✦ Durant les temps où le Little Palace n'était qu'un rêve dans l'esprit d'Aleksander, ce dernier se retrouve à sauver une fjerdane aux pouvoirs singuliers de la mort. Il ignore alors que cette rencontre va le changer du tout au tout, et que la jeune...
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Un havre de paix pour tous les Grisha ?
Cela sonnait comme un rêve dans lequel elle se perdrait le soir, priant pour trouver de meilleurs jours.
Et pourtant, Arsenyev paraissait sérieux quand il lui parla de ce lieu, le Little Palace, qui avait pour vocation de devenir un refuge. Anika ignorait que tant de Grisha comme elle se trouvaient dans ce vaste monde. Bien sûr, elle était au courant qu'elle n'était pas la seule. Mais de là, à parler d'un havre de paix...
La blonde se perdit alors dans ses propres pensées, et ne remarqua même pas Luda sortir de la pièce. Elle sembla revenir à la réalité lorsqu'elle se rendit compte que l'invocateur d'ombres s'était rapproché d'elle. Peu à peu, son regard s'accrocha au sien.
Elle n'avait jamais vu personne comme lui, songea-t-elle.
Ses deux yeux telles deux billes obsidiennes luisaient dans la pièce. Ses cheveux s'arrêtant aux épaules encadraient un beau visage, qui ne comportait aucune expression en particulier. Ou plutôt si, mais Anika n'aurait su la qualifier. Énigmatique ? Curieuse ? Fatiguée ?
Il lui demanda, au terme d'un temps de silence durant lequel ils s'observèrent l'un l'autre, si elle avait faim.
Ne sachant trop quoi répondre, la blonde se rendit compte qu'effectivement, elle avait l'estomac vide. Mais elle ignorait si elle pouvait avoir confiance. C'était peut-être idiot, mais elle n'avait jamais accordé cette dernière, alors instinctivement, elle demeura sur ses gardes.
Mais pourtant, quand elle observait cet homme, Anika avait l'impression de retrouver quelque chose de familier. Un peu comme si, de manière inexplicable, il la comprenait. Et elle savait que par "épuisée", Arsenyev ne mentionnait pas seulement un état physique.
Anika sentit un étau lui enserrer la cage thoracique, et ses épaules d'affaissèrent, comme si le poids de sa vie entière lui tombait dessus. Ses cheveux blonds lui tombèrent de chaque côté du visage tel un rideau lumineux.
"Je le suis," fut tout ce que la fjerdane consentit à lâcher, les lèvres à peine desserrées. "Vous ne savez pas comment c'est, pour nous, à Fjerda."
Heureusement, elle avait appris le Ravkan depuis son arrivée sur le continent. Bien-sûr, son accent s'entendait aisément, et ses r roulaient parfois dans ses phrases, rappelant le givre, le vent froid du nord sur le bout de sa langue.
Arsenyev l'observait toujours.
"Nous partagerons ce que nous avons avec toi," murmura-t-il enfin. "Si tu préfères manger seule, je te ferai porter la nourriture. Pour ce soir seulement. Quant au reste..."
Il jeta un coup d'œil par la fenêtre, puis reprit.
"Je suis au courant de ce qu'il se passe, à Fjerda. Bien plus que tu ne l'imagines. Et même si nous sommes mieux lotis à Ravka, ça n'est pas forcément plus sûr ici..."
Oh, cela, Anika le savait... plus qu'il ne le pourrait jamais savoir.
Elle prit quelques petites inspirations, comme pour chasser les démons qui s'étaient logés dans ses souvenirs, et posa ses yeux clairs sur lui. Anika s'efforça d'être prudente et de ne pas trop en dire. Pourtant, elle pencha la tête sur le côté, et s'abandonna à la curiosité.
"Je n'ai jamais vu un Grisha comme toi," l'interrogea-t-elle doucement, "Qu'est-ce que tu es ?"
Peu à peu, le brun posa ses yeux sur elle, comme s'il cherchait à la déchiffrer.
"Les invocateurs d'ombre sont rares," répondit-il, "mais ils existent. Et j'en fais partie. En revanche... je n'ai jamais vu de halo violet tel que le tien, je l'ai aperçu dans les bois, tout à l'heure."
Arsenyev reprit ce drôle d'air énigmatique, se déplaçant afin de se placer face à elle.
"Qu'est-ce que tu es, Anika ?" Demanda-t-il en détachant chaque syllabe.
Tout à coup mal à l'aise, la blonde baissa le nez face à l'aura magnétique qui se dégageait de la personne devant elle.
Au terme de quelques secondes de silence, elle releva les yeux.
Il faudrait bien qu'elle commence à parler un jour ou l'autre, de toute façon.
"Ça n'est pas aussi visible que les ombres," avoua-t-elle, "Tout se passe ici."
