III

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Le soleil ne rougit pas encore le ciel, que je suis debout devant ma penderie. Mère me dit sans cesse de préparer mes affaires la veille, mais j'aime trop ces petits moments de profonde solitude pour l'écouter pleinement. Depuis que je suis en âge de le faire seule, je triche en me levant plus tôt afin de profiter de moi.

Sombre petite égoïste que je suis.

Je souris face à mon image en pensant que la première chose que je fais chaque matin est un blasphème, l'image que me renvoie mon miroir hausse les épaules, elle s'en fiche, s'en amuse même. JE m'en fiche, m'en amuse.

La plus part, diront que je suis une honte.

Histoire de continuer en si bon chemin, j'effleure du bout des doigts le jean que mon grand frère m'a offer avant de s'envoler pour sa liberté, je ne rajouterai pas illusoire, je ne le pense pas. Je crois au contraire que tout ce que je vie ici n'est qu'illusion.

J'ai enfilé une fois ce vêtement, sans aucune raison apparente juste une envie, un caprice, et je dois dire qu'il me va plutôt bien. Il est d'une couleur classique, taille basse en fait il terriblement normal seul une unique petite rose cousue main sur la poche gauche du vêtement le fait sortir de l'ordinaire, elle est cousue avec des fils blancs.

Plus tard j'ai trouvé la définition de cette couleur pour cette fleur : la rose blanche veut dire un amour pur et raffiné, la dignité, l'innocence et les secrets. Ces quelques mots, d'après lui me définissent parfaitement, et le côté gauche est celui du cœur. Je ne pense pas qu'il aie spécialement tord, tout comme Lucie il sait lire les gens. Du moins pour les secrets, Dieu sait que j'en ai et qu'importe son regard désapprobateur je tiens à les garder même au péril de ma triste vie.

Il existe des combats qui méritent d'être menés.

D'après moi, Christophe lui est un œillet, audace, ardeur, liberté... Je l'envie, je dégrade une nouvelle fois le monde catholique avec mes pensées peu louable, je sais que je devrais brider, mais je n'y arrive pas. J'ai l'impression que sans elles je sombrerais dans la folie, elles me servent de régulateur.

- Qui êtes-vous ? Je demande à mon reflet, je souffle et étouffe un rire devant l'absurdité de la situation, Je vouvoie mon propre reflet. Il faut avouer que c'est risible et profondément stupide.

J'opte pour la conformité, une jupe droite de couleur claire avec un chemisier plus foncé en fait je fais comme tous les jours, non pas que cela me plaise mais pour ma tranquillité. Entrer dans le moule, ne pas faire de vague, ne pas déshonorer notre nom, ne pas souiller notre image que père et mère on forgé au fil du temps.

Je n'ai pas l'audace de chercher la confrontation, ceci est aussi la réalité.

*

- Jeanne, je vous accompagne au pénitencier pour votre premier jour.
- Bien, je vous remercie père. En toute honnêteté ces derniers mots m'arrachent la gorge.

Raide comme la justice, père s'avance vers moi, les clefs en mains. Le signal est donné nous partons. Mère se précipite vers nous, une galette à la fleur d'oranger, impeccablement emballé dans du papier absorbant, dans la main. Quand je la lui prends, elle me réajuste mon col, caresse ma chevelure brune, presque noir. Ce n'est pas un geste d'amour, n'en déplaise aux observateurs curieux, elle me remet sûrement une mèche rebelle qui tentait de gagner un peu liberté.

*

Je m'emploie à remettre mon masque de jeu en place, en réalité je suis furieuse que père m'accompagne, je voulais y aller seule. La conduite est pour moi synonyme de liberté, j'aime passer des heures à rouler, seule, dans un silence presque absolue. De qui je me moque ! Bien sûr que je roule mais certainement pas en silence ! Je roule seule mais avec un vacarme assourdissant.

l'envol du cygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant