4ème Partie

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Sur tout le périmètre des tranchées, des centaines de soldats aux multiples uniformes s'alignaient autour des deux hommes.

Face à la plaine, personne n'osait bouger. Cet endroit avait déjà avalé beaucoup d'hommes isolés. Cependant tout semblait différent à présent.

Un vaste espace et des centaines de créatures, — voir davantage — rien ne pouvait inspirer plus de méfiance. Pourtant, les voix qui attiraient Albert et Édouard venaient bien de cet endroit.

Comme les autres, les deux soldats observaient sans bouger. Les voix résonnaient dans leur tête, mais ils restaient circonspects. Trop de monde, d'un seul coup, réuni au même endroit, au même moment, cela ne présageait rien de bon.

« C'est un piège », dit Albert en serrant les dents de frustration à l'idée d'être sans doute si proche du but.

« C'est une épreuve », répondit plus calmement Édouard, observant avec attention le voile d'où, il en était sûr, sortaient les voix.

« Il va falloir y aller. »

Albert perçut la détermination, mais également la crainte, dans les paroles de son compagnon. Il savait qu'il n'obtiendrait aucune réponse quant à la nature de ce lieu en demeurant immobile. Il n'était plus question de se laisser dominer par la peur.

Seuls tout d'abord, puis, ensemble, ils avaient affronté cet enfer. Ensemble, ils allaient trouver la réponse à leurs interrogations et s'en sortir.

« Je te dirais bien que c'est de la folie, mais ça n'aurait pas de sens dans un endroit pareil. On y va quand tu veux », répondit Albert, débarrassé de ses doutes.

Édouard acquiesça et observa sur les côtés, d'autres soldats se tenaient prêts, mais personne n'osait faire le premier pas.

« Eh ! Y a d'autres Français ? Ou alors vous parlez la langue ? Si vous me comprenez, il faut y aller ! Foncez tout droit à travers le brouillard ! Faites passer le mot ! »

Des réponses fusèrent de part et d'autre, mêlant différentes langues : français, anglais, allemand, et même certaines autres qu'Albert ne reconnut pas. Portugais ou italien peut-être. Il crut aussi reconnaître du russe.

« Décidément c'est le dernier salon à la mode ! » Édouard avait trouvé les mots justes.

Si une grande partie des intonations exprimaient la détermination, d'autres paroles laissaient transparaître une certaine crainte.

« On y va ? » demanda Albert.

Édouard se tenait prêt, mais sa respiration saccadée suggérait le contraire. Il se sentait flancher face à l'inéluctable. La peur, l'inconnu, l'incertitude, tout se mélangeait. Il avait l'impression de se trouver à la veille d'un assaut avec les mitrailleuses qui attendaient de les cueillir.

« J'en sais rien... je sais plus... »

Ses mains s'enfonçaient dans la terre humide. Parmi les autres soldats, le même sentiment commençait à se propager. Il fallait réagir.

Albert sentait qu'il devait prendre les choses en main. Lui, le jeunot, comme l'avait appelé Édouard. Il posa la main sur l'épaule de son compagnon.

« Hé, je suis à côté de toi. Peu importe ce qui nous attend.

- Tu n'as pas encore tout vu.

- Peut-être, mais pour l'instant on est là, et on a des lettres à poster. »

Édouard secoua la tête en souriant pendant qu'Albert lui tapotait vigoureusement l'épaule.

« Prêt ?

BOUEWhere stories live. Discover now