C'est mieux ainsi, je ne dois avoir aucun scrupule à l'amener au grand Consul. C'est important, il est le seul avec son fils à m'avoir accordé sa confiance. Ce n'est pas mon stupide père qui aurait un jour cru en mes capacités de chasseuse de prime. Ma mère me vouait un avenir plus prometteur que ce qu'il avait imaginé.
Elle aimait tirer les lames en cachette dans le domaine familial, c'est son jeu que j'ai récupéré sur son lit de mort, tout type de spiritualité ou magie est proscrit à Thanoc. Cela attire le mauvais œil, il paraît. Peut-être que c'est cela qui a causé sa perte. Pourtant, je sens que j'ai besoin de faire appel à mon oracle pour trouver ma voie.
— On va dormir ici, annonce Cad.
Le son de sa voix m'effraie, j'en avais oublié les notes. Il ne communiquait plus que par onomatopée ces derniers temps. Il indique un renfoncement, une butte naturelle qui nous permettra d'avoir un lit de fortune. J'ai mal au dos à force, j'ai observé et imité Cad pour créer ma propre couchette.
Un peu de branches, des feuilles et de l'huile de coude et on se croirait dans une auberge luxueuse. Je dois amèrement reconnaître que ma survie dans la forêt dépend de ses capacités.
Je tente une oeillade vers le Voleur, en vain. Même Pam m'ignore royalement, je n'ai fait que lui broyer la queue, ce n'est pas un drame et il l'a bien cherché. Comme depuis bientôt une semaine, j'amène ce qu'il faut pour dormir quelques heures.
La fatigue mentale a gagné du terrain alors que celle physique était là depuis le premier jour. Plusieurs fois il m'arrive de pleurer au réveil, j'aimerais me trouver dans un autre endroit que celui-ci. J'ai faim, j'ai soif et je n'ai même plus de force pour me rouler en boule au sol et hurler mon désarroi. À la place, je me pose contre un arbre, prenant garde à ne pas me faire empoisonner.
Cad est en train d'allumer un feu, il fait toujours si froid, la nuit tombée. J'observe les arabesques des flammes, le reflet orangé qui s'imprègnent dans sa chevelure sauvage et sur son visage éreinté. Des cernes se sont logés sous ses yeux clairs, je dois avoir grise mine aussi.
Il mélange les braises, lentement. J'observe chacun de ses gestes, la bouche sèche, la gorge nouée. Son ombre s'étend au sol à mesure que le feu prend de l'ampleur. Je détaille les formes, quand elles se déplacent, comme si elles n'appartenaient plus à Cad. Deux hauts bois se dessinent et je reconnais là la tête d'un majestueux cerf.
— Tu as vu ? demandé-je la voix rauque.
Cad se tourne et la silhouette animale disparaît aussitôt. Le Voleur m'observe sans ciller puis son regard se pose sur sa besace éventrée plus loin. L'ouverture s'agite et Pam en ressort un biscuit dans la gueule avant de s'enfuir pour le manger plus loin.
— Pamnou ! grogne-t-il.
Nous n'avons plus de vivres, nous nous nourrissons des végétaux, des racines et beaucoup m'ont donné des crampes d'estomac. Cad se pose au sol, exaspéré par la situation. Finalement, nous allons peut-être mourir sans qu'aucun de nous n'apporte l'Orbe à ses acheteurs.
Il pose ses avant-bras sur ses jambes repliées, examinant le lointain en fronçant les sourcils.
— On s'en sortira pas comme ça, déclare Cad.
— On finira par sortir d'ici.
Il rigole dédaigneusement.
— On tourne en rond sur dix kilomètres, j'espère que tu l'avais remarqué à force de changer de direction à chaque croisement.
J'accuse la remarque sans broncher. Je reconnais que je n'ai aucun talent pour l'orientation. Cad étire ses jambes et extirpe la moitié de son Orbe de sa poche.
— J'ai un accord à te proposer, Laé.
Qu'il prononce mon prénom pour la première fois fait bondir mon cœur. J'arque les sourcils en guise de réponse. Il examine l'objet pendant de longues secondes avant de reprendre :
— Tu souhaites ramener l'Orbe au Consul ? Sa valeur monétaire chutera drastiquement s'il est brisé. Je connais quelqu'un qui peut le réparer, en contrepartie tu me laisses repartir et tu ne pars plus jamais à ma recherche.
J'ai un drôle de pincement à la poitrine, je suis trop fatiguée pour me rebeller ou élaborer un plan pour contre-attaquer. Si j'amène au moins l'Orbe dans son entièreté, le Consul me pardonnera et on enverra simplement des chasseurs plus expérimentés à la poursuite de Cad.
— C'est d'accord, concédé-je en jouant avec mes doigts, mon regard perdu sur la danse du feu.
— Tu ne pensais quand même pas ramener le grand et valeureux Écureuil Noir à Thanoc !
Malgré la remarque, je souris faiblement. Il a toujours un humour agaçant et provocant.
•••
Hello, hello, voici un. nouveau chapitre et une nouvelle balade en foret ! En espérant que vous avez apprécié votre lecture.
Hedgye & Marie
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L'Orbe du Cerf
FantasyDes rumeurs courent par delà les terres d'Amanil, racontant que l'Écureuil Noir, l'un des plus célèbres voleurs du pays, est parti à la recherche de l'Orbe du Cerf. Un objet mystique qui alimente les légendes de la sombre forêt de Doemort. Laérra es...
Chapitre 9 • L'oracle
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