3: Gérer ses paroles

25 3 0
                                    

_Vraiment? Hurla Iraan pour la quatrième fois de la soirée.

La soirée d'anniversaire de Ayana venait d'être entamée et Armel qui était arrivé en avance, comme à son habitude, avait fait par du comportement exacerbant de la femme qu'il avait rencontré dans la journée à ses frères. Ceux-ci avait été aussi stupéfaits que lui par l'attitude désagréable de la femme.
Du début à la fin, Iraan avait été le plus expressif de tous, en poussant des cris et en déformait son visage en grimace à de nombreuses reprises.

_Vraiment. Répondit Armel.

_Tu devrais quand même faire plus attention à tes mots. Les gens comme elle, écrasent les autres sans pitié et te connaissant, tu ne la fermera que quand tu seras sous sa chaussure. Dit Joachim, avec un air grave, comme si la situation était aussi importante que la guerre.

En parlant de guerre, le frère aîné, lieutenant depuis peu, se devait d'accueillir et entraîner les nouvelles recrues. Il avait été promus et avait obtenu un poste de directeur dans un établissement de formation militaire. En septembre, il devra donc repartir...
Le départ de l'aîné, attristait vraisemblablement la petite famille, mais il n'y avait pas de moyen révolutionnaire pour qu'il se dédouble et reste avec eux. C'était son devoir et il devait l'assumer pleinement.

Armel savait que son frère aîné s'inquiétait beaucoup pour lui mais le jeune homme avait grandi, mûri, et acquis bon nombre de qualités ces dernières années, il n'avait plus besoin qu'on s'inquiète pour lui car il se sentait assez fort pour régler ses affaires lui-même.

_Joachim, je sais me débrouiller. Le rassura son cadet.

Le frère aîné connaissait mieux que quiconque son cadet, il savait que celui-ci en plus de sa grande bouche, vivait ses émotions d'une certaine manière. Il était fragile mais pas faible. Il pouvait se retrouver coincé mais il finissait toujours pas trouver une issue. Il fut un temps où sa fragilité physique, dépeignit sur son mental et failli lui prendre la vie. Mais Armel, avait grandi, il était plus fort et c'est cela qui effrayait le plus Joachim. Il avait vu des hommes forts, tomber et ne plus se relever, chuter pour ne jamais remonter la pente, et il ne voulait pas que son frère perde au jeu du plus fort. Armel était têtu, beaucoup trop d'ailleurs, et Joachim savait qu'il ne l'écouterait pas. Alors il se résigna et ne dit plus un mot concernant cette affaire.

La fête battait son plein. Les invitées de la petite Ayana dansaient, riaient et chantaient souvent les paroles des chansons qui passaient. Elles avaient l'air tellement innocentes, pures, heureuses que les adultes les enviaient presque. Il se remémorèrent ses années là où eux aussi vivaient sans se soucier du lendemain, sans penser à l'argent, sans stress, bref une vie paisible. Certes la vie était faite de haut et de bas mais à cet âge là, on ne restait pas bloqué sur des événements passés. Pour les tout petits, hier n'existait pas et demain était un rêve, ils ne vivaient que pour le présent.
C'est donc ainsi que les trois frères se retrouvèrent entourés de petites filles, dansant avec eux, en gloussant et en glissant à l'oreille de la reine de la fête, qu'ils étaient aussi beaux que les princes charmants dans les dessins animés.
Ceux-ci rirent à gorge déployée en entendant cela. Armel finit même par avoir du mal à respirer à un moment et il du s'isoler afin d'éviter une crise, qu'il sentait venir, mais qu'il enfuissait au plus profond de lui.

Il était assis sur les escaliers de la cuisine qui menaient au second jardin, une bouteille d'eau à la main, en respirant comme il l'avait fait de nombreuses fois pour s'apaiser. Ne voulant pas que sa nièce et ses amies le voient dans cet état, il s'était éclipsé au plus vite. Marcie, en gentille belle-sœur, l'avait aidé à trouver un alibi afin de répondre aux nombreuses questions que posait Ayana. Mais celle-ci, très perspicace, avait déjà découvert la supercherie. Aussi rusée qu'un renard, elle trouva, elle aussi, le moyen de s'éclipser et alla s'asseoir près de son oncle.

_Est-ce que ça va tonton? Demanda-t-elle de sa voix fluette.

Le questionné se tourna vivement vers cette mélodie, si douce à ses oreilles mais si redoutée dans ces moments là. Il aimait beaucoup sa nièce, il en était gaga, tellement qu'il succombait à tous ses caprices, sauf quand ça concernait des choses bien trop grandes pour elle.

_Oui ma chérie, il répondit en lui tapotant la tête affectueusement.

_Pourquoi tu es tout pâle alors?

Armel rit en voyant à quel point elle ne lâchait rien comme sa mère. Marcie était d'une grande douceur, d'une tendresse inouïe et d'une force incroyable. Et sa fille était comme elle, d'une force incroyable.

_Je me suis senti un peu fatigué après avoir danser avec vous, voilà tout. Il haussa les épaules.

La petite fille le fixa de ses grands et beaux yeux bruns, pensant qu'elle pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Elle sentait que quelque chose clochait mais exactement quoi, elle ne savait pas. Depuis qu'elle fut en âge de comprendre que les adultes avaient des secrets, les découvrir faisait son quotidien. De jours en jours, elle analysait tous les adultes qu'elle rencontrait, à la recherche du plus petit secret. Son inspection ne dura pas longtemps qu'elle fut interrompue par sa grand-mère qui l'interpella afin de lui faire quitter cet endroit. Elle déposa un léger baiser sur la joue de son oncle et fila comme une flèche.

_Merci maman, dit Armel, soulagé.

_Pourquoi tu me dis merci? Raconte moi ta journée plutôt, le hâta t-elle.

_Umama*, râla-t-il.

_Oui mon cœur, sourit-elle.

Ce sourire, il ne pouvait jamais rester fermé devant lui. Il acceptait tout ce que sa mère lui disait. Même si elle était une grande enfant dans l'âme, elle avait acquis au fil du temps une sagesse pertinente, et de ce fait, ses fils écoutaient attentivement ses conseils qui les avaient sauvés plus d'une fois.
Il lui raconta donc sa journée sans omettre le moindre détail.

_Pour une journée, c'en est une! Elle s'exclame, mais tu devrais apprendre à te taire par contre, le prévient-elle.

D'abord Joachim et maintenant sa mère, tous deux lui demandèrent de faire attention à ce qui sortait de sa bouche. Alors qu'il n'avait rien dit de mal, selon lui, c'était un moyen plutôt rapide de la remettre à sa place et de lui montrer que les "gens comme lui" n'étaient pas misérables et incapables comme elle voulait le faire comprendre à qui voulait l'entendre.

Ce que le cadet Enkhozi ne savait pas c'était qu'il serait amené, de nombreuses fois, à beaucoup trop parler jusqu'à perdre tout ce qu'il avait, dans un avenir proche. Très proche.

















































*Umama: maman (zoulou)

Un Soupçon d'amour Where stories live. Discover now