Chapitre 2.

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Je suis assisse au bord du lit. En sous-vêtements : ne portant qu'un soutien-gorge noir, soutenant ma poitrine et dévoilant la naissance de mes seins, ne portant qu'une petite et simple culotte blanche, dont la découpe simple, facile et provocante laisse entrevoir un large morceau de mes fesses. Assise de manière que les plis de mon ventre rond, ce qui saillit à la surface, comme des reliefs saillants, se marquent, se dessinent et me font honte. Je suis assise au bord du lit. De ce lit défait, froissé, puant de l'odeur de nos corps nus et retentissant encore de l'écho de nos gémissements. Il est au lit. Il dort encore, dans le lit. Il est si beau. Il repose sur le dos. Les draps tombent gracieusement son corps nu, laissent apparaître son torse nu. Sa peau est marquée par quelques lignes ensanglantées, irrégulières et sèches. Sous mes ongles, reste un peu de sang. Les draps rouges l'habillent élégamment comme la toge d'un empereur romain : les draps reposent sur ses hanches à la manière d'un fleuve qui s'écoule, s'étale et s'étend au-dessus des roches des montagnes, dissimulant à peine, avec une impudeur soutenue, avec une indécence enivrante, la courbe saillante de son corps nu, noué de muscles, tissé d'une peau parfumée. Sa peau avait le parfum des anges cachés derrière les nuages, la mollesse des étoiles fumantes dans l'éther. Mes doigts gardaient encore sous la pulpe, derrière les ongles, le souvenir délicat de cette peau frémissante. Je me souviens de cette nuit ! de ce temps ! de ce nous ! De ce nous qui n'avait duré que le temps d'une nuit. Il fait nuit, le soleil ne s'est pas levé. La lune a été le dernier témoin de nos corps s'alliant l'un dans l'autre, de nos souffles se mélangeant l'un à l'autre, de nos gémissements s'écoutant l'un après l'autre. La lune, comme une tâche grise sur un fond noir, a vu nos corps chauds comme une lave s'écoulant des volcans au moment des éruptions, mous comme une argile de couleur rouge, malléable et fondante sous la pulpe des doigts, fiévreux comme un malade frissonnant surpris sous une pluie glaciale. La lune, grosse dans le ciel, se tenant comme un hibou perché au-dessus d'une branche, a entendu, les oreilles aux aguets, nos soupirs et nos gémissements et a senti, les ailes papillonnantes, ce désir qui monte et s'accroche partout dans l'air et nulle part dans la chambre.

Soudain, un sentiment s'engouffre dans ma poitrine, déferlant pareillement à une immense vague sur les océans, à la houle grignotant la côte. J'ai l'impression de ne plus savoir comment respirer : mes poumons s'atrophient avec paresse, près de mon cœur, ma poitrine était traversée d'une brûlure dont chaque flambée semblait frapper, à grands coups, contre ma masse osseuse, ma cage thoracique se rétrécit avec dureté, sous ma chair. Emportée par un léger délire qui agite l'esprit humain, qui trouble quelques morceaux d'âmes quelconques et qui ne trouve pas de nom, je me lève. Sur le sol, nonchalamment, comme le vieux souvenir de nos ébats, traine encore ma robe à sequin noir. Je la ramasse, mais ne l'enfile pas, pas encore. Désormais, je me tiens face à un long miroir, suspendu au-dessus du battant de la porte d'entrée. Je me penche légèrement en avant, inclinée. J'essuie le noir qui coule, tache et s'effrite sous mes yeux. Du noir craquèle, s'émiette, est friable sous mes doigts. Des miettes noires salissent, comme un morceau de charbon s'émiettant, parsèment, comme des étoiles dans le ciel, la pulpe de mes doigts. Mon rouge à lèvres déborde de ma bouche, il dépasse sur les bords. J'efface entièrement ces marques disgracieuses sur mon visage de femme, écarlates sur ma peau hâlée par le soleil, du dos de la main. Mon maquillage est un vestige, une antiquité, me restant de ma nuit agitée. De lourdes valises tombent sous mes paupières et mes yeux sont comme deux trous noirs sur mon visage cireux, laiteux, dont une nuance maladive a repeint les traits. Je laisse rebondir mon regard sur mon reflet et j'observe longuement mon corps dans ce verre lisse, neutre, sur cette surface poli et étamé. De larges bleus tirant sur une teinte violette s'étalent sous mes clavicules. De fines griffures marques mon épaule : la peau est égratignée, les cicatrices sont rouges et les mignonnes blessures se déchirent doucement. Mon doigt redessine patiemment les traces que laisse le sang séché, les contours de mes hématomes qui s'épanouissent comme des fleurs violettes. Accompagnée des moiteurs d'un certain frisson, amarrée par la délicatesse d'un flot surprenant, je ferme les yeux. Sous mes paupières, comme un flash foudroyant, pareillement à la pellicule d'un film, défile des images que je peine à replacer dans mon esprit comme de réels souvenirs.

Le Jazz et la JavaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant