Chapitre 2

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Dès son arrivée à l'agence, Aline sollicita un rendez-vous avec le directeur. Elle désirait battre le fer pendant qu'il était chaud afin de ne pas céder à la pression.

Vers 11 h 30, Hélène l'invita à entrer dans le bureau du grand patron. Il se tenait devant la machine à expresso.

— Bonjour, Aline, je vous en prie, prenez place.

Il s'empara des deux tasses, en tendit une à son employée avant d'aller s'installer confortablement dans son fauteuil.

— Alors, que vous arrive-t-il ?

Jacques remarqua immédiatement le trouble de la jeune femme.

Pourquoi est-elle aussi mal à l'aise ? Va-t-elle m'annoncer une mauvaise nouvelle ? se demanda-t-il, inquiet.

Depuis leur collaboration, jamais il ne l'avait vue dans un tel état de stress et son comportement lui fit craindre le pire.

— Avez-vous des soucis ?

La réaction de son supérieur hiérarchique ne la surprit pas. Il faisait partie de cette ancienne génération du patronat où le mot « reconnaissance » avait encore un sens.

Aline se souvint qu'à son arrivée, il avait tout de suite réorganisé les postes de travail afin de créer une interaction entre ses employés. Grâce à sa politique visant à valoriser l'être humain avant toute chose, les résultats de l'agence s'étaient envolés. La maison mère et les actionnaires s'en étaient même étonnés.

Le directeur croisa les bras, prêt à entendre les revendications de la jeune femme.

Aline le fixa avec détermination.

— J'ai une requête qui va peut-être vous paraître précipitée, mais j'aimerais savoir si je peux bénéficier d'un congé sabbatique d'environ six mois.

L'homme se cala dans son fauteuil, perplexe.

— J'ai conscience que ma demande est soudaine, mais il me faut quitter le pays pour motif personnel. Pour combien de temps ? Je l'ignore.

Il semblait secoué. Devant la mine défaite de son patron, elle lui expliqua les causes de son départ. Surpris et soucieux, il tenta de la mettre en garde sur la situation politique au Niger.

— On n'échappe pas à son destin, et si ce pays m'appelle de la sorte, je dois m'y rendre. De toute façon, ce qui doit arriver, arrivera, quoi qu'il advienne, philosopha-t-elle ?

Jacques était conscient qu'il allait perdre l'un de ses meilleurs éléments, mais face à la détermination de la jeune femme, il se contenta de lui sourire.

— Pensez-vous que mon congé sera accepté ?

— Je ne vois pas pourquoi il vous serait refusé. Vous remplissez toutes les conditions. Et vous me connaissez suffisamment pour savoir que je ne suis pas du genre à entraver les projets de mes employés.

Les joues d'Aline s'empourprèrent.

— Quand désirez-vous partir ?

— Justement, je sais que le délai légal est de trois mois, mais...

— Mais je présume que vous désirez partir le plus rapidement possible, n'est-ce pas ?

Aline parut presque gênée.

— Effectivement, j'aimerais m'envoler pour Niamey après les fêtes de fin d'année.

Il consulta le calendrier.

— Très bien, je ferai en sorte que votre congé débute à partir du 26 décembre. Ce sera mon cadeau de Noël.

Les yeux de la jeune femme devinrent brillants. Devant l'émoi d'Aline, le directeur se leva et s'empara de son manteau.

— Allons fêter ce beau projet devant une bonne assiette.

L'attitude de Jacques la toucha. Même si elle connaissait le paternalisme de cet homme, jamais elle n'aurait pensé qu'il réagirait de la sorte.

Après le déjeuner, Aline profita de son après-midi de repos pour arpenter les rues de Grenoble à la recherche d'une agence immobilière. Son départ n'était ni un coup de tête ni une envie d'aventure, mais un vrai projet de vie et la mise en vente de son appartement faisait partie du processus. Il était hors de question de faire les choses à moitié. De toute manière, son logement était bien trop spacieux pour une seule personne et à son retour, elle avait la ferme intention de se trouver une petite maison avec un jardinet.

La première agence qu'elle consulta ne lui donna pas entière satisfaction. Le gérant s'était contenté de prendre ses coordonnées. Peu convaincue du sérieux de cet homme rondelet qui empestait la transpiration, Aline continua ses investigations.

L'office suivant était celui de « Fournier et compagnie».

Une impression agréable se dégageait de la façade. L'affichage mettait les biens en valeur grâce à des descriptions claires et des photographies de qualité. Sans hésitation, Aline poussa la porte avec un bon pressentiment.

Un homme à l'allure sportive se leva et se dirigea vers elle. Son visage était avenant quant à son sourire, il était à tomber. Il se présenta et se renseigna sur les raisons de sa venue. Elle lui expliqua son projet et c'est tout ouïe qu'il l'invita à prendre place.

Durant leur échange, Philippe ne pouvait s'empêcher d'admirer Aline. Grande, plutôt élancée, la peau hâlée, la jeune femme dégageait quelque chose de mystérieux. Son regard d'un bleu azur, intense et pénétrant était mis en valeur par la couleur ébène de ses cheveux.

Troublé, Philippe se concentra sur les formulaires à remplir. Après un quart d'heure, il ne lui restait plus qu'à fixer un rendez-vous, mais son agenda était déjà bien rempli, preuve de l'efficacité de l'agence. Toutefois, étant donné que sa cliente était disponible toute l'après-midi, il lui proposa de passer après sa visite de 15 heures.

En la saluant, il ne put s'empêcher d'admirer ses longues jambes galbées ainsi que la courbe de ses hanches. Oui, cette femme était une invitation à la tentation.

Aline sortit, rassurée et convaincue d'avoir fait le bon choix. Une fois installée au volant de sa voiture, elle rappela le bonhomme grassouillet afin d'annuler purement et simplement un éventuel partenariat.

Philippe se présenta comme convenu. Après avoir fait le tour de la propriété, et au regard des prestations qu'offrait l'appartement, il était confiant et avait déjà une idée sur de potentiels acheteurs, des acheteurs qui allaient avoir un impact indéniable sur la vie d'Aline.



Personnage du livre « Laissez-moi leur dire ! »

L'appel de l'éveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant