Two lakes

American evening

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Nour n'aimait pas la pluie, ni les longs bains, pas plus que la mer.

A chaque fois qu'elle contemplait l'eau taciturne, elle était prise d'un élan de tristesse qui n'était pas aussi libérateur qu'on pouvait le croire. L'eau, flux sempiternel, ramenait sur le rivage toutes les promesses oubliées. Ressasser n'était jamais bon.

Ainsi, à chaque fois que Nour se sentait seule, sans repère, sa sœur Lina apparaissait dans son esprit. Sa cadette se retrouvait dans les brouillards, derrière la page d'un livre, au détour d'une ruelle, dans le fond d'un bol vide, partout où son esprit s'égarait. Lina n'avait jamais été aussi vivante, le poids de sa présence si lourd, le fardeau de sa mémoire si présent, que lorsqu'elle était réduite en l'état de simple souvenir. Lina était simplement devenu le reflet bien tranquille que Nour avait toujours refuser de regarder.

— Ta sœur est morte ici. Maintenant que tu le sais tu peux tourner la page, quitter ton poste, et faire ton deuil décemment.

La pluie devint plus forte. Nour était déjà bien assez sale : transpiration, tâche de moteur, sauce du déjeuner, tout ce que vous voulez. Elle n'avait pas besoin d'être mouillée en plus.

— Je reconnais que je n'ai pas été très empathique envers toi. Je m'en excuse. Mais, tu méritais de connaître la vérité.

Sur ce, Léon baissa simplement la tête, résigné, alors que la pluie tombait en goutte légère.
Il n'était pas désolé, Nour en était persuadée. Car si elle l'observait bien la lueur de ses iris, elle n'en voyait que le reflet des vaguelettes. Aucune émotion ne venait troubler son expression taciturne gravée sur la moindre cellule de sa peau.

— Il y a deux lacs ici, ajouta-t-il après quelques minutes. Ce sont les lacs jumeaux d'Osvend.

— Je sais.

Sa voix lui parut plus rauque. Plus distante. Plus insensible.

— Oui, tu connais l'histoire que tout le monde pense connaître. Mais ces eaux sont très spéciales.

Léon ne savait pas si c'était la bonne chose à faire. Après tout, on ne parle pas d'Osvend. Mais, que pouvait-il faire d'autre face à la détresse de Nour ? Il lui devait bien ça. Un soupçon de vérité n'allait tuer personne.

— Si tu ne veux pas que je parle de ta sœur, très bien je comprends. Laisse-moi au moins te révéler autre chose pour compenser.

Nour ne lui répondit rien d'autre. Son regard était niché derrière un clapotis de vague qui tapait contre la coque de la barque.

— Les gens qui habitent Osvend sont eux aussi spéciaux dans leur genre. Ils ne prennent pas de douche - uniquement des bains. La plupart n'ont jamais enlevé la casquette de leur tête si tu regardes bien. Le plus étonnant ici, c'est que tu ne trouveras pratiquement aucune réponse à tous ses agissements étranges. Osvend est à part. (Il n'aurait pas mieux résumé la chose. Cependant, il ajouta non sans éprouver cette sensation de bouche sèche :). Et ses lacs sont pour quelque chose. On dit qu'une personne qui meurt dans le premier lac... voit un mort resurgir des eaux du second.