Chapitre 3

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-Attends ! Attends, Cathy, si j'ai bien compris, tu  as répété tout cela à Mylène, au téléphone, sans même réfléchir au mal que  ces commérages pourraient lui faire ?

L'interrogée fixait la pointe de ses bottes avec une expression soucieuse,  voire même, par instants, littéralement effrayée. Enfin au bout d'un moment, elle secoua la tête faisant signe que oui, sans pour autant lever les yeux que la visière de sa casquette recouvrait presque. Comme elle n'ouvrait même pas la bouche pour répondre à Lydia, dont visiblement elle évitait le regard, cette dernière repoussa machinalement sa tasse de café pleine.  Et le liquide brulant se renversa.

-Merde !!!

Alors Lydia explosa :

-Mais est-ce que tu te rends compte que cette nana a peut-être tout simplement voulu faire d'une pierre deux coups ?! Se venger de lui pour des raisons faciles à comprendre, et de Mylène par la même occasion ? La jalousie, ma grande, tout simplement !

Malgré ce froid sec, les rayons du soleil arrivaient à passer à travers les nuages, et les filles étaient assises en terrasse, face à l'église dont une neige légère recouvrait le clocher, tandis que le gris des pavés disparaissait peu à peu sous une fine couverture blanche. Un calme  étrange planait sur la place déserte du village. Dans son silence tourmenté, cette matinée de samedi aurait été presque belle, si les filles n'avaient pas été si gelées... si fatiguées d'avoir roulé une partie de la nuit...  et surtout aussi inquiètes.

Lydia épongeait le café renversé avec des kleenex, quand une petite voix contrite se fit entendre. Cathy toussota pour tenter d'en dissimuler  les tremblements.

-Tu sais, moi sur le coup, j'ai cru bien faire. Mylène, je n'allais quand même pas lui mentir ! Aussi. j'pensais qu'elle zapperait plus facilement ce mec, en apprenant tout ça. D'ailleurs, elle en a bien rigolé.

-Jaune, si tu veux mon avis. La preuve : depuis elle ne répond plus au téléphone, et plus personne n'a eu de nouvelles d'elle.

-Je sais, Lydia, je sais, fit Cathy en reniflant.

C'est clair que Cathy avait mal pour Mylène. Mais en même temps, elle essayait de se consoler dans la pensée que, celui que Mylène pleurait peut-être encore aujourd'hui, mais finirait bien par haïr un jour au l'autre... ce sinistre connard auquel, son amie ne pourrait jamais accorder de pardon –du moins il fallait l'espérer... n'était qu'un cynique salaud, qui s'la jouait romantique, certes, mais un salaud quand même. Et de la pire espèce encore !

L'odeur des feux de cheminée flottait dans l'air pur, et Cathy se plut à imaginer Mylène en train de boire son premier café de la journée, à la fois rêveuse et sereine, face à la joyeuse lumière des flammes d'un bon feu de bois.

Sauf que dans la cheminée, chez Mylène, le feu était éteint depuis plusieurs jours déjà, et que Mylène allongée sur le carrelage froid recouvrait à peine ses esprits. Simplement un calme étrange l'avait envahie. Un peu comme si son cerveau avait disjoncté.... Comme si au-delà d'un certain seuil de souffrance, le circuit intellectuel se mettait automatiquement en black out. Un moyen qu'aurait trouvé le psychisme pour surmonter de tels chocs ?

Le salaud romantiqueWhere stories live. Discover now