Chapitre 9

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Le surlendemain matin, Daniel de Fleurie et ses deux enfants arrivèrent dans la cuisine, pour petit-déjeuner en même temps qu'Elwina. A leur bonheur à eux, et à son malheur à elle.

— Bien le bonjour, Elwina.

— Bonjour. Avait-elle soufflé à la salutation du père de famille, sans pour autant lever la tête de son bol.

— Je n'ai vraiment jamais vu quelqu'un boire autant de lait que toi ! Lui avait lancé Jacinthe tout en posant des croissants sur la table, et s'asseyant à ses côtés.

— Moi non plus. Se força-t-elle à répondre de manière aimable, même si entendre la jeune femme l'assaillir de si bon matin n'avait fait que lui hérisser les poils.

— Tu n'aimes rien d'autre au petit-déjeuner ?

— Si, si, mais j'adore vraiment le lait. Avait-elle dit d'une voix encore à moitié endormie.

— Il y a une façon particulière où tu le préfères ?

Cette fille avait vraiment trop de pulsions sociables en poche. C'était gentil, de vouloir tout le temps s'intéresser aux autres, mais déverser sur Elwina un tel flot de paroles et de question déclenchait le contraire de l'effet voulu. La brunette hésita même à ne pas répondre du tout, mais son pleutre d'instinct ne voulait pas contrarier ses interlocuteurs :

— Tiède, sans chocolat, mais avec une cuillère à café de sucre. Et de la crème chantilly par dessus.

Rien que l'idée la faisait saliver, et elle but délicatement quelques gorgées. Face à elle, l'adolescente se retournait joyeusement vers son père :

— Il faudra acheter de la crème chantilly !

Elwina sourit intérieurement. Finalement, elle restait utile, la petite Jacinthe. L'homme observa affectueusement son enfant, avant de déposer un regard amical sur la brunette, tout en mettant quelque chose sur la table :

— J'ai fait faire un double des clefs de la maison. Quand tu es rentrée tard, l'autre jour, je me suis rendu compte que ce serait utile. C'est chez toi, ici, à présent ; et puis avec tes cours qui vont reprendre ce sera plus pratique. Dis-nous juste quand tu découches, qu'on ne lance pas un avis de recherche.

Il avait terminé sa phrase en riant, et la jeune femme s'empara du trousseau. Ils avaient mis un petit porte-clef en bois, en forme de chat. Il fallait bien admettre que c'était une très gentille attention.

— Merci. Avait-elle dit, sincère.

Comme ayant perçu son honnêteté, le visage du père de famille et de sa fille s'illuminèrent.

Elwina prit son petit déjeuné en silence. Daniel, Jacinthe, Ascelin, et Alice qui les avaient rejoints, parlaient entre eux. Cependant, elle ne se mêlait pas à leurs conversations. A vrai dire, Ascelin non plus, mais ce dernier faisait au moins semblant d'y prêter attention. Une fois son bol terminé, la jeune femme alla le placer dans le lave-vaisselle, puis s'éclipsa dans sa chambre.

Elle faillit aller à la bibliothèque, mais se dit qu'elle avait trop de chance d'y trouver Poséidon. Elle était peut-être paranoïaque, mais la jeune femme avait l'impression que le brun n'y allait rien que pour l'y trouver. Et puis, même si elle se trompait, elle n'avait aucune envie de se retrouver à papoter avec Lou, bien qu'elle l'apprécie. Un peu.

Sa chambre était son suprême lieu de sécurité. Son odeur l'embaumait, ses affaires à elles et à personne d'autre y étaient éparpillés, et la quasi-totalité de sa vie s'y déroulait. Il y avait aussi ses livres, ses crayons, et ses pinceaux : les trois seules choses en ce bas-monde qui arrivaient à la combler.

La malédiction des chats noirsWhere stories live. Discover now