La Rêveuse de Fjerda {Darkling x OC}

3. Aleksander

Anika.

Enfin était-il parvenu à mettre un nom sur ce visage qui hantait ses nuits depuis longtemps maintenant.

Après ce qui lui parut une éternité passée à fixer sa main, la dénommée Anika y posa la sienne, tremblotante. Aleksander l'aida à descendre de cheval, et une fois qu'elle eût mis pied à terre, elle s'empressa de le lâcher, se dissimulant dans son dos.

Elle se comportait presque comme un petit animal pris dans le viseur d'un fusil. Et qu'en l'occurrence, tout représentait pour elle un fusil potentiel. Ce n'était pas une si mauvaise chose : s'il arrivait à gagner sa confiance, il serait à une place à laquelle nul autre ne pourrait prétendre, et cela lui servirait bien pour se renseigner sur elle et ses pouvoirs comme il le souhaitait. Sans compter qu'il y avait une chose sur laquelle il n'avait pas menti : la jeune femme était Grisha, et par conséquent, méritait son aide.

Soudainement, sa mère se planta devant lui pour lui barrer la route, un air sévère sur le visage.

– J'ose espérer que tu as pris les précautions nécessaires.

– Et quand ne l'ai-je pas fait, mh ? Rétorqua-t-il simplement à sa mère, avant d'entraîner Anika avec lui, coupant ainsi court à cette discussion déplaisante.

Il détestait qu'elle le traite toujours comme un petit garçon. Comme un débutant qui ne savait pas ce qu'il faisait.

Rentrant à l'intérieur du Little Palace, il halta l'un des Grisha qui passait par là, un Corporalki.

– Va me chercher Luda. Dis-lui de nous retrouver dans la chambre au fond du couloir.

Le Corporalki repartit aussi sec sans même broncher, et Aleksander fit monter l'escalier à la jeune femme, avant de poser une main dans son dos pour la guider jusqu'à la chambre la plus éloignée. Ce n'était pas grand-chose : un lit, une armoire, un bureau et une chaise. Bien loin de la vision qu'il espérait pour le devenir du Little Palace...

Luda débarqua enfin, et Aleksander reprit alors la parole, en s'adressant à Anika.

– Luda est une guérisseuse. Elle va vérifier que tu ne sois pas blessée.

D'un geste de la main, il autorisa l'intéressée à s'avancer, tandis que de son côté il s'appuyait contre le bureau derrière lui.

Aussitôt, Anika afficha une expression renfrognée. Luda parut s'en rendre compte, puisqu'elle lui offrit un sourire rassurant.

– Tout va bien, je ne vais pas te faire de mal.

– Je ne veux pas qu'on me touche, lâcha-t-elle à mi-voix.

– Il n'y a aucun besoin de cela, lui assura la Grisha brune.

Anika consentit finalement à quitter son périmètre et à s'asseoir sur le lit d'un air crispé. Luda s'installa à ses côtés et commença à passer sa main au-dessus de ses épaules. La guérisseuse descendit ensuite jusqu'à son dos, et Anika la regarda d'un air étrange.

– Tu as une côte de cassée, expliqua-t-elle doucement, ne t'en fais pas, je vais réparer cela.

Bien qu'il garda un air impassible, Aleksander se demanda ce par quoi la blonde avait dû passer pour ne pas se rendre compte d'être blessée. Certainement d'horribles événements.

Luda continua à réparer ce qui n'allait pas chez elle sans jamais la toucher, sachant par avance qu'elle risquait de lui sauter à la gorge si elle s'y essayait. Anika finit par relever le nez vers l'invocateur d'ombres.

– Quel est ce lieu ?

– Tu es dans ce que l'on appelle le Little Palace, expliqua-t-il sans jamais la lâcher du regard, un lieu laissé à l'abandon complet par le régime. Nous l'avons investi, dans l'espoir qu'un jour, cela devienne un havre de paix pour tous les Grishas.

Et pour une fois, rien de ce qu'il venait de dire n'était un mensonge ou une demi-vérité. C'était son projet, et il comptait le mener à bien coûte que coûte.

– Merci Luda, lança-t-il à la seconde où il vit qu'elle avait terminé son intervention, Tu peux y aller.

Sans protester, l'intéressée s'excusa de la pièce, les laissant de nouveau seul à seul. Aleksander se décolla alors du bureau, faisant quelques pas résonnant dans le silence assourdissant de la chambre, jusqu'à se planter devant la jeune femme toujours assise au bout du lit - comme si elle voulait être certaine de pouvoir se ruer hors de là à la première occasion.

Les mains dans le dos, il l'observa, maintenant le silence pendant encore quelques instants : elle lui paraissait jeune, très jeune, à en juger par les traits de son visage, et elle était agréable à regarder, autant que dans ses rêves. Mais surtout, elle avait l'air diminuée, physiquement parlant : malgré les soins de Luda, il voyait encore la fatigue dans son regard, et il serait prêt à parier qu'elle n'avait ni mangé ni dormi correctement depuis des lustres.

– Est-ce que tu as faim ? Le groupe de chasse devrait bientôt être de retour. Je te ferais porter de la nourriture. Ensuite, je te laisserai te reposer.

Il baissa un peu le ton de sa voix en même temps que son menton, se faisant le plus doux qu'il lui était possible. Il ne savait pas trop d'où cela lui venait, mais Aleksander ressentit le fort besoin de la protéger.

– Anika, tu as l'air épuisée.