CHAPITRE 3

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 Il se sentait vaporeux, complètement dans le brouillard et il ne se souvenait pas de grand chose sauf de la secousse qui avait ébranlé la passerelle. Il sentit qu'on le touchait et il tenta de se redresser, dans un cri. Son cœur s'emballa si fort que des bip infernaux lui vrillèrent les tympans et il eut envie de vomir.

- Doucement, capitaine, sourit une jeune femme en le forçant à rester rallonger. Laissez-moi finir le bandage.

Léo avait les pupilles dilatées, le souffle court. Il se calma lentement. Un début de nausée le prit mais il réussit à fixer la demoiselle qui portait une tenue blanche et un badge. « Leslie ». « Infirmière ». Elle lui indiquait comment respirer calmement.

- Où suis-je ?

Il ne reconnut pas sa voix, rauque et cassée.

- A l'hôpital militaire de Lagoon, lui dit-elle avec toujours ce sourire doux et avenant. Vous êtes resté inconscient pendant trois jours depuis votre arrivée, mais tout va bien maintenant. Le médecin vous a retiré la sonde urinaire mais vous avez toujours les constantes de brancher ainsi que la pompe à morphine.

Il la sentit resserrer les bandes autour de sa cuisse. Pourquoi avait-il la jambe bandée ? Il se sentait dans le gaz, le brouillard total et n'arrivait pas à aligner deux pensées cohérentes. Juste des faits qu'il ne comprenait pas.

- Le docteur Steward va venir vous voir.

Il avala lentement, la gorge sèche. Il regarda autour de lui mais ferma les yeux alors que tout bougeait désagréablement. Il n'aimait pas les hôpitaux.

- L'amiral Landry passera demain dans la journée si le médecin l'autorise.

Il n'écoutait pas la jeune infirmière, son regard était fixé sur le pot de freesia au milieu des bouquets. Il adorait ces fleurs et personne hormis sa famille et ses amis – rares amis – proches le savaient.

- Des membres de votre équipage et des amis sont venus vous voir, lui indiqua-t-elle. Ils vont être rassurés de vous savoir réveillé.

Il tourna les yeux vers elle et tenta un sourire maladroit.

- J'ai soif, souffla-t-il.

- Je m'en doute, rit-elle. On vous a retiré le respirateur hier soir et vous êtes encore sous traitement. On vous administre de la morphine régulièrement mais en basse quantité. Si vous avez vraiment mal, n'hésitez pas à appuyer sur la commande, vous recevrez une plus forte dose. N'en abusez pas, toutefois !

Elle s'approcha pour lui montrer sur quel bouton appuyer puis lui servit un verre d'eau.

- Je pourrais bientôt sortir ?

Leslie eut un air triste et secoua doucement la tête. Ses boucles rousses dansèrent autour de son visage.

- Je suis désolée, le docteur Steward vous expliquera tout ça.

Elle lui caressa la joue dans un geste maternelle et lui sourit. Elle l'aida à boire avec la paille puis reposa le verre sur la table.

- Allons, reposez-vous un peu. Votre corps en a autant besoin que votre esprit.

- Hum...

Elle prit cinq minutes pour lui expliquer comment appeler l'infirmière de garde en cas de souci, comment mettre la télévision, où se trouvait la tablette ou encore comment faire pour appeler quelqu'un en dehors de l'hôpital. Quand elle quitta la pièce, Léocadie s'était rendormi et ne se rappelait plus de la moitié de ce qu'elle lui avait dit.

Il passa les heures suivantes à alterner phases de sommeil et de réveil un peu somnolant. Il n'avait pas encore pris conscience de son état – de toute façon, dès qu'il bougeait de trop, il avait envie de vomir – et il appuya quelques fois pour que la pompe à morphine apaise sa douleur.

Lorsque le docteur arriva, il était tard, il était encore dans le flou mais il se sentait mieux. Il avait dû se concentrer pour l'écouter se présenter et l'homme d'une cinquantaine d'années l'avait légèrement secoué. Le type avait l'air très professionnel avec sa blouse blanche et ses cheveux bien coupés. Son regard était clair et perçant.

- Capitaine Brigman, sourit le médecin après avoir reposé son dossier. L'intervention s'est bien déroulée. D'après Leslie, la cicatrisation est belle.

- P-pardon ?

La voix de Léo était blanche, aussi blanche que devint sa peau. De quelle intervention parlait ce type ?

- Je suis désolé, souffla Steward l'air contrit. Pendant l'attaque, la passerelle a subi de lourds dégâts et le plafond vous est tombé dessus.

Léocadie avala difficilement. Il sentait son corps trembler.

- La tôle, les poutres, les câbles, bref tout... Vos hommes ont eu du mal à vous sortir des décombres et ils ont fait ce qu'ils ont pu pour la sauver. Vous leur devez...

- Sauver quoi ? gronda Léo au bord de la panique.

- Votre jambe.

L'officier manqua de s'étouffer et, sous le coup de l'adrénaline, il se redressa brutalement, le cœur au bord des lèvres. Son rythme cardiaque s'affola. Il tira le drap et découvrit avec horreur qu'il n'y avait plus rien sous la mi-cuisse droite. Des bandes serrées avaient été enroulées solidement autour du futur moignon.

- C'est... c'est pas possible ? paniqua Léo qui tâtonna sa jambe pour retrouver ce qu'il manquait. Pourquoi ? POURQUOI vous avez coupé ?

- Capitaine, calmez-vous, s'il vous plaît, tempéra le docteur.

- Que je me calme ? Putain j'ai plus de jambe ! Vous m'avez coupé la jambe ! »

Il ne vit pas le regard de Steward à l'infirmière qui glissa un sédatif dans sa perfusion.

- Ça va aller, capitaine.

Léo se sentit vaseux tout d'un coup. Conscient mais dans le coton. Leslie l'aida à se rallonger et il frémit, écoutant le docteur sans vraiment comprendre.

- Capitaine Brigman ?

- Hm... ?

- Bien, dit le médecin en se plaçant près de lui. Comme je vous le disais, vous cicatrisez bien. Nous avons réussi à sauver les nerfs et nous vous avons implanté un connecteur qui sera raccordé à la prothèse.

- Nooon...

- Si, capitaine. D'ici quinze jours, nous retirons les fils et nous pourrons envisager de mouler une prothèse temporaire, continua le médecin. Vous commencerez les séances avec un masseur-kinésithérapeute rapidement et quand vous vous serez habitué, nous vous poserons la prothèse définitive. Vous aurez également droit à un suivi psychologique.

Léo vit Leslie à côté de lui. La jeune femme osa poser sa main sur la sienne. Cela le rassura autant que cela le mit en colère. Il n'était pas un putain de handicapé.

- Vous souffrirez, je ne vais pas vous le cacher, mais vous pourrez marcher à nouveau et retourner à votre poste.

Léo secoua doucement la tête, des larmes de colère, de peur et de frustration coulaient le long de ses joues. Il frissonna à la caresse sur son front. Il n'arrivait pas à réfléchir, le sédatif faisait son effet. Il dormirait encore une heure ou deux. Il allait avoir faim. Et mal. Partout et ce ne serait pas que physique.

Fight inSpace #2 - Vivre dans le bleu de tes yeux (M/M)Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum