mist

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Le ciel se déforme, la nuit avale les vagues venues lécher le rivage. Le rire des truands et leurs voix rauques cassées d'injures, animent le port. Les embarcations flottent sur l'eau, le pont grince sous les bottes des marins. Les vagues provenant du large s'échouent sur la coque des bateaux amarrés là, de la frégate aux grandioses brigantins. Les drapeaux des mercenaires, à peine visible dans l'épais brouillard, volent, hachés par le vent et l'écume. L'île repose sur l'eau grâce à des pilotis enfoncés dans les profondeurs et la brume camoufle les lieux. Elle est plongée dans une accalmie rare, à n'en plus distinguer l'horizon.

L'odeur du poisson grillé et du tabac harcèlent les allées marchandes. Chacun cherche à prouver sa fortune, exhibant fièrement leurs dents en or, incrustées de diamants. Des coûteux manteaux en fourrure aux étoffes valant une somme étourdissante, tous défilent fièrement. Quant à d'autres, toutefois plus mystérieux, ils font tournoyer leur long vêtement, de là qu'on puisse apercevoir en scrutant leur mouvement, les poignards menaçants à leur ceinture. Les éloges pleuvent, les bourses tintent, ici sur la place où les négociations résonnent.

Le bois grimace sous le poids des tonneaux poussés négligemment dans la cale. Une bouteille à la main, les pirates se pavanent, ricanant des insultes grossières. Tandis que d'autres s'affairent à décharger les vivres et autres cargaisons, certains, escrocs jusqu'à subtiliser aux passants les piécettes dans leurs poches, s'amusent à décharger leur butin, sur les planches du navire, parmi les nœuds et cordages trainant sur le sol. Quelques unes roulent pour se coincer entre les lattes et on entend l'alcool passer de mains en mains.


L'équipage venant d'accoster, impose le respect à leur façon. Leur attitude farouche leur vaut des œillades et suscite la curiosité de tous. Pieds nus, des bijoux tressés dans leur chevelure, si ce n'est des perles ou quelques autres ornements, ils ravissent de leur excentricité.

Leurs habits quant à eux, jouissent des tissus les plus élégants. L'un deux dont la jupe qui, fendue de moitié, révèle une rapière à sa ceinture, porte un corset brodé de motifs et d'arabesques. Et bien que la praticité de celle-ci puisse faire douter certains, ils sont bien vite dissuadés de tenter un quelconque combat. 

Un bustier en cuir ouvert sur la chute de ses reins, une silhouette svelte au chignon brouillon trottine derrière son compagnon, tirant comme un enfant sur sa pélerine lacée au niveau de la poitrine, laissant entrevoir son haut en velours.

Les dépassant d'une tête, un autre porte une camisole noire qui cède au niveau de sa taille à un vêtement pourpre dont la couture faillit ensuite en un textile plus léger, formant un pli opalescent jusque dans son dos. À ses côtés, paré d'un chemisier échancré à la naissance de ses clavicules, l'un deux séduit de son sourire timide et de sa tignasse blonde. 

Le dernier marche en retrait, le goût de la bile encore sur la langue le faisant grimacer alors qu'il se hâte d'atteindre l'archipel. Il est soutenu par un brunet qui, habillé plus nonchalamment, s'avance les manches retroussées, une veste suspendue à son épaule.


Diverses créatures se plaisent ici et pourtant, il n'y a que peu d'havres de paix se profilant ainsi, dans le partage des cultures. Les criminels ne sont plus rien que des humains, dépouillés de leur réputation. Tout un chacun, de quelconques races soient-ils, échangent comme si les différences n'étaient plus. Et les étrangers à ce paradis cosmopolite perdent plus que des sommes sonnantes d'escudos, ils perdent à connaitre la sympathie des hommes-tentacules, des sirènes et des marins.

Ils ne resteront pas là longtemps, juste assez pour prendre du bon temps, boire et fumer avec d'autres racailles de leur genre. Les lanternes provenant du village brûlent et seuls de fébriles éclats de lumière se jettent à corps perdus dans l'océan. Les hostiles piaillements des mouettes et la forte brise gonflant les voiles, rompent l'obscurité et son presque silence.

Car si certains soirs lorsque tout est trop sombre et que la terreur s'immisce dans les bars, quelques uns racontent leurs exploits pour couvrir les bourrasques du vent. Aujourd'hui, ce sont les chansons s'échappant des auberges qui font frémir les navires et voiliers. 

Les flibustiers chantent à tue-tête dans ces petites échoppes. On entend taper du pied, monter sur les table, s'entrechoquer les bouteilles alors que les rires forts et les instruments d'artistes de passage forment un capharnaüm de voix et de mélodies pêle-mêle. 

Le violon sous le coude, hué par ceux qui manquent de musique dans l'immensité de l'océan, Yeosang glisse son archet et bientôt accompagné d'acclamations, laisse choir l'éternité à la fenêtre des tavernes.

Tous cessent de rêver à amasser les plus grandes richesses et prestiges, ils ne pensent plus à se battre et à survivre coûte que coûte et leurs ombres derrière les lucarnes s'amusent à de drôles de danses. Les mouvements sont ivres, les sourires maladroits, ils se marche sur le pied et se bousculent, comme les corps à la dérive qu'ils deviennent dans l'immortalité de la nuit.




𝓞𝐕𝐄𝐑 𝐓𝐇𝐄 𝐇𝐎𝐑𝐈𝐙𝐎𝐍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant