— Vide pas tout, faut qu'il en reste pour tes prochaines blessures.
— Ouais... Merci, monsieur le guérisseur, balayé-je en n'osant pas affronter son regard clair.
Je m'enfonce sur une autre parcelle, le vent est glacé, mais mon visage, lui, est bouillant.
Nous marchons depuis deux jours du matin jusqu'à la nuit tombée, ma blessure n'est plus aussi douloureuse, mais elle sait se rappeler à moi lorsque je dois me hisser sur un tronc énorme couché au sol ou gravir des pentes. Il n'y a plus aucune trace de plaie, ma peau a cicatrisé plus rapidement que je le pensais. Soit le baume est très efficace, soit j'ai perdu la notion du temps. Tout se ressemble et j'ai fini par jouer au jeu des hasards à chaque croisement au grand damne du Voleur et sa sale bête.
Ils s'échangent des messes basses de temps à autre. Ce qui m'agace bien plus que cet arbre aux branches gigantesques qui frôlent le sol et forme un rideau rigide. Nous sommes passés devant pas moins de quatre fois !
De temps à autre le chemin semble différent, je me surprends même à découvrir des touffes d'herbes verdoyantes ici et là ou des rangées de champignons comestibles - que Pam s'est fait une joie de dévorer -. Mais c'est bien devant ce spécimen vieux de plusieurs millénaires que je termine ma route.
— Et de cinq ! balance le Voleur.
Je le foudroie du regard. J'aspire mes lèvres, j'ai arrêté de compter nos tours la troisième fois. Pam agite ses pattes avant comme s'il voulait insister sur le chiffre.
— Oui, c'est bon ! claqué-je en levant les bras au ciel.
— Je vais prendre le relais.
Il a de la chance de se trouver assez loin de moi, parce que je n'aurais pas hésité à le mettre au sol pour le traîner jusqu'à Thanoc, même si cela doit prendre encore des jours. Je serre les poings contre ma taille, mon cœur bat énergiquement.
— J'ai besoin de réfléchir, affirmé-je en tâtant les coins cornés de mon oracle.
Je ne m'en suis pas servi depuis mon départ, le jeu est logé au fond de ma besace et il est temps de lui demander de l'aide. Je l'extirpe, non sans me détourner du regard curieux des deux idiots qui m'accompagnent.
Mon intuition est embrumée par les lieux et je n'arrive plus à penser raisonnablement depuis notre rencontre. Je m'assois à même le sol en tailleur, les feuilles craquent sous mon poids et je bats le paquet de cartes en récitant ma question.
Par où aller ?
—T'es sérieuse ? Tu fais quoi là ?
J'ignore la remarque de Cad, si je veux avoir une réponse, je dois rester concentrée. J'étale mes lames face cachée devant moi, certaines tiennent en équilibre précaire sur des tas de branches mortes.
Alors que j'amène ma main fraîchement guérie, une chaleur intense traverse mes phalanges, bien plus forte que tout ce que je n'ai jamais ressenti lors de mes tirages. Comme si l'endroit décuplait mes émotions, mes peurs, mes angoisses, mais aussi ma détermination à réussir ma mission.
— C'est pas le moment de jouer, rappelle le Voleur en se plaçant à ma hauteur.
La sale bête s'approche de mon jeu et je n'hésite pas à lui envoyer des cailloux pour le faire fuir. Il siffle en bouffant le poil.
— Ignore là, Pam.
Son maître le rappelle et il vient se loger entre ses jambes. Si je n'étais pas tant impressionnée par la sensation qui traverse chacun de mes membres, je lui aurais bien tiré la langue en guise de provocation.
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L'Orbe du Cerf
FantasyDes rumeurs courent par delà les terres d'Amanil, racontant que l'Écureuil Noir, l'un des plus célèbres voleurs du pays, est parti à la recherche de l'Orbe du Cerf. Un objet mystique qui alimente les légendes de la sombre forêt de Doemort. Laérra es...
Chapitre 9 • L'oracle
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