigts de m'étriper.

— N'exagérons rien. Disons que tu me rappelais un souvenir désagréable.

— Et plus maintenant ?

— Non. Maintenant, j'ai envie de... faire de l'exercice, finit-elle en le repoussant pour se mettre à califourchon sur lui.

— Emmanuelle... Tu ne veux pas faire ça avec moi.

— Mais si.

— Dans l'état où je suis ? En sachant ce que tu sais ?

Emmanuelle sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Que Gabriel soit conscient du piteux état dans lequel il se trouvait, de ce qu'impliquait cet état pour elle, lui parut si incroyable, si inespéré. Elle ne pouvait pas le lui dire, bien sûr. Elle ne pouvait pas lui expliquer ce qu'elle ressentait en sa présence. Il aurait pris peur, l'aurait repoussée sans doute. Elle ne voulait pas prendre ce risque. Il avait tant l'habitude du malheur et du chagrin qu'il n'avait pas conscience encore qu'autre chose était possible. Finalement, il était comme elle : handicapé face à la simplicité du bonheur, craintif dès qu'il s'approchait, inadapté quand il s'agissait d'en apprivoiser les contours. Lui le repoussait, elle s'y plongeait sans précaution, mais le résultat était le même : ils étaient blessés au plus profond d'eux-mêmes.

***

Emmanuelle se pencha vers Gabriel pour l'embrasser, et il ne la repoussa pas, car contrairement à tout ce que lui hurlait son esprit englué dans son habitude du malheur, il avait très envie de la jeune femme. À plusieurs reprises la nuit dernière, il l'avait trouvée belle. Chiante, mais belle. Gonflée et désirable aussi. Et puis, il avait réussi à lui raconter son histoire, ce qu'il n'avait jamais fait auparavant avec personne, parce qu'elle était directe, sans frein et cherchait à comprendre, malgré son air renfrogné. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il éprouvait des sentiments pour elle, il ne la connaissait pas assez, mais elle éveillait en lui une étincelle bien différente que celle que faisait naître Lupita. Parce qu'elle, il la désirait indéniablement.

— On s'en fout de ce que tu as vécu. De ce que j'ai vécu. On est là, tous les deux, tout seuls et on a envie de le faire. Alors, on le fait.

— Tu es... Tu es...

— Quoi ? Je suis quoi ?

— Étonnante.

— Parce que je veux coucher avec toi alors que l'on se connaît à peine et que je t'ai dit des choses méchantes. J'ai aussi soigné tes blessures, rangé tes conneries et écouté ton histoire. Ça nous rapproche non ?

— Mais je ne sais rien de toi.

— Pas besoin. Il n'y a rien à savoir d'intéressant. À part que j'ai besoin de faire de l'exercice et que c'est toi qui t'y colles.

Gabriel l'embrassa alors passionnément, sachant très bien qu'elle mentait. Parce qu'une fille comme elle, ça avait forcément une histoire. Parce qu'une fille comme elle, cachait ses zones d'ombre avec éclat sans pouvoir les effacer tout à fait. Il les découvrirait. Il se le promettait.


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