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Les jours passèrent. Lorey resta à l'intérieur de la maison, quelque peu déprimée. Elle ne se sentait pas de se mêler aux autres. Ses vacances rêvées n'étaient pas ce qu'elle avait pu imaginer. Ces derniers jours, elle était redescendue de son petit nuage euphorique des premières heures.

Elle avait bien tenté de s'allonger sur un transat dans le jardin, mais elle pouvait sentir le lourd regard des voisins ou des passants à pied. Un coin tranquille. C'est tout ce qu'elle demandait.

Tout le monde travaillait sans arrêt et lorsque l'un d'eux était en jour de repos, elle l'évitait au maximum, restant dans sa chambre en prétextant lire un livre.

Toutefois, elle sentait que personne n'était dupe de son mal-être et qu'ils parlaient d'elle dans son dos. Quand elle voyait le regard inquiet d'Estelle, elle savait déjà que la confrontation n'était plus très loin.

Cette après-midi là, seule dans la maison, elle s'était installée sur son petit balcon. Elle avait réussi à monter un transat qu'elle installa face au soleil. Ainsi elle pouvait avoir l'illusion d'être installée à la plage. Elle avait assez d'imagination pour se réfugier dans ses rêves éveillés.

Son téléphone sonna soudain. Un appel. Son corps se réchauffait sous le soleil et elle était moite, mais tellement amorphe qu'elle ne pût se décider à bouger pour faire taire l'engin du diable ou le laisser hurler.

Finalement, avant qu'elle ne bouge le petit doigt, l'engin se tut subitement. Mais elle ne put revenir à la contemplation de son rêve éveillé. Elle souffla de résignation et se leva mollement pour se diriger vers la salle de bain sans un regard pour son téléphone.

Au moment où elle entra dans la salle de bain, elle entendit la porte d'entrée claquer, elle n'avait même pas entendu la voiture se garer. Elle s'enferma et prit une douche. Lorsqu'elle fut propre et habillée, elle attrapa son téléphone pour vérifier qui avait téléphoné. Sandra, sa meilleure amie s'inquiétait pour elle, car elle était sans nouvelle. Sa mère avait dû insister auprès d'elle aussi. Quand est-ce qu'elle allait enfin la lâcher ? Et quelle amie elle faisait depuis quelques jours...

Lorey reposa le téléphone. Son amie lui manquait, un peu. Mais, elle n'avait pas la force d'expliquer un mal-être qu'elle avait elle-même du mal à comprendre. C'était peut-être le changement d'air ? Elle n'était pas aussi sombre d'habitude.

Elle voulut refermer la porte de sa chambre, mais elle entendit des voix qui chuchotaient. Elle se tapa la main mentalement tandis qu'elle s'avançait à pas feutrés dans le couloir. Elle n'aimait pas forcément écouter aux portes, mais ces derniers temps elle vivait dans un monde complètement décalé de ce qu'elle avait été habitué, trop en retrait des autres. Sans aucun doute, elle avait grandement besoin de savoir ce qu'il se passait ailleurs que dans sa propre tête.

Elle s'adossa au mur, silencieuse, la respiration coupée et tendit l'oreille non loin de la porte de la chambre des parents, à demi fermée.

— Je reste sur mon point de vue, Jean. Tu dois lui dire, voyons.

— Je sais, mais c'est tellement stupide. Elle va me détester, c'est sûr.

— C'est ta fille. Prends tes responsabilités avec elle enfin. Plus les jours passent et plus ce sera compliqué.

Le coeur de Lorey rata un battement. On parlait d'elle, c'était sur. Elle s'arrêta de respirer et s'approcha d'un peu plus près.

— Je sais. Je suis qu'un idiot, j'arrive pas a m'y résoudre c'est tout.

— Je vais pas te tenir la main cette fois-ci. C'est toi qui as fait cette énorme erreur. Fais quelque chose, bon sang.

Ils avaient décidé quoi sur son sort ? Avaient-ils décidé de l'écarter de leur vie ? Son père lui avait-il acheté un appartement qui allait avec les clefs de sa voiture ?

Lorey n'en pouvait plus, elle poussa la porte et découvrit son père assis sur le lit et Estelle debout face à lui. Elle allait l'aider à lui dire ce qu'il devait lui dire. Les gonds de la porte grincèrent et ils se tournèrent vers elle, surpris de la voir arriver là, le regard suspect.

— Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Vous parlez de moi ...

— Oh ma puce ... murmura son père sur un ton dépité, les yeux mouillés d'angoisse.

Estelle quant à elle sembla se réjouir de la situation. Elle tapota l'épaule de son père pour l'encourager et quitta la pièce promptement.

— Viens par là s'il te plaît.

Soudain, Lorey se sentit mal à l'aise. Elle fronça les sourcils en s'approchant à petits pas. Cette scène semblait trop sérieuse pour être réaliste.

— Veux-tu t'asseoir ?

Il tapota le lit à côté de lui, mais Lorey déclina l'invitation en secouant la tête.

— J'me suis pas assise à côté de toi de cette manière depuis l'âge de cinq ans papa. Je suis plus une petite fille. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Il croisa et décroisa ses doigts d'une manière peu habituelle. Et ses yeux la fuyaient. C'était quelque chose de grave, à présent elle en était certaine. Son coeur se mit à battre plus vite à cette pensée et elle eut la soudaine envie de le presser. Mais ses lèvres restèrent closes.

— C'est vrai, le temps passe si vite. On se rend pas compte jusqu'à ce qu'on finisse par s'arrêter pour regarder derrière soi. Ma chérie je suis tellement désolé. J'ai manqué tellement de choses dans ta vie.

— Papa, s'il te plaît arrête avec ça. Qu'est-ce qui t'arrive ? T'es plus le même.

Elle ne voulait pas dire ça. C'était une pensée trop personnelle et elle savait que ce genre de conversation mènerait aux sentiments paternels. L'amour paternel. Ce n'était pas évident de dire des mots d'amour à son père lorsqu'on n'a jamais été habitué à ça. Et elle eut l'impression qu'il voulait rattraper un temps perdu à jamais.

— Je sais. J'ai changé. Depuis qu'Estelle est entrée dans ma vie, elle me montre une façon bien différente de vivre. Sa façon me plaît beaucoup. Elle est juste et elle est logique. Elle m'a ramené sur le bon chemin.

Lorey resta silencieuse. Elle n'avait pas besoin d'entendre ça et elle n'allait pas alimenter cette conversation en ce sens. Elle était déjà bien assez mal dans ses chaussettes.

— Je suis tombé amoureux d'elle très vite. Je sais, ça m'arrive tout le temps. Mais pas cette fois. Ce n'était pas pareil. J'ai su, tout d'un coup que c'était avec elle que je voulais passer ma vie.

Lorey croisa les bras. Qu'est-ce que ça avait à voir avec elle ?

— Je l'ai alors demandé en mariage, il y a plusieurs semaines...

Lorey leva les sourcils. Réellement surprise. Son père se remariait ? Décidément, les bras lui tombaient. Sa bouche s'ouvrit de stupéfaction. C'était malgré tout une bonne nouvelle pour lui. Mais elle n'arrivait pas à croire qu'il ne lui avait rien dit, qu'il ne l'avait pas préparé a un tel changement. C'était quelque chose d'un peu égoïste de sa part.

— Le problème c'est... sur le coup je m'en suis pas rendu compte, car je suis stupide. Mais Estelle m'a fait remarquer que... la date de la cérémonie était celle de ton anniversaire...

Tatouage de Sang - Malédiction. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant