Glacial - Rin

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J'ai froid. Sans préavis un courant glacé a remplacé mon sang. Les tremblements commencent avec ma main droite et je sens mes yeux devenir lourd de larmes. Un mot une interaction et je serais pitoyable. Mon esprit se trouble, je ne pense plus qu'à comment m'échapper, fuir, que personne ne me voie dans cet état. Précipitamment je me lève. Evitant les regards je lâche un " excusez-moi " : c'était mes derniers mots, ma voie se brise dans le vide qui suis le son, avant de partir aussi vite que les apparences me le permettent.

" Que personne ne m'aperçoive, que personne ne me voie. Ignorez-moi, ne me regardez pas. Plus que quelques mètres ! "

Enfin mon salut vient et la porte des toilettes se referme derrière moi. Je finis ma course devant le lavabo. Mon corps tout entier est secoué de spasme. J'ai froid, mortellement froid. Le radiateur à beau réchauffer mon épiderme, le courant givré à envahit mon corps. Mon estomac et mon cœur ne sont plus que prisonniers de la toundra qui me ravage.
Un regard au miroir me surplombant et tout est fini. Mes yeux explosent leur contenu refoulé et mon souffle déjà désordonné devient chaos absolu. J'étouffe, je gèle, je souffre.

Fragilité.

La crise est à son paroxysme, je n'arrive plus à penser à rien d'autre que la morsure cruelle qui me parcourt. Je ne vois plus rien, mes jambes me lâchent pendant que seuls mes bras me retiennent encore un tant soit peu debout. Mon hyperventilation est secouée de hoquet et j'ai froid, froid, froid !

Un râle échappe à l'horreur de ma respiration et de mes sanglots. Il n'a plus rien d'humain, il n'est que douleur. Mais il me permet de retrouver une infime instant de lucidité. Je. Doit. Me. Calmer.

Inspire. Bloque. Expire. Bloque. Je compte mes temps. Carré de respiration.

- Reste calme. Tu es forte. Respire.

Ma gorge serrée répète ce mantra. Je me redresse. Impossible de rester ici plus longtemps. C'est un miracle que personne ne soit entré pour l'instant. Je dois récupérer mon sac à main et rentrer chez moi. Sauf qu'il est resté sur mon siège avec mon blouson et mes clés. Et je ne veux pas y retourner.

Et si je sortais et demandais à quelqu'un du restaurant de récupérer mes affaires ? " Mademoiselle ne se sent pas bien et m'a priée de prendre ses affaires pour qu'elle puisse rentrer se reposer. " Ça passe, et je n'ai surtout pas beaucoup d'autre options.

Je déteste me sentir faible et plus encore montrer cette faiblesse. Je ne devrais pas, il n'y a pas de mal, mais c'est mon défaut et ma qualité : ma fierté, plutôt mal placée. C'est elle qui m'aide à rester forte, ou du moins à me convaincre que je le suis. Mais c'est aussi elle qui m'empêche d'appeler à l'aide.

Si je cache mes mains mon corps paraîtra presque normal, il faudrait que je me débarrasse de mes yeux gonflés et tachés de maquillage mais je ne peux pas y faire grand-chose. Tant pis, quitte à ne pas être crue je pourrais prétexter un cil enquiquineur. Un dernier grand bol d'air et je retourne dans l'arène

Immédiatement une bouffée d'air chaud m'assaille. Très, très vite douchée par deux sphères bleues, qui me fige, me détruise m'achève. Après mon corps, s'est à mon mental de s'effondrer.

Je bégaie, plus que sévèrement. Mon cerveau vient d'imploser. La suite des évènements passe comme un cauchemar, horrible film. Les larmes que je pensais taries sont doucement déversées par mes orbites vides d'émotion. Le choc de trop.

Son masque monochrome s'effiloche une seconde : surprise. Il laisse échapper un mot qui tombe sourd à mon oreille, puis amorce un mouvement vers moi. Et alors, je pars en roue libre.

Ôde Rose - Recueil d'OSWhere stories live. Discover now