La petite pilleuse aux engrenages

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La chaleur était accablante tandis qu'une nouvelle tempête de sable s'emparait du désert brûlant, le soleil atteignant peu à peu son zénith. Au milieu des bourrasques de vent, une enfant tentait tant bien que mal d'avancer, camouflant son visage d'un morceau d'étoffe tombant en lambeaux. Sa peau était agressée de toute part par les grains de sable qui se jetaient en furie contre elle. Épuisée, la petite continuait comme elle le pouvait sur son chemin, serrant contre elle le maigre butin qui lui offrirait peut-être de quoi manger et boire le soir venu. Oui, surtout de quoi boire. La pauvre miséreuse était assoiffée et déjà sa petite gourde était vide. Cela ne faisait même pas un mois que ses parents l'avaient laissée derrière eux sur cette planète hostile et elle devait encore intégrer les règles qui lui permettraient de survivre. Si tant est qu'elle parvienne à se sortir vivante de cette tempête. Mais rien n'était moins sûr.

A bout de force, elle n'espérait plus que trouver une épave de vaisseau auprès de laquelle s'abriter. Mais aussi pensait-elle y dérober quelques pièces de plus. Un ou deux petits trésors qui la nourriraient lorsqu'elle les apporterait à l'effroyable Unkar Plutt. Elle dépendait de ce monstre qui lui délivrait au compte-goutte quelques misérables bouts de portion alimentaire en fonction de la valeur des pièces qu'elle lui ramenait. Autant dire qu'elle était en dénutrition depuis qu'elle avait foulé le sol désertique de cette planète pour la première fois. La faim lui tiraillait le ventre un peu plus chaque jour, alors qu'elle ne parvenait pas à ramener suffisamment de pièces pour sa survie.

Elle venait d'atteindre ses dernières limites lorsque d'épuisement, elle se laissa tomber à genoux et se roula en boule sur le sol pour protéger son frêle corps de la violence du sable de ce système. Elle était fatiguée et ne souhaitait plus que se laisser emporter par les bras de Morphée. Mais elle savait que si cela venait à arriver, la divinité des rêves ne la libérerait jamais plus de son étreinte mortelle. Alors elle garda ses petits yeux entrouverts et pour se maintenir éveillée, sortit l'une des pièces de son petit sac de fortune. Elle formait un demi dôme cuivré. Une image s'impose alors à elle. C'était le vaisseau épave qui lui servait à présent de refuge. Elle ferma les yeux et ressenti la fraicheur ambiante que lui procurait l'ombre de son abri. Mais elle les rouvrit. Elle ne devait pas céder à la fatigue. Elle sortit donc une autre pièce rectangulaire, un radiateur peut-être ? Cela lui faisait penser aux modules qu'utilisaient certains pilleurs pour se déplacer plus vite entre les épaves et ainsi récupérer plus de pièces et échapper aux dangers du désert. Si seulement elle pouvait en avoir un à ce moment-là. Elle pourrait fuir cette tempête de sables qui bientôt aurait raison d'elle. Elle reprit rapidement contact avec la réalité de ces grains qui lui fouettaient le corps dans tous les sens. Une nouvelle pièce, grise et ovale celle-ci. Mais pour une fois, ce ne fût pas une simple image qui s'imposa à son esprit, mais toute une scène qui se rejouait dans sa tête. Le petit morceau d'acier volait à présent bien haut dans le ciel tandis que les cris d'une petite fillette résonnaient à travers les dunes désertiques « Non, revenez ! Me laissez pas ! Revenez ! » La petite pilleuse sentis malgré le sable qui l'agressait une larme rouler sur sa joue, suivie d'une autre, puis encore une. Non, que faisait-elle ? Elle gaspillait inutilement les dernières réserves d'eau présentes dans son corps. Ne te laisse pas aller, surtout ne craque pas. Pas maintenant ! Tu vas t'en sortir alors tient bon ! Elle essuya l'eau présente sur ses joues avant de sortir la dernière pièce présente dans son sac. Il s'agissait d'un engrenage doré et admirablement bien sculpté. Cette fois pas de vision, mais une pensée : « les rouages de la destinée se mettent en placent ». Elle ferma les yeux pour mieux mémoriser la phrase. Que signifiait-elle ? Elle les rouvrit cependant bien vite lorsqu'une main rassurante vint se poser sur sa chevelure nouée en plusieurs chignons. Elle leva les yeux pour voir qui était son sauveur. Il s'agissait d'un jeune homme, il n'avait pas encore la vingtaine et pourtant il devait bien être son aîné de dix ans. Il avait des boucles noires qui encadraient un fin visage pâle et une mince tresse qui tombait sur son épaule. Dans son regard sombre, elle pouvait voir se mêler la surprise avec la bienveillance. Elle agrippa alors désespérément sa longue toge brune.

- Vous aussi vous êtes tout seul ?

- Je l'étais, mais à présent que tu es là, je ne le suis plus.

Le mystérieux adolescent dit cela avec un sourire rassurant. La petite quant à elle sentit les larmes monter à ses yeux. Elle avait peur qu'il parte en la laissant ici. Elle ne voulait pas être abandonnée une nouvelle fois. Et comme s'il sentait tout le désespoir dans l'âme de la fillette, le plus âgé la prit dans ses bras pour la calmer avant de lui chuchoter à l'oreille : « Et toi non plus, tu n'es plus toute seule ». Immédiatement la petite pilleuse se senti apaisée. Elle serra l'habit de son sauveur pour se blottir un peu plus dans ses bras protecteurs. Elle se permit même de fermer les yeux et de se laisser aller à la détente. Pour une fois qu'elle ne se sentait pas obligée de rester sur ses gardes constamment. Elle sentit que l'homme avançait tandis qu'elle était toujours dans ses bras. Où allaient-ils ? Elle l'ignorait. Mais elle s'en fichait car elle se sentait bien près de lui, complète. Elle espérait que cette vision dure toujours. Mais elle savait que tout cela n'était que le fruit de son imagination et que lorsqu'elle rouvrira les yeux, si elle les rouvrait un jour, la présence rassurante du jeune homme ne serait plus là.

Lorsqu'elle reprit conscience, l'enfant sentait une ombre fraîche l'entourer. Elle ouvrit lentement les yeux et fut surprise de se retrouver sous un immense tat de ferrailles blanc-gris, posé sur trois pieds. Serait-ce un vaisseau spatial ? Si oui, cela surprendrait beaucoup la jeune pilleuse qu'il soit toujours en état de voler. Mais comment était-elle arrivée ici ? Elle se souvint alors de la silhouette de l'homme aux cheveux noirs qu'elle avait vu dans ses rêves. Mais est-ce que cela était bien un rêve, elle ne savait plus qu'en penser. Elle ne s'attarda néanmoins pas sur la question, préférant tourner la tête de droite à gauche pour analyser son environnement. Elle fut surprise de reconnaître au loin le marché où elle pourrait retrouver celui qui l'effrayait tant mais qui paradoxalement la nourrissait. Elle prit donc la direction des petites étales, prête à échanger son butin contre un peu de pain et d'eau. Mais son petit ballotin lui parut plus lourd que dans le désert. Et l'ouvrit et constata qu'effectivement à l'intérieur se trouvaient six pièces détachées en plus. Elle sourit.

A présent elle en était persuadée, le jeune homme qu'elle avait croisé dans le désert était bel et bien réel. Et en plus de lui avoir sauvé la vie, il lui avait fait don d'au moins deux portions alimentaires complètes. Ou alors se serrerait-elle encore une fois la ceinture pour investir dans un module ? A voir. En tous cas, elle le remercia grandement dans sa tête tout en souhaitant du plus profond de son âme être amenée à le retrouver un jour.

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⏰ Last updated: Sep 13, 2023 ⏰

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