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Son sandwich était terminé. Elle accordait trop d'importance à tout cela. Elle se devait de faire le point. Elle se fichait bien maintenant de ce que son père pensait. Quelque chose s'était brisé en elle. Le lien fragile qu'ils avaient entretenu toute leur vie s'était arraché de son coeur.

Elle ne ressentait plus rien sauf de la colère à son égard. Elle avait passé son anniversaire avec lui toutes ces années. Comment avait-il pu oublier cette date ? Elle fut secouée d'un sanglot à cette pensée. Elle n'était donc rien à ses yeux ? Même à l'approche de ses dix-huit ans, la petite fille qu'elle avait été était toujours là, tapie au fond d'elle même, blessée par cet affront.

Elle retourna à sa chambre, tel un automate et s'endormit une nouvelle fois.

Lorsqu'elle s'éveilla à nouveau, l'air frais de la nuit lui chatouillait les jambes. Elle se leva en maugréant. La maison était calme, mais il devait être tard. Et quelque chose la frappa, allait-elle passer toutes ses vacances ainsi, à éviter tout le monde ?

Elle s'était imaginé de chouettes vacances où son père l'aurait emmené voir des choses sympas du coin. Néanmoins, il était maintenant trop occupé avec sa nouvelle vie. Elle se sentait de trop. Comment pouvait-elle faire partie de cette famille?

Elle attrapa son téléphone et elle grogna en se rendant compte qu'il s'était éteint. Elle souffla d'amertume et se laissa tomber dans son lit. Que pouvait-elle faire pour se sentir mieux ?

Elle resta un moment allongée, à écouter les bruits rassurants de la nuit par sa baie vitrée ouverte et observer les ombres qui dansaient contre son plafond. Un long moment plus tard, elle se leva et décida de descendre au salon en passant par la cuisine pour se préparer un en-cas rapide. Elle n'était pas grande cuisinière et n'avait aucune patience pour cet art.

Un casse-croûte au jambon en main, une bouteille d'eau de l'autre, elle se dirigea vers le canapé et s'empara de la télécommande. Elle zappa quelques chaînes inintéressantes en mordant dans son sandwich lorsqu'elle entendit un bruit dans les escaliers. Elle se retourna lentement et attendit, la bouche encore pleine.

Une silhouette sombre s'était immobilisée dans l'entrée. Elle pria pour que ce ne soit pas son père. Puis un instant plus tard, la lumière de la télévision éclairait Jo qui s'avançait vers elle, les cheveux ébouriffés et un short comme pyjama. Elle se détourna en s'interdisant de contempler son corps hâlé.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Il s'approcha une main dans les cheveux qui les emmêlaient encore plus. Elle mordit une fois de plus dans son sandwich et évita son regard. C'est la bouche pleine qu'elle répondit :

— Ça s'voit pas ?

Il inclina sa tête sur le côté et haussa les épaules, puis se laissa tomber lourdement sur le canapé comme une masse. Un instant passa et Lorey put l'entendre souffler d'agacement.

— Combien de temps ça va te prendre pour être poli avec moi? siffla-t-il d'une voix irritée.

Elle ne savait que répondre à cela alors elle garda le silence, les yeux rivés sur l'écran. Elle ne l'avait pas invité à se pointer alors de quoi se plaignait-il?

— Je te croyais plus sympa que ça en écoutant ton père parler de toi. J'avais hâte de te rencontrer et pour être franc avec toi, tu m'as plu tout de suite. Mais maintenant, je me rends compte que ton père se trompait sur toi. Tu es quelqu'un d'égoïste.

Sur ces derniers mots, il se leva et lui décocha un regard dégoûté.

— Et à cause de toi, ma mère n'arrête pas de dire à ton père que ce serait mieux d'annuler leur mariage. Parce que madame ne sait pas penser autrement que par elle. Et ce n'était pas la peine de te mettre dans un état pareil pour attirer l'attention, je pense pas que tu en vailles la peine.

Il pointa un doigt sur son visage tuméfié d'un air évident en levant les sourcils.

Et puis, sans un autre regard, il s'éclipsa. Elle était tellement abasourdie qu'elle n'avait su que répondre. Égoïste, elle ?

Elle n'avait rien demandé et surtout pas d'entendre ces mots. Elle avala difficilement la bouchée et posa son sandwich. On avait le droit d'être égoïste le jour de son anniversaire, en un sens, non ?

Elle grogna de colère. Elle n'en avait rien à faire de toute façon. Ce n'était pas ce petit bonhomme qui allait lui faire sa leçon. Il n'était rien pour elle.

Quelques minutes plus tard, le temps de se reprendre contenance. Elle éteignit la télé, ça aussi c'était une technologie ennuyeuse. Puis, elle se pressa de remonter dans sa chambre. La gorge quelque peu nouée malgré elle.

L'attaque de Jo lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Comment était-il possible qu'il ait une image si fausse d'elle? Elle se remémora les brefs instants qu'ils avaient partagés. Il n'y avait rien qui puisse prévoir de telles paroles.

Certes, elle reconnaissait n'avoir pas été très sociale avec lui depuis le début. Le rencontrer, lui et sa mère avaient été un choc. Sinon, ce pourrait être la forte envie de voir leurs parents se marier, peu importe la date. Pouvait-il se rendre compte du sacrilège que son père avait commis ? Il n'en avait pas l'air. Alors, qui était l'égoïste dans l'histoire ?

Elle secoua la tête et fit une grimace lorsqu'elle arriva devant la porte de Jo. Elle eut soudain l'envie de la défoncer pour lui prouver à quel point il avait tort, mais se retint.

Elle s'en sentait incapable, il n'y avait rien à lui prouver, à lui ou à qui que ce soit. Elle était à bout de force, autant moralement, que physiquement. Comme si ça lui plaisait de s'être fait tabasser, elle n'était pas maso ! S'il voulait rester dans l'ignorance, c'était lui que ça regardait.

Elle s'enferma dans sa chambre et souffla d'amertume. Puis se dirigea vers sa baie vitrée encore ouverte. Les ombres de la nuit l'apaisèrent. Le sifflement que faisait le vent entre les branches des arbres lui fit oublier quelques instants sa vie peu joyeuse.

Elle respira un moment la fraîcheur bienvenue. Puis lorsque la chair de poule apparue sur sa peau, elle se coucha et s'endormit en quelques secondes, épuisée.

Tatouage de Sang - Malédiction. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant