Chapitre 4

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"Le secret de la réussite est la constance de l'objectif" - Honoré de Balzac.

Paris, 1733

— Ecoute-moi, tu vas faire tout ce que je te dirai de faire, c'est compris ?

Les yeux vert noisette de Pierre-Jean me sondaient. Sa main était posée sur mon épaule et ses lèvres ourlées de petit garçon se plissaient légèrement pour prendre un air sérieux.

— Mais oui, je te promets, je ne vais pas te causer d'ennuis, soufflai-je.

Ses amis de la rue avaient guetté les moindres faits et gestes de la dame dans le but d'étudier ses déplacements à elle et à ses gents. Et aujourd'hui, elle était partie. Le champ était libre pour au moins une bonne heure.

— Tu te souviens, tu effectues les mêmes mouvements que moi et surtout, pas un bruit !

Il me fit signe de le suivre dans une ruelle. La nuit était tombée depuis un moment mais les rues de Paris n'étaient pas calmes pour autant. Des glapissements de femmes retentissaient dans le quartier d'à côté, mêlé aux rires des hommes de la taverne d'en face.

Depuis quelques temps, je fuyais ma maison et ma mère qui m'avait fait revenir du couvent uniquement pour servir ses intérêt domestique. J'avais rencontré Pierre-Jean et ce dernier était devenu mon ami, mon pilier, mon rempart. Je le rejoignais dans les rues de Chaville et nous nous amusions, mais cette fois, nous avions décidé de partir à Paris. Je voulais lui démontrer que j'étais capable. Je voulais me libérer de ce point que je portais, tout faire pour oublier cette peine qui arrachait mon cœur chaque minute de ma vie depuis un mois.

Nous passâmes en dessous une grille et progressâmes à plat ventre dans des herbes hautes jusqu'à atteindre la façade. Mon ami scruta les alentours puis se décida à monter. Je répétai ses gestes, posant mon pied à l'emplacement du sien. L'adrénaline chatouillait mon bas ventre. J'adorais ce sentiment. Nous allions voler son or et le revendre pour en faire profiter les plus démunis. Nous combattions pour la justice et en étions fière. Mes mains accrochèrent une brique puis mes pieds se posèrent sur une bordure. Dos plaqués, nous progressâmes jusqu'à nous immiscer par une fenêtre qui était restée ouverte.

Je sautai à l'intérieur d'une pièce sombre.

— Reste là, je reviens, ordonna mon ami.

J'entendis ses pas discrets s'évanouirent au fil de sa progression. Mon cœur frappait ma poitrine à toute allure et mes jambes frétillaient sur place. Nous étions dans un endroit interdit, nous risquions la prison si on nous découvrait et c'était cela qui m'exaltait. Je vivais chaque seconde, portant mon attention sur le moment présent et c'était cela qui me faisait oublier le temps d'un instant la mort de mon père. Les nuages s'estompèrent et la lumière de la lune s'invita dans la pièce, reflétant l'éclat d'un chandelier à pied. Des pampilles de verre et de cristal pendaient à ses branches en argent. J'approchai mon index du verre finement sculpté et le bijou percuta un autre et se mit à tinter d'un joli son de clochette. Un rire émerveillé franchit la barre de mes lèvres. Moi qui pensais que nous vivions ma mère et moi, dans le luxe absolu, finalement, je n'avais encore rien vu.

Des bruits de pas frappèrent le sol.

— Viens ici, chenapan ! a la garde ! hurla un homme au loin.

Je sursautai et me précipitai vers la fenêtre pour m'enfuir. Pierre Jean me rejoignit, un sourire amusé aux lèvres et une pièce d'argenterie sous le bras. Nous nous hâtâmes de redescendre le mur. Nous sautâmes dans l'herbe en même temps puis courûmes, à grandes enjambées. Un rire euphorique jaillit de ma poitrine.

Le secret du lysWhere stories live. Discover now