Chapitre 9 • L'oracle

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Laérra 

Le monde tourne inlassablement autour de moi durant plusieurs minutes. Par réflexe, je tape ma besace, je sens mon oracle et la moitié de l'Orbe contre l'épais tissu. Je lâche un soupir de soulagement. Mon cœur tambourine dans ma poitrine au point que cela en devient douloureux. Une brûlure se niche dans ma cuisse et remonte jusque dans mon abdomen, je ne prends pourtant pas la peine d'observer ma plaie. Mes yeux sont rivés sur l'animal qui vient de débouler à vive allure, il file si vite que j'ai l'impression d'avoir rêvé.

Majestueux, ses hauts bois fendant le ciel la gueule en avant, le cerf a disparu aussi vite qu'il n'est apparu à l'extérieur du tunnel. Je m'élance à sa poursuite, mais mes pieds ripent sur les restes de végétation et os en décomposition. Ma blessure m'empêche d'aller plus loin et la faible lueur du jour m'éblouit.

Quand je plisse les yeux, le seul mammifère que j'aperçois c'est cette sale bête qui nous a mis dans ce pétrin. Son maître débarque à notre hauteur en trottinant. Des brindilles et feuilles mortes se sont accrochées à sa chevelure sauvage, les boucles ont perdu de leur brillance et il ressemble plus à un chien mouillé qu'à un criminel redoutable.

Il ne dit rien, mais je comprends à son regard noir qu'il n'en pense pas moins. Je hausse les épaules, détournant le regard vers le fond de la forêt. Elle paraît encore plus lugubre que tout ce que nous avons traversé : une brise glacée siffle entre les branches démunies de feuillages et on pourrait entendre les trompettes de la mort.

J'inspire plus fort, serrant l'anse de mon carquois, mes mains deviennent moites à mesure que je détaille le paysage devant nous.

— Bah alors, on a peur, provoque le Voleur en plaçant ses mains contre la hanche pour imiter une poule.

— Il y avait un cerf, rétorqué-je fermement en tentant de masquer le tremblement dans ma gorge.

Cad arque un sourcil, il m'observe et s'il continue à sourire ainsi, je vais lui arracher la bouche à l'aide d'une racine.

— Un cerf ? Ta boite crânienne était vide avant la chute pour qu'elle se remplisse de poussières.

Je pince mes lèvres, expirant l'air par le nez.

— Je sais ce que j'ai vu, le Voleur.

Il marque un temps de pause, examine le lointain obscur, scrute son animal de pacotille avant de m'observer à nouveau.

— Tss, qu'est-ce qu'on vous raconte à Thanoc ? Les gens de la ville m'impressionneront toujours pour leur crédulité.

— On voit bien que tu ne viens pas de la ville des sciences, tu es aussi civilisé qu'un porc.

— Les cochons sont très malins, rétorque-t-il aussitôt.

Je souffle et lève les yeux au ciel bien qu'on distingue à peine les rayons du soleil. En temps normal, je me repère à la mousse des arbres pour retrouver le nord du sud. Avec ce peu de clarté, aucun végétal ne pousse. Ce n'est qu'un cimetière d'arbres hurlant à l'agonie. Leurs dernières heures et cela durent depuis des décennies. C'est ce qu'on nous enseigne à Thanoc, Doemort est un endroit dangereux où la vie a cédé sa place depuis bien longtemps. Un bruissement dans une haie jaunâtre me hérisse le poil.

J'aperçois la sale bête s'en extirper, des brindilles coincées dans son touffu pelage. Le Voleur laisse échapper un soupir ce qui m'arrache un sourire. Renfrogné Cad tape du pied et indique l'unique sentier devant nous.

— Après toi, la Chasseuse. La ville des dégénérés doit se trouver là-bas.

Il ne paie rien pour attendre, j'insisterai personnellement auprès du grand Consul pour assister à son exécution sur la place publique. La plupart du temps, j'évite cet endroit. Petite, mon père adorait m'y emmener pour m'apprendre le courage, mais j'y ai découvert ce qu'étaient la peur, l'angoisse et la détresse.

L'Orbe du CerfWhere stories live. Discover now